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Livre Premier: Conseils pour la vie spirituelle

Chapitre
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Chapitre 1: Imitation de Jésus Christ et mépris des vanités du monde

1 Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres [Jn 8:12]. Ce sont là des paroles de Jésus Christ, paroles par lesquelles il nous exhorte à imiter sa vie et sa conduite si nous voulons trouver la véritable lumière et ne pas tomber dans l'aveuglement des passions. Que notre principale étude soit donc de méditer la vie de Jésus Christ.

2 La doctrine de Jésus Christ est plus haute que tous les enseignements des saints, et celui qui possède l'esprit du Christ y trouve une manne cachée. Mais il arrive que bien des hommes qui entendent souvent l'évangile ne sentent en eux qu'un médiocre désir de perfection: c'est parce qu'ils ne possèdent pas l'esprit du Christ. Qui veut comprendre et se pénétrer pleinement des paroles du Christ doit conformer toute sa vie à la sienne.

3 À quoi bon des discussions théologiques sur la Trinité, si tu manques d'humilité et que par là, tu déplais à la Trinité? Non, ce ne sont pas les discours savants qui élèvent l'âme, mais une vie vertueuse et agréable à Dieu. J'aime mieux avoir la componction que d'en savoir la définition. Car, même si tu savais par coeur toute la Bible et toutes les sentences des philosophes, à quoi te servirait tout cela sans l'amour et sans la grâce de Dieu? Vanité des vanités; tout n'est que vanité [Qo 1:2], hormis l'amour de Dieu et son divin service. La plus haute sagesse est d'aspirer au royaume des cieux en ne se souciant pas des vanités du monde.

4 Qu'il est donc vain d'amasser des richesses éphémères et de s'y attacher! Qu'il est vain d'aspirer aux honneurs et aux situations élevées! Vain de suivre les désirs de la chair, qui n'apporteront qu'un sévère châtiment! Vain de souhaiter une longue vie et de ne pas se soucier de bien vivre! Vain de ne penser qu'aux moments présents, sans souci de la vie future! Vain enfin de se consacrer à ce qui passe si vite, et de ne pas se hâter vers le lieu de la joie éternelle!

5 Rappelle-toi souvent ce proverbe: L'oeil n'est jamais rassasié de voir, ni l'oreille d'entendre [Qo 1:8]. Cherche donc à te détacher de l'amour des choses matérielles pour te porter tout entier vers la vie spirituelle. Car ceux qui suivent l'attrait du monde se privent de la grâce de Dieu.

Chapitre 2: Savoir se juger avec humilité

1 Tout homme a une soif naturelle de connaissance; mais que vaut la science en face de la crainte de Dieu? Un pauvre ignorant qui sert Dieu est plus utile aux yeux de son Maître qu'un savant rempli d'orgueil. Celui qui se connaît bien ne s'estime pas au-dessus de ses semblables et n'aime pas à s'entendre louer. Même si toute la science du monde m'appartenait, mais que l'esprit de charité ne se trouve pas en moi, à quoi cela me servirait-il devant Dieu, qui me jugera sur mes actes?

2 Il faut refréner un trop grand désir de savoir; c'est là une source de dispersion et de déception. Les savants veulent souvent paraître et passer pour sages. Or, il y a tant de choses dont la connaissance n'est d'aucune utilité pour l'âme, et bien insensé est celui qui se passionne pour autre chose que ce qui concourt à son salut. L'âme ne se nourrit pas de mots, mais une vie vertueuse et une conscience pure donnent un esprit confiant en Dieu.

3 Plus ta science sera vaste et profonde, et plus tu seras jugé sévèrement si tu ne vis pas selon la loi du Christ. Ne tire vanité d'aucun art et d'aucune science, mais crains plutôt à cause de ces dons que tu as reçus. Si tu crois savoir et comprendre beaucoup de choses, sache que tu en ignores encore davantage. Ne t'enorgueillis pas [Rm 11:20]: avoue plutôt ton ignorance. Comment peux-tu te juger supérieur à quelqu'un, tandis que tant d'autres sont plus savants et plus instruits que toi de la volonté de Dieu? Si tu veux apprendre et connaître quelque chose d'utile, cherche à te faire ignorer et à ne pas compter aux yeux du monde.

