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Catéchisme de l'Église catholique -- §500 à §599

§500
A cela on objecte parfois que l'Écriture mentionne des frères et soeurs de Jésus (cf. Mc 3, 31-35; 6, 3; 1 Co 9, 5; Ga 1, 19). L'Église a toujours compris ces passages comme ne désignant pas d'autres enfants de la Vierge Marie: en effet Jacques et Joseph, «frères de Jésus» (Mt 13, 55), sont les fils d'une Marie disciple du Christ (cf. Mt 27, 56) qui est désignée de manière significative comme «l'autre Marie» (Mt 28, 1). Il s'agit de proches parents de Jésus, selon une expression connue de l'Ancien Testament (cf. Gn 13, 8; 14, 16; 29, 15; etc.).

§501
Jésus est le Fils unique de Marie. Mais la maternité spirituelle de Marie (cf. Jn 19, 26-27; Ap 12, 17) s'étend à tous les hommes qu'il est venu sauver: «Elle engendra son Fils, dont Dieu a fait 'l'aîné d'une multitude de frères' (Rm 8, 29), c'est-à-dire de croyants, à la naissance et à l'éducation desquels elle apporte la coopération de son amour maternel» (LG 63).

La maternité virginale de Marie dans le dessein de Dieu

§502
Le regard de la foi peut découvrir, en lien avec l'ensemble de la Révélation, les raisons mystérieuses pour lesquelles Dieu, dans son dessein salvifique, a voulu que son Fils naisse d'une vierge. Ces raisons touchent aussi bien la personne et la mission rédemptrice du Christ que l'accueil de cette mission par Marie pour tous les hommes:

§503
La virginité de Marie manifeste l'initiative absolue de Dieu dans l'Incarnation. Jésus n'a que Dieu comme Père (cf. Lc 2, 48-49). «La nature humaine qu'il a prise ne l'a jamais éloigné du Père (...); naturellement Fils de son Père par sa divinité, naturellement fils de sa mère par son humanité, mais proprement Fils de Dieu dans ses deux natures» (Cc. Frioul en 796: DS 619).

§504
Jésus est conçu du Saint-Esprit dans le sein de la Vierge Marie parce qu'il est le Nouvel Adam (cf. 1 Co 15, 45) qui inaugure la création nouvelle: «Le premier homme, issu du sol, est terrestre; le second homme, lui, vient du ciel» (1 Co 15, 47). L'humanité du Christ est, dès sa conception, remplie de l'Esprit Saint car Dieu «lui donne l'Esprit sans mesure» (Jn 3, 34). C'est de «sa plénitude» à lui, tête de l'humanité rachetée (cf. Col 1, 18), que «nous avons reçu grâce sur grâce» (Jn 1, 16).

§505
Jésus, le Nouvel Adam, inaugure par sa conception virginale la nouvelle naissance des enfants d'adoption dans l'Esprit Saint par la foi. «Comment cela se fera-t-il?» (Lc 1, 34; cf. Jn 3, 9). La participation à la vie divine ne vient pas «du sang, ni du vouloir de chair, ni du vouloir d'homme, mais de Dieu» (Jn 1, 13). L'accueil de cette vie est virginal car celle-ci est entièrement donnée par l'Esprit à l'homme. Le sens sponsal de la vocation humaine par rapport à Dieu (cf. 2 Co 11, 2) est accompli parfaitement dans la maternité virginale de Marie.

§506
Marie est vierge parce que sa virginité est le signe de sa foi «que nul doute n'altère» (LG 63) et de sa donation sans partage à la volonté de Dieu (cf. 1 Co 7, 34-35). C'est sa foi qui lui donne de devenir la mère du Sauveur: «Bienheureuse Marie, plus encore parce qu'elle a reçu la foi du Christ que parce qu'Elle a conçu la chair du Christ» (S. Augustin, virg. 3: PL 40, 398).

§507
Marie est à la fois vierge et mère car elle est la figure et la plus parfaite réalisation de l'Église (cf. LG 63): «L'Église devient à son tour une Mère, grâce à la parole de Dieu qu'elle reçoit dans la foi: par la prédication en effet, et par le Baptême elle engendre, à une vie nouvelle et immortelle, des fils conçus du Saint-Esprit et nés de Dieu. Elle est aussi vierge, ayant donné à son Époux sa foi, qu'elle garde intègre et pure» (LG 64).

EN BREF

§508
Dans la descendance d'Eve, Dieu a choisi la Vierge Marie pour être la Mère de son Fils. «Pleine de grâce», elle est «le fruit le plus excellent de la Rédemption» (SC 103): dès le premier instant de sa conception, elle est totalement préservée de la tache du péché originel et elle est restée pure de tout péché personnel tout au long de sa vie.

§509
Marie est vraiment «Mère de Dieu» puisqu'elle est la mère du Fils éternel de Dieu fait homme, qui est Dieu lui-même.

§510
Marie «est restée Vierge en concevant son Fils, Vierge en l'enfantant, Vierge en le portant, Vierge en le nourrissant de son sein, Vierge toujours» (S. Augustin, serm. 186, 1: PL 38, 999): de tout son être elle est «la servante du Seigneur» (Lc 1, 38).

§511
La Vierge Marie a «coopéré au salut des hommes avec sa foi et son obéissance libres» (LG 56). Elle a prononcé son oui «au nom de toute la nature humaine» (S. Thomas d'A., s. th. 3, 30, 1): Par son obéissance, elle est devenue la nouvelle Eve, mère des vivants.

Paragraphe 3. LES MYSTERES DE LA VIE DU CHRIST

§512
Le Symbole de la foi ne parle, concernant la vie du Christ, que des mystères de l'Incarnation (conception et naissance) et de la Pâque (passion, crucifixion, mort, sépulture, descente aux enfers, résurrection, ascension). Il ne dit rien, explicitement, des mystères de la vie cachée et publique de Jésus, mais les articles de la foi concernant l'Incarnation et la Pâque de Jésus éclairent toute la vie terrestre du Christ. «Tout ce que Jésus a fait et enseigné, depuis le commencement jusqu'au jour où (...) Il fut enlevé au ciel» (Ac 1, 1-2) est à voir à la lumière des mystères de Noël et de Pâques.

§513
La Catéchèse, selon les circonstances, déploiera toute la richesse des mystères de Jésus. Ici il suffit d'indiquer quelques éléments communs à tous les mystères de la vie du Christ (I), pour esquisser ensuite les principaux mystères de la vie cachée (II) et publique (III) de Jésus.

I. Toute la vie du Christ est mystère

§514
Beaucoup de choses qui intéressent la curiosité humaine au sujet de Jésus ne figurent pas dans les Évangiles. Presque rien n'est dit sur sa vie à Nazareth, et même une grande part de sa vie publique n'est pas relatée (cf. Jn 20, 30). Ce qui a été écrit dans les Évangiles, l'a été «pour que vous croyez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant vous ayez la vie en son nom» (Jn 20, 31).

§515
Les Évangiles sont écrits par des hommes qui ont été parmi les premiers à avoir la foi (cf. Mc 1, 1; Jn 21, 24) et qui veulent la faire partager à d'autres. Ayant connu dans la foi qui est Jésus, ils ont pu voir et faire voir lestraces de son mystèredans toute sa vie terrestre. Des langes de sa nativité (cf. Lc 2, 7) jusqu'au vinaigre de sa passion (cf. Mt 27, 48) et au suaire de sa Résurrection (cf. Jn 20, 7), tout dans la vie de Jésus est signe de son mystère. A travers ses gestes, ses miracles, ses paroles, il a été révélé qu'«en Lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité» (Col 2, 9). Son humanité apparaît ainsi comme le «sacrement», c'est-à-dire le signe et l'instrument de sa divinité et du salut qu'il apporte: ce qu'il y avait de visible dans sa vie terrestre conduisit au mystère invisible de sa filiation divine et de sa mission rédemptrice.

Les traits communs des mystères de Jésus

§516
Toute la vie du Christ est Révélation du Père: ses paroles et ses actes, ses silences et ses souffrances, sa manière d'être et de parler. Jésus peut dire: «Qui me voit, voit le Père» (Jn 14, 9), et le Père: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé; écoutez-le» (Lc 9, 35). Notre Seigneur s'étant fait homme pour accomplir la volonté du Père (cf. He 10, 5-7), les moindres traits de ses mystères nous manifestent «l'amour de Dieu pour nous» (1 Jn 4, 9).