4 La science la plus sublime et la plus salutaire est de se bien connaître et de se mépriser soi-même. N'avoir aucune bonne opinion de soi, et estimer beaucoup les autres, c'est une grande sagesse et une haute perfection. Même si tu vois quelqu'un commettre un péché ou un crime, ne te crois pas meilleur que lui, car tu ignores de quoi tu es capable. Nous sommes tous fragiles, mais chacun doit se dire qu'il est le plus fragile de tous.

Chapitre 3: L'enseignement de la vérité

1 Heureux celui que la Vérité instruit directement, au-delà des images et des paroles oiseuses. Nos pensées et nos sentiments nous trompent souvent en nous masquant la vérité. À quoi servent les discussions subtiles sur des choses cachées et obscures, que Dieu, au moment de notre jugement, ne nous reprochera pas d'avoir ignorées? C'est une grande folie de négliger ce qui est utile et nécessaire pour se consacrer à des problèmes inutiles et dangereux. Nous avons des yeux et nous ne voyons pas!

2 Que nous importe des genres et des espèces? Celui à qui parle le Verbe éternel est délivré de tout cela. Le Verbe unique éclaire tout et tout en lui s'éclaire. Il est le Principe, et c'est lui qui parle en dedans de nous [Jn 8:25]. Sans lui, nulle intelligence ne peut exister, nul jugement ne peut être porté. Celui qui unifie sa vie et ramène tout à l'unité dans le Verbe unique ne connaîtra pas l'incertitude, et son coeur peut paisiblement demeurer en Dieu. O Vérité, qui êtes Dieu, faites que je sois un avec vous dans un amour éternel. Souvent, j'éprouve un grand ennui à force de lire ou d'entendre parler: en vous seul résident tous mes désirs. Que tout se taise devant vous; que votre seule voix me parle.

 * * *

3 Plus on se recueille en soi-même en se dégageant des choses extérieures, plus l'esprit s'ouvre et s'élève sans peine, parce qu'on reçoit d'en haut la lumière de l'intelligence. Une âme pure, simple et ferme n'est jamais distraite au milieu même de nombreuses occupations, parce qu'elle rapporte tout à la gloire de Dieu; et parce qu'elle possède la tranquillité, elle ne se recherche en rien. Qu'est-ce qui te trouble et te fatigue si ce n'est les élans désordonnés de ton coeur? L'homme juste et pieux dispose intérieurement les actes qu'il doit exécuter. Il ne se laisse pas entraîner par une inclination mauvaise, mais il règle tout selon une raison droite. Qui soutient un plus rude combat que celui qui travaille à se vaincre? C'est là pourtant ce qui devrait nous occuper le plus: devenir chaque jour plus forts et accomplir chaque jour quelques progrès vers le bien.

 * * *

4 La perfection dans cette vie ne peut jamais être absolue et nous ne voyons qu'à travers une certaine obscurité. L'examen sévère de son âme mène plus sûrement à Dieu que les recherches de la science; non qu'il faille blâmer la science, ni la connaissance des choses, car elles sont dans l'ordre voulu par Dieu; mais on doit toujours leur préférer une bonne conscience et une vie vertueuse. Parce que certains ont un plus grand souci de s'instruire que de bien vivre, ils s'égarent souvent et ne retirent que peu de fruits de leur travail.

5 S'ils avaient autant d'ardeur pour extirper leurs vices et pour progresser dans la vertu qu'à soulever des questions, il y aurait moins de scandales dans le peuple, moins de relâchement dans les maisons religieuses. Au jour du jugement, on ne nous demandera pas de rendre compte de ce que nous avons lu, mais de ce que nous avons fait; ni si nous avons bien parlé, mais si nous avons bien vécu. Dis-moi, où sont maintenant ces hommes illustres que tu as connus de leur vivant et qui brillaient dans leur science? D'autres occupent à présent leur place, et je doute qu'ils pensent à eux. Vivants, ils paraissaient être quelqu'un, et maintenant le silence est fait sur eux.

6 Oh! que la gloire du monde passe vite! Si seulement la beauté de leur vie avait répondu à la profondeur de leur science, alors, ils n'auraient pas lu et étudié en vain. Combien d'hommes se perdent par l'oubli du service de Dieu! Et parce qu'ils aiment mieux paraître grands que d'être humbles, ils s'évanouissent dans leurs pensées [Rm 1:21]. Celui dont le coeur est charitable, celui-là est vraiment grand. Celui qui, pour gagner Jésus-Christ, regarde comme fumier toutes les choses de la terre [Ph 3:8], celui-là est vraiment sage. Celui qui fait la volonté de Dieu et renonce à la sienne, celui-là possède la véritable science.

Chapitre 4: La prudence dans les actes

1 Il ne faut pas croire n'importe quoi, ni obéir à la première impulsion, mais peser chaque chose devant Dieu, avec prudence et patience. Hélas! nous sommes si faibles que nous croyons plus facilement au mal qu'au bien quand il s'agit des autres et que c'est encore le mal que nous répandons le plus facilement à leur sujet. Mais l'homme sage n'accepte pas pour vrai tout ce qu'il entend, parce qu'il sait que la nature humaine est portée au mal et que l'on pèche souvent en paroles.

2 C'est une grande sagesse que de ne pas agir avec précipitation, et de ne pas rester attaché obstinément à ses propres opinions. Cherche conseil auprès d'un homme à la conscience droite et cherche à t'instruire par ses avis plutôt que de suivre tes propres idées. Une telle vie te procurera la sagesse selon Dieu et te donnera l'expérience en beaucoup de domaines. Plus l'on offrira à Dieu humilité et soumission, plus l'on recevra sagesse et paix en toutes choses.

Chapitre 5: Comment lire l'Écriture sainte

1 Dans l'Écriture sainte, c'est la vérité qu'il faut chercher, non l'éloquence. Toute l'Ecriture doit être lue dans le même esprit qui l'a dictée: nous devons y chercher l'utilité plutôt que la finesse de style. Ne t'arrête pas à considérer la valeur de l'écrivain, ni son degré d'instruction, mais lis par seul amour de la vérité. Ne te demande pas qui a prononcé telles ou telles paroles, mais médite plutôt sur ces paroles. Les hommes passent, mais la vérité du Seigneur demeure à jamais [Ps 116:2].

2 Dieu nous parle de diverses manières, sans distinguer entre les voix par lesquelles il se fait entendre. La curiosité nous nuit souvent dans la lecture de l'Écriture sainte, parce que nous voulons tout comprendre et discuter là où il ne faut que lire et accepter. Si tu veux en tirer quelque profit, lis humblement, simplement, fidèlement, et ne cherche jamais à passer pour savant. Aime à interroger et à écouter les paroles des saints en silence, et ne méprise pas les sentences des anciens, car ce n'est pas sans raison qu'elles sont venues jusqu'à nous.

Chapitre 6: Affections déréglées

1 Chaque fois qu'un homme commence à désirer quelque chose hors de l'ordre divin, aussitôt il sent l'inquiétude s'installer en lui. L'orgueilleux et l'avare n'ont jamais de repos; le pauvre et l'humble en esprit jouissent d'une grande paix. L'homme qui n'est pas encore parfaitement mort à lui-même est facilement tenté et il succombe dans les plus petites choses. Celui qui est faible en esprit, qui est encore charnel et attiré vers les choses sensibles, s'arrache difficilement aux désirs terrestres. C'est pourquoi, lorsqu'il essaie de le faire, il éprouve de la tristesse, et toute résistance l'irrite.

2 Dès qu'il a obtenu ce qu'il convoitait, le remords commence à peser sur sa conscience, parce qu'il a obéi à sa passion et qu'il s'est par là écarté de la paix qu'il cherchait. C'est en résistant aux passions, et non en leur cédant, qu'on trouve la vraie paix du coeur. Cette paix est le partage de celui qui vit selon l'esprit et non selon la chair.