§517
Toute la vie du Christ est mystère de Rédemption. La Rédemption nous vient avant tout par le sang de la Croix (cf. Ep 1, 7; Col 1, 13-14; 1 P 1, 18-19), mais ce mystère est à l'oeuvre dans toute la vie du Christ: dans son Incarnation déjà, par laquelle, en se faisant pauvre, il nous enrichit par sa pauvreté (cf. 2 Co 8, 9); dans sa vie cachée qui, par sa soumission (cf. Lc 2, 51), répare notre insoumission; dans sa parole qui purifie ses auditeurs (cf. Jn 15, 3); dans ses guérisons et ses exorcismes, par lesquels «il a pris nos infirmités et s'est chargé de nos maladies» (Mt 8, 17; cf. Is 53, 4); dans sa Résurrection, par laquelle il nous justifie (cf. Rm 4, 25).

§518
Toute la vie du Christ est mystère de Récapitulation. Tout ce que Jésus a fait, dit et souffert, avait pour but de rétablir l'homme déchu dans sa vocation première:

Lorsqu'il s'est incarné et s'est fait homme, il a récapitulé en lui-même la longue histoire des hommes et nous a procuré le salut en raccourci, de sorte que ce que nous avions perdu en Adam, c'est-à-dire d'être à l'image et à la ressemblance de Dieu, nous le recouvrions dans le Christ Jésus (S. Irénée, haer. 3, 18, 1). C'est d'ailleurs pourquoi le Christ est passé par tous les âges de la vie, rendant par là à tous les hommes la communion avec Dieu (ibid. 3, 18, 7; cf. 2, 22, 4).

Notre communion aux mystères de Jésus

§519
Toute la richesse du Christ «est destinée à tout homme et constitue le bien de chacun» (RH 11). Le Christ n'a pas vécu sa vie pour lui-même, mais pour nous, de son Incarnation «pour nous les hommes et pour notre salut» jusqu'à sa mort «pour nos péchés» (1 Co 15, 3) et à sa Résurrection «pour notre justification» (Rm 4, 25). Maintenant encore, il est «notre avocat auprès du Père» (1 Jn 2, 1), «étant toujours vivant pour intercéder en notre faveur» (He 7, 25). Avec tout ce qu'il a vécu et souffert pour nous une fois pour toutes, il reste présent pour toujours «devant la face de Dieu en notre faveur» (He 9, 24).

§520
En toute sa vie, Jésus se montre comme notre modèle (cf. Rm 15, 5; Ph 2, 5): il est «l'homme parfait» (GS 38) qui nous invite à devenir ses disciples et à le suivre: par son abaissement, il nous a donné un exemple à imiter (cf. Jn 13, 15), par sa prière, il attire à la prière (cf. Lc 11, 1), par sa pauvreté, il appelle à accepter librement le dénuement et les persécutions (cf. Mt 5, 11-12).

§521
Tout ce que le Christ a vécu, il fait que nous puissions le vivre en Lui et qu'il le vive en nous. «Par son Incarnation, le Fils de Dieu s'est en quelque sorte uni lui-même à tout homme» (GS 22, § 2). Nous sommes appelés à ne faire plus qu'un avec lui; ce qu'il a vécu dans sa chair pour nous et comme notre modèle, il nous y fait communier comme les membres de son Corps:

Nous devons continuer et accomplir en nous les états et mystères de Jésus, et le prier souvent qu'il les consomme et accomplisse en nous et en toute son Église (...). Car le Fils de Dieu a dessein de mettre une participation, et de faire comme une extension et continuation de ses mystères en nous et en toute son Église, par les grâces qu'il veut nous communiquer, et par les effets qu'il veut opérer en nous par ces mystères. Et par ce moyen il veut les accomplir en nous (S. Jean Eudes, Le royaume de Jésus, 3, 4: Oeuvres complètes, v. 1 [Vannes 1905] p. 310-311).

II. Les mystères de l'enfance et de la vie cachée de Jésus

Les préparations

§522
La venue du Fils de Dieu sur la terre est un événement si immense que Dieu a voulu le préparer pendant des siècles. Rites et sacrifices, figures et symboles de la Première alliance (cf. He 9, 15), Il fait tout converger vers le Christ; Il l'annonce par la bouche des prophètes qui se succèdent en Israël. Il éveille par ailleurs dans le coeur des païens l'obscure attente de cette venue.

§523
Saint Jean le Baptiste est le précurseur (cf. Ac 13, 24) immédiat du Seigneur, envoyé pour Lui préparer le chemin (cf. Mt 3, 3). «Prophète du Très-Haut» (Lc 1, 76), il dépasse tous les prophètes (cf. Lc 7, 26), il en est le dernier (cf. Mt 11,13), il inaugure l'Évangile (cf. Ac 1, 22; Lc 16, 16); il salue la venue du Christ dès le sein de sa mère (cf. Lc 1, 41) et il trouve sa joie à être «l'ami de l'époux» (Jn 3, 29) qu'il désigne comme «l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde» (Jn 1, 29). Précédant Jésus «avec l'esprit et la puissance d'Elie» (Lc 1, 17), il lui rend témoignage par sa prédication, son baptême de conversion et finalement son martyre (cf. Mc 6, 17-29).

§524
En célébrant chaque année la liturgie de l'Avent, l'Église actualise cette attente du Messie: en communiant à la longue préparation de la première venue du Sauveur, les fidèles renouvellent l'ardent désir de son second Avènement (cf. Ap 22, 17). Par la célébration de la nativité et du martyre du Précurseur, l'Église s'unit à son désir: «Il faut que Lui grandisse et que moi je décroisse» (Jn 3, 30).

Le mystère de Noël

§525
Jésus est né dans l'humilité d'une étable, dans une famille pauvre (cf. Lc 2, 6-7); de simples bergers sont les premiers témoins de l'événement. C'est dans cette pauvreté que se manifeste la gloire du ciel (cf. Lc 2, 8-20). L'Église ne se lasse pas de chanter la gloire de cette nuit:

La Vierge aujourd'hui met au monde l'Éternel

Et la terre offre une grotte à l'Inaccessible.

Les anges et les pasteurs le louent

Et les mages avec l'étoile s'avancent,

Car Tu es né pour nous,

Petit Enfant, Dieu éternel!

(Kontakion de Romanos le Mélode)

§526
«Devenir enfant» par rapport à Dieu est la condition pour entrer dans le Royaume (cf. Mt 18, 3-4); pour cela il faut s'abaisser (cf. Mt 23, 12), devenir petit; plus encore: il faut «naître d'en haut» (Jn 3, 7), «naître de Dieu» (Jn 1, 13) pour «devenir enfants de Dieu» (Jn 1, 12). Le mystère de Noël s'accomplit en nous lorsque le Christ «prend forme» en nous (Ga 4, 19). Noël est le mystère de cet «admirable échange «:

O admirable échange! Le créateur du genre humain, assumant un corps et une âme, a daigné naître d'une vierge et, devenu homme sans l'intervention de l'homme, Il nous a fait don de sa divinité (LH, antienne de l'octave de Noël).

Les mystères de l'enfance de Jésus

§527
La circoncision de Jésus, le huitième jour après sa naissance (cf. Lc 2, 21), est signe de son insertion dans la descendance d'Abraham, dans le peuple de l'alliance, de sa soumission à la loi (cf. Ga 4, 4), et de sa députation au culte d'Israël auquel Il participera pendant toute sa vie. Ce signe préfigure «la circoncision du Christ» qu'est le Baptême (cf. Col 2, 11-13).

§528
L'Épiphanie est la manifestation de Jésus comme Messie d'Israël, Fils de Dieu et Sauveur du monde. Avec le Baptême de Jésus au Jourdain et les noces de Cana (cf. LH, antienne du Magnificat des secondes vêpres de l'Épiphanie), elle célèbre l'adoration de Jésus par des «mages» venus d'Orient (Mt 2, 1). Dans ces «mages», représentants des religions païennes environnantes, l'Évangile voit les prémices des nations qui accueillent la Bonne Nouvelle du salut par l'Incarnation. La venue des mages à Jérusalem pour «rendre hommage au roi des Juifs» (Mt 2, 2) montre qu'ils cherchent en Israël, à la lumière messianique de l'étoile de David (cf. Nb 24, 17; Ap 22, 16), celui qui sera le roi des nations (cf. Nb 24, 17-19). Leur venue signifie que les païens ne peuvent découvrir Jésus et l'adorer comme Fils de Dieu et Sauveur du monde qu'en se tournant vers les juifs (cf. Jn 4, 22) et en recevant d'eux leur promesse messianique telle qu'elle est contenue dans l'Ancien Testament (cf. Mt 2, 4-6). L'Épiphanie manifeste que «la plénitude des païens entre dans la famille des patriarches» (S. Léon le Grand, serm. 33, 3: PL 54, 242) et acquiert la Israelitica dignitas (MR, Vigile Pascale 26: prière après la troisième lecture).