Chapitre 7: Orgueil et vaines espérances

1 Quel insensé, celui qui place toute son espérance dans les créatures mortelles! N'aie pas honte de servir les autres pour l'amour de Jésus Christ et de paraître pauvre en ce monde. Ne t'appule pas sur toi-même, mais place ton espérance en Dieu seul. Fais ce que tu peux, et Dieu viendra en aide à ta bonne volonté. Ne te fie pas à tes propres connaissances, ni à l'habileté des hommes, mais compte plutôt sur la grâce de Dieu: elle relève les humbles et humilie les présomptueux.

2 Ne te vante pas de tes richesses, si tu en as, ni de tes amis parce qu'ils sont puissants, mais glorifie Dieu qui donne tout, et qui, par-dessus tout, désire encore se donner lui-même. Ne te montre pas trop fier de la force ou de la beauté de ton corps, qui peut disparaître à tout moment. Ne parle pas avec trop de complaisance de ton adresse ni de tes talents, si tu ne veux pas offenser Dieu, de qui tu tiens tous les dons naturels.

3 Ne t'estime pas meilleur que les autres, de crainte que tu ne paraisses pire aux yeux de Dieu, qui voit au fond des âmes. Ne tire pas orgueil de tes bonnes oeuvres, car les jugements de Dieu sont autres que ceux des hommes, et ce qui leur plaît à eux, souvent lui déplaît. S'il se trouve en toi quelques qualités, persuade-toi qu'il y en a davantage chez les autres, afin de te conserver dans l'humilité. Si tu te mets après tous les autres, cela ne te fera aucun mal; cela t'en fera beaucoup de te préférer, ne fût-ce qu'à un seul. Une paix inaltérable remplit le coeur de l'homme humble; la rancune et la colère empoisonnent celui de l'homme orgueilleux.

Chapitre 8: Éviter la trop grande familiarité

1 N'ouvre pas ton coeur au premier venu [Si 8:22], mais confie-toi à un homme sage et craignant Dieu. Sois réservé avec les jeunes et avec les personnes inconnues. Ne flatte pas les riches et ne cherche pas à être reçu chez les grands. Recherche plutôt la compagnie des gens simples et de bonne conduite, et entretiens-toi avec eux de sujets enrichissants. N'aie d'intimité avec aucune personne de l'autre sexe. Fuis la popularité parmi les hommes et tâche seulement d'entrer dans le cercle des familiers de Dieu.

2 Il ne faut pas confondre la charité avec la familiarité. Nous nous imaginons quelquefois plaire aux autres par nos assiduités, alors même que nous commençons à leur déplaire par les défauts qu'ils découvrent en nous.

Chapitre 9: Obéissance et soumission

1 C'est une grande chose que de vivre dans l'obéissance, dominé par la volonté d'un supérieur, et de ne pas dépendre uniquement de soi-même. Il est bien moins risqué d'obéir que de commander. Beaucoup obéissent plutôt par nécessité que par amour; ceux-là ne sont pas heureux et se plaignent souvent. Iis n'atteindront jamais à la liberté d'esprit, à moins qu'ils ne se soumettent de tout coeur et pour plaire à Dieu. Va ici ou là: tu ne trouveras la paix que dans une humble soumission au gouvernement du supérieur. Le désir du voyage et du changement en a trompé beaucoup.

2 Il est vrai que l'on aime agir à sa guise et se rapprocher plus volontiers de ceux qui ont la même mentalité que soi. Mais si nous voulons que Dieu reste au milieu de nous, il nous faut quelquefois renoncer à notre opinion pour sauvegarder la paix. Qui peut se prétendre parfaitement éclairé en toutes choses? Ne te fie donc pas trop à ton propre jugement, mais écoute avec attention les opinions des autres. Si ton avis te semble juste et que tu doives le sacrifier pour l'amour de Dieu à celui d'un autre, tu n'en tireras qu'un plus grand profit.

3 J'ai souvent entendu dire qu'il vaut mieux recevoir des conseils qu'en donner. Il peut aussi arriver que deux opinions se valent; mais ne pas vouloir céder aux autres lorsque la raison ou les circonstances l'exigent, c'est le fait d'un esprit orgueilleux et opiniâtre.