§529
La présentation de Jésus au Temple (cf. Lc 2, 22-39) Le montre comme le Premier-Né appartenant au Seigneur (cf. Ex 13, 12-13). Avec Siméon et Anne c'est toute l'attente d'Israël qui vient à la rencontre de son Sauveur (la tradition byzantine appelle ainsi cet événement). Jésus est reconnu comme le Messie tant attendu, «lumière des nations» et «gloire d'Israël», mais aussi «signe de contradiction». Le glaive de douleur prédit à Marie annonce cette autre oblation, parfaite et unique, de la Croix qui donnera le salut que Dieu a «préparé à la face de tous les peuples».

§530
La fuite en Égypte et le massacre des innocents (cf. Mt 2, 13-18) manifestent l'opposition des ténèbres à la lumière: «Il est venu chez lui et les siens ne l'ont pas reçu» (Jn 1, 11). Toute la vie du Christ sera sous le signe de la persécution. Les siens la partagent avec lui (cf. Jn 15, 20). Sa montée d'Égypte (cf. Mt 2, 15) rappelle l'Exode (cf. Os 11, 1) et présente Jésus comme le libérateur définitif.

Les mystères de la vie cachée de Jésus

§531
Pendant la plus grande partie de sa vie, Jésus a partagé la condition de l'immense majorité des hommes: une vie quotidienne sans apparente grandeur, vie de travail manuel, vie religieuse juive soumise à la Loi de Dieu (cf. Ga 4, 4), vie dans la communauté. De toute cette période il nous est révélé que Jésus était «soumis» à ses parents et qu'«il croissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant les hommes» (Lc 2, 51-52).

§532
La soumission de Jésus à sa mère et son père légal accomplit parfaitement le quatrième commandement. Elle est l'image temporelle de son obéissance filiale à son Père céleste. La soumission de tous les jours de Jésus à Joseph et à Marie annonçait et anticipait la soumission du Jeudi Saint: «Non pas ma volonté...» (Lc 22, 42). L'obéissance du Christ dans le quotidien de la vie cachée inaugurait déjà l'oeuvre de rétablissement de ce que la désobéissance d'Adam avait détruit (cf. Rm 5, 19).

§533
La vie cachée de Nazareth permet à tout homme de communier à Jésus par les voies les plus quotidiennes de la vie:

Nazareth est l'école où l'on commence à comprendre la vie de Jésus: l'école de l'Évangile (...). Une leçon de silence d'abord. Que naisse en nous l'estime du silence, cette admirable et indispensable condition de l'esprit (...). Une leçon de vie familiale. Que Nazareth nous enseigne ce qu'est la famille, sa communion d'amour, son austère et simple beauté, son caractère sacré et inviolable (...). Une leçon de travail. Nazareth, ô maison du «Fils du Charpentier», c'est ici que nous voudrions comprendre et célébrer la loi sévère et rédemptrice du labeur humain (...); comme nous voudrions enfin saluer ici tous les travailleurs du monde entier et leur montrer leur grand modèle, leur frère divin (Paul VI, discours 5 janvier 1964 à Nazareth ).

§534
Le recouvrement de Jésus au Temple (cf. Lc 2, 41-52) est le seul événement qui rompt le silence des Évangiles sur les années cachées de Jésus. Jésus y laisse entrevoir le mystère de sa consécration totale à une mission découlant de sa filiation divine: «Ne saviez-vous pas que je me dois aux affaires de mon Père?» Marie et Joseph «ne comprirent pas» cette parole, mais ils l'accueillirent dans la foi, et Marie «gardait fidèlement tous ces souvenirs en son coeur», tout au long des années où Jésus restait enfoui dans le silence d'une vie ordinaire.

III. Les mystères de la vie publique de Jésus

Le Baptême de Jésus

§535
Le commencement (cf. Lc 3, 23) de la vie publique de Jésus est son Baptême par Jean dans le Jourdain (cf. Ac 1, 22). Jean proclamait «un baptême de repentir pour la rémission des péchés» (Lc 3, 3). Une foule de pécheurs, publicains et soldats (cf. Lc 3, 10-14), Pharisiens et Sadducéens (cf. Mt 3, 7) et prostituées (cf. Mt 21, 32) vient se faire baptiser par lui. «Alors paraît Jésus». Le Baptiste hésite, Jésus insiste: il reçoit le Baptême. Alors l'Esprit Saint, sous forme de colombe, vient sur Jésus, et la voix du ciel proclame: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé» (Mt 3, 13-17). C'est la manifestation («Épiphanie») de Jésus comme Messie d'Israël et Fils de Dieu.

§536
Le Baptême de Jésus, c'est, de sa part, l'acceptation et l'inauguration de sa mission de Serviteur souffrant. Il se laisse compter parmi les pécheurs (cf. Is 53, 12); il est déjà «l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde» (Jn 1, 29); déjà, il anticipe le «baptême» de sa mort sanglante (cf. Mc 10, 38; Lc 12, 50). Il vient déjà «accomplir toute justice» (Mt 3, 15), c'est-à-dire qu'il se soumet tout entier à la volonté de son Père: il accepte par amour le baptême de mort pour la rémission de nos péchés (cf. Mt 26, 39). A cette acceptation répond la voix du Père qui met toute sa complaisance en son Fils (cf. Lc 3, 22; Is 42, 1). L'Esprit que Jésus possède en plénitude dès sa conception, vient «reposer» sur lui (Jn 1, 32-33; cf. Is 11, 2). Il en sera la source pour toute l'humanité. A son Baptême, «les cieux s'ouvrirent» (Mt 3, 16) que le péché d'Adam avait fermés; et les eaux sont sanctifiées par la descente de Jésus et de l'Esprit, prélude de la création nouvelle.

§537
Par le Baptême, le chrétien est sacramentellement assimilé à Jésus qui anticipe en son baptême sa mort et sa résurrection; il doit entrer dans ce mystère d'abaissement humble et de repentance, descendre dans l'eau avec Jésus, pour remonter avec lui, renaître de l'eau et de l'Esprit pour devenir, dans le Fils, fils bien-aimé du Père et «vivre dans une vie nouvelle» (Rm 6, 4):

Ensevelissons-nous avec le Christ par le Baptême, pour ressusciter avec lui; descendons avec lui, pour être élevés avec lui; remontons avec lui, pour être glorifiés en lui (S. Grégoire de Naz., or. 40, 9: PG 36, 369B).

Tout ce qui s'est passé dans le Christ nous fait connaître qu'après le bain d'eau, l'Esprit Saint vole sur nous du haut du ciel et qu'adoptés par la Voix du Père, nous devenons fils de Dieu (S. Hilaire, Mat. 2: PL 9, 927).

La Tentation de Jésus

§538
Les Évangiles parlent d'un temps de solitude de Jésus au désert immédiatement après son baptême par Jean: «Poussé par l'Esprit» au désert, Jésus y demeure quarante jours sans manger; il vit avec les bêtes sauvages et les anges le servent (cf. Mc 1, 12-13). A la fin de ce temps, Satan le tente par trois fois cherchant à mettre en cause son attitude filiale envers Dieu. Jésus repousse ces attaques qui récapitulent les tentations d'Adam au Paradis et d'Israël au désert, et le diable s'éloigne de lui «pour revenir au temps marqué» (Lc 4, 13).

§539
Les Évangélistes indiquent le sens salvifique de cet événement mystérieux. Jésus est le nouvel Adam, resté fidèle là où le premier a succombé à la tentation. Jésus accomplit parfaitement la vocation d'Israël: contrairement à ceux qui provoquèrent jadis Dieu pendant quarante ans au désert (cf. Ps 95, 10), le Christ se révèle comme le Serviteur de Dieu totalement obéissant à la volonté divine. En cela, Jésus est vainqueur du diable: il a «ligoté l'homme fort» pour lui reprendre son butin (Mc 3, 27). La victoire de Jésus sur le tentateur au désert anticipe la victoire de la passion, obéissance suprême de son amour filial du Père.