Chapitre 10: Éviter les entretiens inutiles

1 Évite autant que possible la vaine agitation des hommes; car le soin que tu prendras aux affaires du monde, si bien intentionné que tu sois, sera un obstacle dans ton cheminement vers la perfection. Bientôt, la vanité souillera ton âme et s'en emparera. Je voudrais m'être tu en bien des rencontres, et n'avoir point été parmi les hommes.

2 D'où vient notre goût pour la conversation et le bavardage alors que nous nous retirons si rarement dans le silence de notre conscience? C'est que, dans ces entretiens, nous cherchons réconfort mutuel et un soulagement à notre fatigue et que nous nous plaisons à parler de nos projets, de nos désirs, ou au contraire de nos contrariétés. Hélas! c'est bien souvent une tentative inutile, car le réconfort extérieur est un grand obstacle à celui que Dieu nous apporte intérieurement.

3 Il faut donc veiller et prier, afin de ne pas perdre inutilement notre temps. S'il vous est permis et avantageux de parler, parlez de choses qui servent à votre édification. La mauvaise habitude et la négligence à nous avancer dans la piété nous empêchent de veiller à la garde de notre langue. Cependant, un échange de vues spirituelles entre personnes unies en Dieu et animées d'un même esprit peut aider beaucoup à progresser.

Chapitre 11: Pour gagner la paix et progresser vers le bien

1 Nous pourrions jouir d'une grande paix, si nous voulions ne pas nous mêler de ce que disent et de ce que font les autres. Comment un homme peut-il vivre en paix s'il cherche toujours à s'immiscer dans les affaires d'autrui, à se dépenser au-dehors, sans se ménager des temps de recueillement? Heureux les simples: ils jouiront d'une grande paix.

2 Comment certains saints se sont-ils élevés à un si haut degré de vertu et de contemplation? Ils se sont seulement appliqués à mortifier tous leurs désirs terrestres, parvenant ainsi à s'unir à Dieu de tout leur coeur, dégagés de toute préoccupation égoïste. Mais nous sommes trop possédés par nos passions et trop tourmentés par des besoins passagers. Il est rare que nous venions à bout d'un seul défaut. Le souci d'un progrès quotidien ne nous enfiamme pas; et ainsi, nous restons froids ou tièdes.

3 Si nous étions tout à fait morts à nous-mêmes et libérés de nos attaches, alors nous pourrions aussi nous élever vers la joie de la contemplation; mais nous sommes trop asservis à nos passions et à nos convoitises pour pouvoir marcher sur les traces des saints. Et puis, nous voilà aussitôt découragés dès que se présente sur notre route le premier obstacle.

4 Si nous demeurions comme des hommes forts, toujours prêts au combat, nous recevrions certainement le secours de Dieu, car il est toujour prêt à aider ceux qui luttent et espèrent en sa grâce; et c'est lui qui nous offre les occasions de combattre, afin de nous donner la victoire. Si nous comptons uniquement sur les observances extérieures pour accomplir un progrès spirituel, notre piété risque d'être de courte durée. C'est à la racine qu'il faut mettre la cognée, afin que, dégagés de nos passions, nous possédions notre esprit dans la paix.

5 Si nous pouvions, chaque année, nous débarrasser d'un seul défaut, nous serions bientôt parfaits. Mais, au contraire, nous devons avouer que nous étions meilleurs et que notre conduite était plus pure au commencement de notre vie spirituelle qu'après plusieurs années de pratique. Nous devrions croître chaque jour en sagesse et en vertu; or, on estime que c'est un grand bonheur que d'avoir réussi à conserver une partie de sa ferveur première. Il suffirait pourtant de se faire un peu violence au début, et ensuite, tout deviendrait aisé et plaisant.