§540
La tentation de Jésus manifeste la manière qu'a le Fils de Dieu d'être Messie, à l'opposé de celle que lui propose Satan et que les hommes (cf. Mt 16, 21-23) désirent lui attribuer. C'est pourquoi le Christ a vaincu le Tentateur pour nous: «Car nous n'avons pas un grand prêtre impuissant à compatir à nos faiblesses, lui qui a été éprouvé en tout, d'une manière semblable, à l'exception du péché» (He 4, 15). L'Église s'unit chaque année par les quarante jours du Grand Carême au mystère de Jésus au désert.

«Le Royaume de Dieu est tout proche»

§541
«Après que Jean eut été livré, Jésus se rendit en Galilée. Il y proclamait en ces termes la Bonne Nouvelle venue de Dieu: 'Les temps sont accomplis et le Royaume de Dieu est tout proche: repentez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle'» (Mc 1, 15). «Pour accomplir la volonté du Père, le Christ inaugura le Royaume des cieux sur la terre» (LG 3). Or, la volonté du Père, c'est d'«élever les hommes à la communion de la vie divine» (LG 2). Il le fait en rassemblant les hommes autour de son Fils, Jésus-Christ. Ce rassemblement est l'Église, qui est sur terre «le germe et le commencement du Royaume de Dieu» (LG 5).

§542
Le Christ est au coeur de ce rassemblement des hommes dans la «famille de Dieu». Il les convoque autour de lui par sa parole, par ses signes qui manifestent le règne de Dieu, par l'envoi de ses disciples. Il réalisera la venue de son Royaume surtout par le grand mystère de sa Pâque: sa mort sur la Croix et sa Résurrection. «Et moi, élevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi» (Jn 12, 32). A cette union avec le Christ tous les hommes sont appelés (cf. LG 3).

L'annonce du Royaume de Dieu

§543
Tous les hommes sont appelés à entrer dans le Royaume. Annoncé d'abord aux enfants d'Israël (cf. Mt 10, 5-7), ce Royaume messianique est destiné à accueillir les hommes de toutes les nations (cf. Mt 8, 11; 28, 19). Pour y accéder, il faut accueillir la parole de Jésus:

La parole du Seigneur est en effet comparée à une semence qu'on sème dans un champ: ceux qui l'écoutent avec foi et sont agrégés au petit troupeau du Christ ont accueilli son royaume lui-même; puis, par sa propre vertu, la semence croît jusqu'au temps de la moisson (LG 5).

§544
Le Royaume appartient aux pauvres et aux petits, c'est-à-dire à ceux qui l'ont accueilli avec un coeur humble. Jésus est envoyé pour «porter la bonne nouvelle aux pauvres» (Lc 4, 18; cf. 7, 22). Il les déclare bienheureux car «le Royaume des cieux est à eux» (Mt 5, 3); c'est aux «petits» que le Père a daigné révéler ce qui reste caché aux sages et aux habiles (cf. Mt 11, 25). Jésus partage la vie des pauvres, de la crèche à la croix; il connaît la faim (cf. Mc 2, 23-26; Mt 21, 18), la soif (cf. Jn 4, 6-7; 19, 28) et le dénuement (cf. Lc 9, 58). Plus encore: il s'identifie aux pauvres de toutes sortes et fait de l'amour actif envers eux la condition de l'entrée dans son Royaume (cf. Mt 25, 31-46).

§545
Jésus invite les pécheurs à la table du Royaume: «Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs» (Mc 2, 17; cf. 1 Tm 1, 15). Il les invite à la conversion sans laquelle on ne peut entrer dans le Royaume, mais il leur montre en parole et en acte la miséricorde sans bornes de son Père pour eux (cf. Lc 15, 11-32) et l'immense «joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent» (Lc 15, 7). La preuve suprême de cet amour sera le sacrifice de sa propre vie «en rémission des péchés» (Mt 26, 28).

§546
Jésus appelle à entrer dans le Royaume à travers les paraboles, trait typique de son enseignement (cf. Mc 4, 33-34). Par elles, il invite au festin du Royaume (cf. Mt 22, 1-14), mais il demande aussi un choix radical: pour acquérir le Royaume, il faut tout donner (cf. Mt 13, 44-45); les paroles ne suffisent pas, il faut des actes (cf. Mt 21, 28-32). Les paraboles sont comme des miroirs pour l'homme: accueille-t-il la parole comme un sol dur ou comme une bonne terre (cf. Mt 13, 3-9)? Que fait-il des talents reçus (cf. Mt 25, 14-30)? Jésus et la présence du Royaume en ce monde sont secrètement au coeur des paraboles. Il faut entrer dans le Royaume, c'est-à-dire devenir disciple du Christ pour «connaître les mystères du Royaume des cieux» (Mt 13, 11). Pour ceux qui restent «dehors» (Mc 4, 11), tout demeure énigmatique (cf. Mt 13, 10-15).

Les signes du Royaume de Dieu

§547
Jésus accompagne ses paroles par de nombreux «miracles, prodiges et signes» (Ac 2, 22) qui manifestent que le Royaume est présent en Lui. Ils attestent que Jésus est le Messie annoncé (cf. Lc 7, 18-23).

§548
Les signes accomplis par Jésus témoignent que le Père l'a envoyé (cf. Jn 5, 36; 10, 25). Ils invitent à croire en lui (cf. Jn 10, 38). A ceux qui s'adressent à lui avec foi, il accorde ce qu'ils demandent (cf. Mc 5, 25-34; 10, 52; etc.). Alors les miracles fortifient la foi en Celui qui fait les oeuvres de son Père: ils témoignent qu'il est le Fils de Dieu (cf. Jn 10, 31-38). Mais ils peuvent aussi être «occasion de chute» (Mt 11, 6). Ils ne veulent pas satisfaire la curiosité et les désirs magiques. Malgré ses miracles si évidents, Jésus est rejeté par certains (cf. Jn 11, 47-48); on l'accuse même d'agir par les démons (cf. Mc 3, 22).

§549
En libérant certains hommes des maux terrestres de la faim (cf. Jn 6, 5-15), de l'injustice (cf. Lc 19, 8), de la maladie et de la mort (cf. Mt 11, 5), Jésus a posé des signes messianiques; il n'est cependant pas venu pour abolir tous les maux ici-bas (cf. Lc 12, 13. 14; Jn 18, 36), mais pour libérer les hommes de l'esclavage le plus grave, celui du péché (cf. Jn 8, 34-36), qui les entrave dans leur vocation de fils de Dieu et cause tous leurs asservissements humains.

§550
La venue du Royaume de Dieu est la défaite du royaume de Satan (cf. Mt 12, 26): «Si c'est par l'Esprit de Dieu que j'expulse les démons, c'est qu'alors le Royaume de Dieu est arrivé pour vous» (Mt 12, 28). Les exorcismes de Jésus libèrent des hommes de l'emprise des démons (cf. Lc 8, 26-39). Ils anticipent la grande victoire de Jésus sur «le prince de ce monde» (Jn 12, 31). C'est par la Croix du Christ que le Royaume de Dieu sera définitivement établi: «Dieu a régné du haut du bois» (Hymne «Vexilla Regis»).

«Les clefs du Royaume»

§551
Dès le début de sa vie publique, Jésus choisit des hommes au nombre de douze pour être avec Lui et pour participer à sa mission (cf. Mc 3, 13-19); il leur donne part à son autorité «et il les envoya proclamer le Royaume de Dieu et guérir» (Lc 9, 2). Ils restent pour toujours associés au Royaume du Christ car celui-ci dirige par eux l'Église:

Je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi; vous mangerez et boirez à la table en mon Royaume, et vous siégerez sur des trônes, pour juger les douze tribus d'Israël (Lc 22, 29-30).

§552
Dans le collège des Douze Simon Pierre tient la première place (cf. Mc 3, 16; 9, 2; Lc 24, 34; 1 Co 15, 5). Jésus lui a confié une mission unique. Grâce à une révélation venant du Père, Pierre avait confessé: «Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant». Notre Seigneur lui avait alors déclaré: «Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les Portes de l'Hadès ne tiendront pas contre elle» (Mt 16, 18). Le Christ, «Pierre vivante» (1 P 2, 4), assure à son Église bâtie sur Pierre la victoire sur les puissances de mort. Pierre, en raison de la foi confessée par lui, demeurera le roc inébranlable de l'Église. Il aura mission de garder cette foi de toute défaillance et d'y affermir ses frères (cf. Lc 22, 32).

§553
Jésus a confié à Pierre une autorité spécifique: «Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux: quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié» (Mt 16, 19). Le «pouvoir des clefs» désigne l'autorité pour gouverner la maison de Dieu, qui est l'Église. Jésus, «le Bon Pasteur» (Jn 10, 11) a confirmé cette charge après sa Résurrection: «Pais mes brebis» (Jn 21, 15-17). Le pouvoir de «lier et délier» signifie l'autorité pour absoudre les péchés, prononcer des jugements doctrinaux et prendre des décisions disciplinaires dans l'Église. Jésus a confié cette autorité à l'Église par le ministère des apôtres (cf. Mt 18, 18) et particulièrement de Pierre, le seul à qui il a confié explicitement les clefs du Royaume.

Un avant-goût du Royaume: La Transfiguration

§554
A partir du jour où Pierre a confessé que Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant, le Maître «commença de montrer à ses disciples qu'il lui fallait s'en aller à Jérusalem, y souffrir (...) être mis à mort et, le troisième jour, ressusciter» (Mt 16, 21): Pierre refuse cette annonce (cf. Mt 16, 22-23), les autres ne la comprennent pas davantage (cf. Mt 17, 23; Lc 9, 45). C'est dans ce contexte que se situe l'épisode mystérieux de la Transfiguration de Jésus (cf. Mt 17, 1-8 par.; 2 P 1, 16-18), sur une haute montagne, devant trois témoins choisis par lui: Pierre, Jacques et Jean. Le visage et les vêtements de Jésus deviennent fulgurants de lumière, Moïse et Elie apparaissent, lui «parlant de son départ qu'il allait accomplir à Jérusalem» (Lc 9, 31). Une nuée les couvre et une voix du ciel dit: «Celui-ci est mon Fils, mon Élu; écoutez-le» (Lc 9, 35).

§555
Pour un instant, Jésus montre sa gloire divine, confirmant ainsi la confession de Pierre. Il montre aussi que, pour «entrer dans sa gloire» (Lc 24, 26), il doit passer par la Croix à Jérusalem. Moïse et Elie avaient vu la gloire de Dieu sur la Montagne; la Loi et les prophètes avaient annoncé les souffrances du Messie (cf. Lc 24, 27). La passion de Jésus est bien la volonté du Père: le Fils agit en Serviteur de Dieu (cf. Is 42, 1). La nuée indique la présence de l'Esprit Saint: «Toute la Trinité apparut: le Père dans la voix, le Fils dans l'homme, l'Esprit dans la nuée lumineuse» (S. Thomas d'A., s. th. 3, 45, 4, ad 2):

Tu t'es transfiguré sur la montagne, et, autant qu'ils en étaient capables, tes disciples ont contemplé ta Gloire, Christ Dieu afin que lorsqu'ils Te verraient crucifié, ils comprennent que ta passion était volontaire et qu'ils annoncent au monde que Tu es vraiment le rayonnement du Père (Liturgie byzantine, Kontakion de la fête de la Transfiguration).

§556
Au seuil de la vie publique: le Baptême; au seuil de la Pâque: la Transfiguration. Par le Baptême de Jésus «fut manifesté le mystère de notre première régénération «: notre Baptême; la Transfiguration «est le sacrement de la seconde régénération «: notre propre résurrection (S. Thomas d'A., s. th. 3, 45, 4, ad 2). Dès maintenant nous participons à la Résurrection du Seigneur par l'Esprit Saint qui agit dans les sacrements du Corps du Christ. La Transfiguration nous donne un avant-goût de la glorieuse venue du Christ «qui transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire» (Ph 3, 21). Mais elle nous rappelle aussi qu'«il nous faut passer par bien des tribulations pour entrer dans le Royaume de Dieu» (Ac 14, 22):

Cela Pierre ne l'avait pas encore compris quand il désirait vivre avec le Christ sur la montagne (cf. Lc 9, 33). Il t'a réservé cela, Pierre, pour après la mort. Mais maintenant il dit lui-même: Descend pour peiner sur la terre, pour servir sur la terre, pour être méprisé, crucifié sur la terre. La Vie descend pour se faire tuer; le Pain descend pour avoir faim; la Voie descend, pour se fatiguer en chemin; la Source descend, pour avoir soif; et tu refuses de peiner? (S. Augustin, serm. 78, 6: PL 38, 492-493).

La montée de Jésus à Jérusalem

§557
«Or, comme approchait le temps où il devait être emporté de ce monde, Jésus prit résolument le chemin de Jérusalem» (Lc 9, 51; cf. Jn 13, 1). Par cette décision, il signifiait qu'il montait à Jérusalem prêt à mourir. A trois reprises il avait annoncé sa passion et sa Résurrection (cf. Mc 8, 31-33; 9, 31-32; 10, 32-34). En se dirigeant vers Jérusalem, il dit: «Il ne convient pas qu'un prophète périsse hors de Jérusalem» (Lc 13, 33).

§558
Jésus rappelle le martyre des prophètes qui avaient été mis à mort à Jérusalem (cf. Mt 23, 37a). Néanmoins, il persiste à appeler Jérusalem à se rassembler autour de lui: «Combien de fois j'ai voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes (...) et vous n'avez pas voulu!» (Mt 23, 37b). Quand Jérusalem est en vue, il pleure sur elle et exprime encore une fois le désir de son coeur: «Ah! Si en ce jour tu avais compris, toi aussi, le message de paix! Mais, hélas, il est demeuré caché à tes yeux» (Lc 19, 41-42).

L'entrée messianique de Jésus à Jérusalem

§559
Comment Jérusalem va-t-elle accueillir son Messie? Alors qu'il s'était toujours dérobé aux tentatives populaires de le faire roi (cf. Jn 6, 15), Jésus choisit le temps et prépare les détails de son entrée messianique dans la ville de «David, son père» (Lc 1, 32; cf. Mt 21, 1-11) Il est acclamé comme le fils de David, celui qui apporte le salut (»Hosanna» veut dire «sauve donc!», «donne le salut!»). Or «Roi de Gloire» (Ps 24, 7-10) entre danssaVille «monté sur un ânon» (Za 9, 9): il ne conquiert pas la Fille de Sion, figure de son Église, par la ruse ni par la violence, mais par l'humilité qui témoigne de la Vérité (cf. Jn 18, 37). C'est pourquoi les sujets de son Royaume, ce jour-là, sont les enfants (cf. Mt 21, 15-16; Ps 8, 3) et les «pauvres de Dieu», qui l'acclament comme les anges l'annonçaient aux bergers (cf. Lc 19, 38; 2, 14). Leur acclamation, «Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur» (Ps 118, 26), est reprise par l'Église dans le «Sanctus» de la liturgie eucharistique pour ouvrir le mémorial de la Pâque du Seigneur.

§560
L'entrée de Jésus à Jérusalem manifeste la Venue du Royaume que le Roi-Messie va accomplir par la Pâque de sa Mort et de sa Résurrection. C'est par sa célébration, le dimanche des Rameaux, que la liturgie de l'Église ouvre la grande Semaine Sainte.

EN BREF

§561
«Toute la vie du Christ fut un continuel enseignement: ses silences, ses miracles, ses gestes, sa prière, son amour de l'homme, sa prédilection pour les petits et les pauvres, l'acceptation du sacrifice total sur la Croix pour la rédemption du monde, sa Résurrection sont l'actuation de sa parole et l'accomplissement de la Révélation» (CT 9).

§562
Les disciples du Christ doivent se conformer à Lui jusqu'à ce qu'il soit formé en eux (cf. Ga 4, 19). «C'est pourquoi nous sommes assumés dans les mystères de sa vie, configurés à lui, associés à sa mort et à sa Résurrection, en attendant de l'être à son Règne» (LG 7).

§563
Berger ou Mage, on ne peut atteindre Dieu ici-bas qu'en s'agenouillant devant la crèche de Bethléem et en l'adorant caché dans la faiblesse d'un enfant.

§564
Par sa soumission à Marie et Joseph, ainsi que par son humble travail pendant de longues années à Nazareth, Jésus nous donne l'exemple de la sainteté dans la vie quotidienne de la famille et du travail.

§565
Dès le début de sa vie publique, à son baptême, Jésus est le «Serviteur», entièrement consacré à l'oeuvre rédemptrice qui s'accomplira par le «baptême» de sa passion.

§566
La tentation au désert montre Jésus, Messie humble qui triomphe de Satan par sa totale adhésion au dessein de salut voulu par le Père.

§567
Le Royaume des cieux a été inauguré sur la terre par le Christ. «Il brille aux yeux des hommes dans la parole, les oeuvres et la présence du Christ» (LG 5). L'Église est le germe et le commencement de ce Royaume. Ses clefs sont confiées à Pierre.

§568
La Transfiguration du Christ a pour but de fortifier la foi des apôtres en vue de la passion: la montée sur la «haute montagne» prépare la montée au Calvaire. Le Christ, Tête de l'Église, manifeste ce que son Corps contient et rayonne dans les sacrements: «l'espérance de la Gloire» (Col 1, 27) (cf. S. Léon le Grand, serm. 51, 3: PL 54, 310C).

§569
Jésus est monté volontairement à Jérusalem tout en sachant qu'il y mourrait de mort violente à cause de la contradiction de la part des pécheurs (cf. He 12, 3)..

§570
L'entrée de Jésus à Jérusalem manifeste la venue du Royaume que le Roi-Messie, accueilli dans sa ville par les enfants et les humbles de coeur, va accomplir par la Pâque de sa Mort et de sa Résurrection.

«JESÚS-CHRIST A SOUFFERT SOUS PONCE PILATE, IL A ETE CRUCIFIE, IL EST MORT, IL A ETE ENSEVELI»

§571
Le mystère pascal de la Croix et de la Résurrection du Christ est au centre de la Bonne Nouvelle que les apôtres, et l'Église à leur suite, doivent annoncer au monde. Le dessein sauveur de Dieu s'est accompli «une fois pour toutes» (He 9, 26) par la mort rédemptrice de son Fils Jésus-Christ.

§572
L'Église reste fidèle à «l'interprétation de toutes les Écritures» donnée par Jésus lui-même avant comme après sa Pâque: «Ne fallait-il pas que le Messie endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire?» (Lc 24, 26-27. 44-45). Les souffrances de Jésus ont pris leur forme historique concrète du fait qu'il a été «rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes» (Mc 8, 31) qui l'ont «livré aux païens pour être bafoué, flagellé et mis en croix» (Mt 20, 19).

§573
La foi peut donc essayer de scruter les circonstances de la mort de Jésus, transmises fidèlement par les Évangiles (cf. DV 19) et éclairées par d'autres sources historiques, pour mieux comprendre le sens de la Rédemption.

Paragraphe 1. JESUS ET ISRAëL

§574
Dès les débuts du ministère public de Jésus, des Pharisiens et des partisans d'Hérode, avec des prêtres et des scribes, se sont mis d'accord pour le perdre (cf. Mc 3, 6). Par certains de ses actes (expulsions de démons, cf. Mt 12, 24; pardon des péchés, cf. Mc 2, 7; guérisons le jour du sabbat, cf. Mc 3, 1-6; interprétation originale des préceptes de pureté de la Loi, cf. Mc 7, 14-23; familiarité avec les publicains et les pécheurs publics, cf. Mc 2, 14-17) Jésus a semblé à certains, mal intentionnés, suspect de possession (cf. Mc 3, 22; Jn 8, 48; 10, 20). On l'accuse de blasphème (cf. Mc 2, 7; Jn 5, 18; 10, 33) et de faux prophétisme (cf. Jn 7, 12; 7, 52), crimes religieux que la Loi châtiait par la peine de mort sous forme de lapidation (cf. Jn 8, 59; 10, 31).

§575
Bien des actes et des paroles de Jésus ont donc été un «signe de contradiction» (Lc 2, 34) pour les autorités religieuses de Jérusalem, celles que l'Évangile de S. Jean appelle souvent «les Juifs» (cf. Jn 1, 19; 2, 18; 5, 10; 7, 13; 9, 22; 18, 12; 19, 38; 20, 19), plus encore que pour le commun du Peuple de Dieu (cf. Jn 7, 48-49). Certes, ses rapports avec les Pharisiens ne furent pas uniquement polémiques. Ce sont des Pharisiens qui le préviennent du danger qu'il court (cf. Lc 13, 31). Jésus loue certains d'entre eux comme le scribe de Mc 12, 34 et il mange à plusieurs reprises chez des Pharisiens (cf. Lc 7, 36; 14, 1). Jésus confirme des doctrines partagées par cette élite religieuse du Peuple de Dieu: la résurrection des morts (cf. Mt 22, 23-34; Lc 20, 39), les formes de piété (aumône, jeûne et prière, cf. Mt 6, 18) et l'habitude de s'adresser à Dieu comme Père, le caractère central du commandement de l'amour de Dieu et du prochain (cf. Mc 12, 28-34).

§576
Aux yeux de beaucoup en Israël, Jésus semble agir contre les institutions essentielles du Peuple élu:

-- La soumission à la Loi dans l'intégralité de ses préceptes écrits et, pour les Pharisiens, dans l'interprétation de la tradition orale.

-- La centralité du Temple de Jérusalem comme lieu saint où Dieu habite d'une manière privilégiée.

-- La foi dans le Dieu unique dont aucun homme ne peut partager la gloire.

I. Jésus et la Loi

§577
Jésus a fait une mise en garde solennelle au début du Sermon sur la Montagne où Il a présenté la Loi donnée par Dieu au Sinaï lors de la Première alliance à la lumière de la grâce de la Nouvelle Alliance:

N'allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes: je ne suis pas venu abolir mais accomplir. Car je vous le dis en vérité, avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l'i ne passera de la Loi, que tout ne soit réalisé. Celui donc qui violera l'un de ces moindres préceptes, sera tenu pour moindre dans le Royaume des cieux; au contraire, celui qui les exécutera et les enseignera, celui-là sera tenu pour grand dans le Royaume de cieux» (Mt 5, 17-19).

§578
Jésus, le Messie d'Israël, le plus grand donc dans le Royaume des cieux, se devait d'accomplir la Loi en l'exécutant dans son intégralité jusque dans ses moindres préceptes selon ses propres paroles. Il est même le seul à avoir pu le faire parfaitement (cf. Jn 8, 46). Les Juifs, de leur propre aveu, n'ont jamais pu accomplir la Loi dans son intégralité sans en violer le moindre précepte (cf. Jn 7, 19; Ac 13, 38-41; 15, 10). C'est pourquoi à chaque fête annuelle de l'Expiation, les enfants d'Israël demandent à Dieu pardon pour leurs transgressions de la Loi. En effet, la Loi constitue un tout et, comme le rappelle S. Jacques, «aurait-on observé la Loi tout entière, si l'on commet un écart sur un seul point, c'est du tout que l'on devient justiciable» (Jc 2, 10; cf. Ga 3, 10; 5, 3).

§579
Ce principe de l'intégralité de l'observance de la Loi, non seulement dans sa lettre mais dans son esprit, était cher aux Pharisiens. En le dégageant pour Israël, ils ont conduit beaucoup de Juifs du temps de Jésus à un zèle religieux extrême (cf. Rm 10, 2). Celui-ci, s'il ne voulait pas se résoudre en une casuistique «hypocrite» (cf. Mt 15, 3-7; Lc 11, 39-54), ne pouvait que préparer le Peuple à cette intervention de Dieu inouïe que sera l'exécution parfaite de la Loi par le seul Juste à la place de tous les pécheurs (cf. Is 53, 11; He 9, 15).

§580
L'accomplissement parfait de la Loi ne pouvait être l'oeuvre que du divin Législateur né sujet de la Loi en la personne du Fils (cf. Ga 4, 4). En Jésus, la Loi n'apparaît plus gravée sur des tables de pierre mais «au fond du coeur» (Jr 31, 33) du Serviteur qui, parce qu'il «apporte fidèlement le droit» (Is 42, 3) est devenu «l'alliance du peuple» (Is 42, 6). Jésus accomplit la Loi jusqu'à prendre sur Lui «la malédiction de la Loi» (Ga 3, 13) encourue par ceux qui ne «pratiquent pas tous les préceptes de la Loi» (Ga 3, 10) car «la mort du Christ a eu lieu pour racheter les transgressions de la Première alliance» (He 9, 15).

§581
Jésus est apparu aux yeux des Juifs et de leurs chefs spirituels comme un «rabbi» (cf. Jn 11, 38; 3, 2; Mt 22, 23-24. 34-36). Il a souvent argumenté dans le cadre de l'interprétation rabbinique de la Loi (cf. Mt 12, 5; 9, 12; Mc 2, 23-- 27; Lc 6, 6-9; Jn 7, 22-23). Mais en même temps, Jésus ne pouvait que heurter les docteurs de la Loi car il ne se contentait pas de proposer son interprétation parmi les leurs, «il enseignait comme quelqu'un qui a autorité et non pas comme les scribes» (Mt 7, 28-29). En lui, c'est la même Parole de Dieu qui avait retenti au Sinaï pour donner à Moïse la Loi écrite qui se fait entendre de nouveau sur la Montagne des Béatitudes (cf. Mt 5, 1). Elle n'abolit pas la Loi mais l'accomplit en fournissant de manière divine son interprétation ultime: «Vous avez appris qu'il a été dit aux ancêtres (...) moi je vous dis» (Mt 5, 33-34). Avec cette même autorité divine, il désavoue certaines «traditions humaines» (Mc 7, 8) des Pharisiens qui «annulent la Parole de Dieu» (Mc 7, 13).

§582
Allant plus loin, Jésus accomplit la Loi sur la pureté des aliments, si importante dans la vie quotidienne juive, en dévoilant son sens «pédagogique» (cf. Ga 3, 24) par une interprétation divine: «Rien de ce qui pénètre du dehors dans l'homme ne peut le souiller (...) -- ainsi il déclarait purs tous les aliments. Ce qui sort de l'homme, voilà ce qui souille l'homme. Car c'est du dedans, du coeur des hommes que sortent les desseins pervers» (Mc 7, 18-21). En délivrant avec autorité divine l'interprétation définitive de la Loi, Jésus s'est trouvé affronté à certains docteurs de la Loi qui ne recevaient pas son interprétation de la Loi garantie pourtant par les signes divins qui l'accompagnaient (cf. Jn 5, 36; 10, 25. 37-38; 12, 37). Ceci vaut particulièrement pour la question du sabbat: Jésus rappelle, souvent avec des arguments rabbiniques (cf. Mc 2, 25-27; Jn 7, 22-24), que le repos du sabbat n'est pas troublé par le service de Dieu (cf. Mt 12, 5; Nb 28, 9) ou du prochain (cf. Lc 13, 15-16; 14, 3-4) qu'accomplissent ses guérisons.

II. Jésus et le Temple

§583
Jésus, comme les prophètes avant lui, a professé pour le Temple de Jérusalem le plus profond respect. Il y a été présenté par Joseph et Marie quarante jours après sa naissance (cf. Lc 2, 22-39). A l'âge de douze ans, il décide de rester dans le Temple pour rappeler à ses parents qu'il se doit aux affaires de son Père (cf. Lc 2, 46-49). Il y est monté chaque année au moins pour la Pâque pendant sa vie cachée (cf. Lc 2, 41); son ministère public lui-même a été rythmé par ses pèlerinages à Jérusalem pour les grandes fêtes juives (cf. Jn 2, 13-14; 5, 1. 14; 7, 1. 10. 14; 8, 2; 10, 22-23).

§584
Jésus est monté au Temple comme au lieu privilégié de la rencontre de Dieu. Le Temple est pour lui la demeure de son Père, une maison de prière, et il s'indigne de ce que son parvis extérieur soit devenu un lieu de trafic (cf. Mt 21, 13). S'il chasse les marchands du Temple, c'est par amour jaloux pour son Père: «Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce. Ses disciples se rappelèrent qu'il est écrit: 'Le zèle pour ta maison me dévorera' (Ps 69, 10)» (Jn 2, 16-17). Après sa Résurrection, les apôtres ont gardé un respect religieux pour le Temple (cf. Ac 2, 46; 3, 1; 5, 20. 21; etc.).

§585
Au seuil de sa passion, Jésus a cependant annoncé la ruine de ce splendide édifice dont il ne restera plus pierre sur pierre (cf. Mt 24, 1-2). Il y a ici annonce d'un signe des derniers temps qui vont s'ouvrir avec sa propre Pâque (cf. Mt 24, 3; Lc 13, 35). Mais cette prophétie a pu être rapportée de manière déformée par de faux témoins lors de son interrogatoire chez le grand prêtre (cf. Mc 14, 57-58) et lui être renvoyée comme injure lorsqu'il était cloué sur la croix (cf. Mt 27, 39-40).

§586
Loin d'avoir été hostile au Temple (cf. Mt 8, 4; 23, 21; Lc 17, 14; Jn 4, 22) où il a donné l'essentiel de son enseignement (cf. Jn 18, 20), Jésus a voulu payer l'impôt du Temple en s'associant Pierre (cf. Mt 17, 24-27) qu'il venait de poser comme fondement pour son Église à venir (cf. Mt 16, 18). Plus encore, il s'est identifié au Temple en se présentant comme la demeure définitive de Dieu parmi les hommes (cf. Jn 2, 21; Mt 12, 6). C'est pourquoi sa mise à mort corporelle (cf. Jn 2, 18-22) annonce la destruction du Temple qui manifestera l'entrée dans un nouvel âge de l'histoire du salut: «L'heure vient où ce n'est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père» (Jn 4, 21; cf. Jn 4, 23-24; Mt 27, 51; He 9, 11; Ap 21, 22).

III. Jésus et la foi d'Israël au Dieu Unique et Sauveur

§587
Si la Loi et le Temple de Jérusalem ont pu être occasion de «contradiction» (cf. Lc 2, 34) de la part de Jésus pour les autorités religieuses d'Israël, c'est son rôle dans la rédemption des péchés, oeuvre divine par excellence, qui a été pour elles la véritable pierre d'achoppement (cf. Lc 20, 17-18; Ps 118, 22).

§588
Jésus a scandalisé les Pharisiens en mangeant avec les publicains et les pécheurs (cf. Lc 5, 30) aussi familièrement qu'avec eux-mêmes (cf. Lc 7, 36; 11, 37; 14, 1). Contre ceux d'entre eux «qui se flattaient d'être des justes et n'avaient que mépris pour les autres» (Lc 18, 9; cf. Jn 7, 49; 9, 34), Jésus a affirmé: «Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs au repentir» (Lc 5, 32). Il est allé plus loin en proclamant face aux Pharisiens que, le péché étant universel (cf. Jn 8, 33-36), ceux qui prétendent ne pas avoir besoin de salut s'aveuglent sur eux-mêmes (cf. Jn 9, 40-41).

§589
Jésus a surtout scandalisé parce qu'Il a identifié sa conduite miséricordieuse envers les pécheurs avec l'attitude de Dieu Lui-même à leur égard (cf. Mt 9, 13; Os 6, 6). Il est allé jusqu'à laisser entendre qu'en partageant la table des pécheurs (cf. Lc 15, 1-2), Il les admettait au banquet messianique (cf. Lc 15, 23-32). Mais c'est tout particulièrement en pardonnant les péchés que Jésus a mis les autorités religieuses d'Israël devant un dilemme. Ne diraient-elles pas avec justesse dans leur effroi: «Dieu seul peut pardonner les péchés» (Mc 2, 7)? En pardonnant les péchés, ou bien Jésus blasphème car c'est un homme qui se fait l'égal de Dieu (cf. Jn 5, 18; 10, 33), ou bien Il dit vrai et sa personne rend présent et révèle le nom de Dieu (cf. Jn 17, 6. 26).

§590
Seule l'identité divine de la personne de Jésus peut justifier une exigence aussi absolue que celle-ci: «Celui qui n'est pas avec moi est contre moi» (Mt 12, 30); de même quand Il dit qu'il y a en Lui «plus que Jonas, (...) plus que Salomon» (Mt 12, 41-42), «plus que le Temple» (Mt 12, 6); quand Il rappelle à son sujet que David a appelé le Messie son Seigneur (cf. Mt 12, 36. 37), quand Il affirme: «Avant qu'Abraham fut, Je Suis» (Jn 8, 58); et même: «Le Père et moi nous sommes un» (Jn 10, 30).

§591
Jésus a demandé aux autorités religieuses de Jérusalem de croire en Lui à cause des oeuvres de son Père qu'Il accomplit (cf. Jn 10, 36-38). Mais un tel acte de foi devait passer par une mystérieuse mort à soi-même pour une nouvelle «naissance d'en haut» (Jn 3, 7) dans l'attirance de la grâce divine (cf. Jn 6, 44). Une telle exigence de conversion face à un accomplissement si surprenant des promesses (cf. Is 53, 1) permet de comprendre la tragique méprise du Sanhédrin estimant que Jésus méritait la mort comme blasphémateur (cf. Mc 3, 6; Mt 26, 64-66). Ses membres agissaient ainsi à la fois par ignorance (cf. Lc 23, 34; Ac 3, 17-18) et par l'endurcissement (cf. Mc 3, 5; Rm 11, 25) de l'incrédulité (cf. Rm 11, 20).

EN BREF

§592
Jésus n'a pas aboli la Loi du Sinaï, mais Il l'a accomplie (cf. Mt 5, 17-19) avec une telle perfection (cf. Jn 8, 46) qu'Il en révèle le sens ultime (cf. Mt 5, 33) et qu'Il rachète les transgressions contre elle (cf. He 9, 15).

§593
Jésus a vénéré le Temple en y montant aux fêtes juives de pèlerinage et Il a aimé d'un amour jaloux cette demeure de Dieu parmi les hommes. Le Temple préfigure son mystère. S'Il annonce sa destruction, c'est comme manifestation de sa propre mise à mort et de l'entrée dans un nouvel âge de l'histoire du salut, où son Corps sera le Temple définitif.

§594
Jésus a posé des actes, tel le pardon des péchés, qui L'ont manifesté comme étant le Dieu Sauveur lui-même (cf. Jn 5, 16-18). Certains Juifs, qui, ne reconnaissant pas le Dieu fait homme (cf. Jn 1, 14), voyaient en Lui un homme qui se fait Dieu (cf. Jn 10, 33), L'ont jugé comme un blasphémateur.

Paragraphe 2. JESUS EST MORT CRUCIFIE

I. Le procès de Jésus

Divisions des autorités juives à l'égard de Jésus

§595
Parmi les autorités religieuses de Jérusalem, non seulement il s'est trouvé le pharisien Nicodème (cf. Jn 7, 52) ou le notable Joseph d'Arimathie pour être en secret disciples de Jésus (cf. Jn 19, 38-39), mais il s'est produit pendant longtemps des dissensions au sujet de Celui-ci (cf. Jn 9, 16-17; 10, 19-21) au point qu'à la veille même de sa passion, S. Jean peut dire d'eux qu'«un bon nombre crut en lui», quoique d'une manière très imparfaite (Jn 12, 42). Cela n'a rien d'étonnant si l'on tient compte qu'au lendemain de la Pentecôte «une multitude de prêtres obéissait à la foi» (Ac 6, 7) et que «certains du parti des Pharisiens étaient devenus croyants» (Ac 15, 5) au point que S. Jacques peut dire à S. Paul que «plusieurs milliers de Juifs ont embrassé la foi et ce sont tous d'ardents partisans de la Loi» (Ac 21, 20).

§596
Les autorités religieuses de Jérusalem n'ont pas été unanimes dans la conduite à tenir vis-à-vis de Jésus (cf. Jn 9, 16; 10, 19). Les pharisiens ont menacé d'excommunication ceux qui le suivraient (cf. Jn 9, 22). A ceux qui craignaient que «tous croient en Jésus et que les Romains viennent détruire notre Lieu Saint et notre nation» (Jn 11, 48), le grand prêtre Caïphe proposa en prophétisant: «Il est de votre intérêt qu'un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas tout entière» (Jn 11, 49-50). Le Sanhédrin, ayant déclaré Jésus «passible de mort» (Mt 26, 66) en tant que blasphémateur, mais ayant perdu le droit de mise à mort (cf. Jn 18, 31), livre Jésus aux Romains en l'accusant de révolte politique (cf. Lc 23, 2) ce qui mettra celui-ci en parallèle avec Barrabas accusé de «sédition» (Lc 23, 19). Ce sont aussi des menaces politiques que les grands prêtres exercent sur Pilate pour qu'il condamne Jésus à mort (cf. Jn 19, 12. 15. 21).

Les Juifs ne sont pas collectivement responsables de la mort de Jésus

§597
En tenant compte de la complexité historique du procès de Jésus manifestée dans les récits évangéliques, et quel que puisse être le péché personnel des acteurs du procès (Judas, le Sanhédrin, Pilate) que seul Dieu connaît, on ne peut en attribuer la responsabilité à l'ensemble des Juifs de Jérusalem, malgré les cris d'une foule manipulée (cf. Mc 15, 11) et les reproches globaux contenus dans les appels à la conversion après la Pentecôte (cf. Ac 2, 23. 36; 3, 13-14; 4, 10; 5, 30; 7, 52; 10, 39; 13, 27-28; 1 Th 2, 14-15). Jésus lui-même en pardonnant sur la croix (cf. Lc 23, 34) et Pierre à sa suite ont fait droit à «l'ignorance» (Ac 3, 17) des Juifs de Jérusalem et même de leurs chefs. Encore moins peut-on, à partir du cri du peuple: «Que son sang soit sur nous et sur nos enfants» (Mt 27, 25) qui signifie une formule de ratification (cf. Ac 5, 28; 18, 6), étendre la responsabilité aux autres Juifs dans l'espace et dans le temps:

Aussi bien l'Église a-t-elle déclaré au Concile Vatican II: «Ce qui a été commis durant la passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. (...) Les Juifs ne doivent pas être présentés comme réprouvés par Dieu, ni maudits comme si cela découlait de la Sainte Écriture» (NA 4).

Tous les pécheurs furent les auteurs de la passion du Christ

§598
L'Église, dans le Magistère de sa foi et dans le témoignage de ses saints, n'a jamais oublié que «les pécheurs eux-mêmes furent les auteurs et comme les instruments de toutes les peines qu'endura le divin Rédempteur» (Catech. R. 1, 5, 11; cf. He 12, 3). Tenant compte du fait que nos péchés atteignent le Christ Lui-même (cf. Mt 25, 45; Ac 9, 4-5), l'Église n'hésite pas à imputer aux chrétiens la responsabilité la plus grave dans le supplice de Jésus, responsabilité dont ils ont trop souvent accablé uniquement les Juifs:

Nous devons regarder comme coupables de cette horrible faute, ceux qui continuent à retomber dans leurs péchés. Puisque ce sont nos crimes qui ont fait subir à Notre-Seigneur Jésus-Christ le supplice de la croix, à coup sûr ceux qui se plongent dans les désordres et dans le mal «crucifient de nouveau dans leur coeur, autant qu'il est en eux, le Fils de Dieu par leurs péchés et le couvrent de confusion» (He 6, 6). Et il faut le reconnaître, notre crime à nous dans ce cas est plus grand que celui des Juifs. Car eux, au témoignage de l'apôtre, «s'ils avaient connu le Roi de gloire, ils ne l'auraient jamais crucifié» (1 Co 2, 8). Nous, au contraire, nous faisons profession de Le connaître. Et lorsque nous Le renions par nos actes, nous portons en quelque sorte sur Lui nos mains meurtrières (Catech. R. 1, 5, 11).

Et les démons, ce ne sont pas eux qui L'ont crucifié; c'est toi qui avec eux L'as crucifié et Le crucifies encore, en te délectant dans les vices et les péchés (S. François d'Assise, admon. 5, 3).

II. La mort rédemptrice du Christ dans le dessein divin de salut

«Jésus livré selon le dessein bien arrêté de Dieu»

§599
La mort violente de Jésus n'a pas été le fruit du hasard dans un concours malheureux de circonstances. Elle appartient au mystère du dessein de Dieu, comme S. Pierre l'explique aux Juifs de Jérusalem dès son premier discours de Pentecôte: «Il avait été livré selon le dessein bien arrêté et la prescience de Dieu» (Ac 2, 23). Ce langage biblique ne signifie pas que ceux qui ont «livré Jésus» (Ac 3, 13) n'ont été que les exécutants passifs d'un scénario écrit d'avance par Dieu.

Catéchisme de l'Église catholique © Libreria Editrice Vaticana 1992.

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