6 Il est dur de rompre avec des habitudes, mais il est plus dur encore de faire plier sa propre volonté. Si tu n'arrives pas maintenant à vaincre les petites difficultés, comment résisteras-tu plus tard aux tentations? Renonce donc le plus tôt possible à tes mauvais penchants et à tes mauvaises habitudes, car elles t'entraîneraient peu à peu dans des chemins dangereux. Oh! si tu savais quelle paix t'apporterait une vie exemplaire, et quelle joie ce serait pour les autres, alors certainement tu t'efforcerais d'accomplir des progrès spirituels.

Chapitre 12: Utilité de l'adversité

1 Il est bon d'éprouver parfois des ennuis et des contrariétés, parce qu'elles rappellent à l'homme sa véritable condition en lui faisant sentir qu'il est en exil sur la terre et qu'il ne doit mettre son espérance en aucune chose de ce monde. Il nous est plus profitable de souffrir quelquefois des contradictions, ou de savoir que l'on a mauvaise opinion de nous, même si nos intentions et nos actions sont bonnes; cela sert à nous rendre modestes et à nous préserver de la vanité. Et nous mettons plus d'empressement à nous rapprocher de Dieu, qui voit dans le secret, quand les hommes nous rabaissent et nous tiennent en peu d'estime.

2 Chacun devrait s'affermir en Dieu jusqu'à ce qu'il puisse se passer de tout réconfort humain. Lorsqu'un homme de bonne volonté est troublé, tenté, affligé de mauvaises pensées, il comprend mieux combien Dieu lui est nécessaire, et combien son aide lui est indispensable. Alors il s'attriste, il gémit, et sa souffrance fait naître en lui le besoin de prier; sa vie désormais lui pèse et il souhaite la mort, afin que, délivré de ses liens, il soit avec le Christ [Ph 1:23]. Et c'est ainsi qu'il comprend que la complète sécurité et la paix parfaite ne sont pas de ce monde.

Chapitre 13: Il faut vaincre les tentations

1 Nous ne pouvons manquer de rencontrer la souffrance et la tentation durant notre existence terrestre. C'est pourquoi on lit dans le livre de Job: Une tentation, telle est la vie de l'homme sur la terre [Jb 7:1]. Nous devrions donc toujours rester en alerte contre les tentations qui nous assiègent, veiller et prier pour ne pas donner prise aux attaques du démon, qui ne dort jamais et qui tourne de tous côtés, cherchant qui dévorer [1P 5:8]. Personne n'est si parfait et si saint qu'il n'ait parfois des tentations; jamais, nous n'en serons complètement délivrés.

2 Toutes mauvaises qu'elles soient, les tentations ont souvent leur utilité pour l'homme qu'elles éprouvent: elles l'humilient, le purifient et l'instruisent. Tous les saints ont subi beaucoup de tentations et de douleurs, et c'est parce qu'ils ont su les vaincre qu'ils se sont sanctifiés, alors que ceux qui ont défailli sur la route du salut se sont vus rejetés. Il n'y a pas d'Ordre si saint ni de lieu si retiré que l'on n'y trouve encore des tentations.

3 Tant qu'il vit, l'homme n'est jamais entièrement à l'abri du mal, car il en porte le germe en lui depuis sa naissance. Une tentation ou une épreuve viennent-elles de s'apaiser? Il en survient d'autres, et nous avons ainsi toujours une peine à endurer parce que nous n'avions pas mérité de conserver notre félicité primitive. Certains cherchent à fuir pour n'être pas tentés, et ils tombent dans des tentations encore plus grandes. Il ne suffit pas de fuir pour vaincre; c'est seulement la patience et la véritable humilité qui peuvent nous rendre plus forts que tous nos ennemis.

4 Celui qui cherche à éviter les occasions extérieures sans arracher de son coeur la racine du mal n'accomplira que peu de progrès; bientôt, les tentations reviendront à la charge et le harcèleront davantage. Tu triompherais plus sûrement par l'exercice d'une longue patience et avec l'aide de Dieu, que par un sursaut violent, mais éphémère. Prends souvent conseil d'autrui quand tu te sens faiblir, et ne te montre pas dur envers ceux qui sont tentés, mais aide-les comme tu voudrais toi-même être aidé.

5 La source de toutes les tentations, c'est le manque de fermeté de l'esprit et le défaut de confiance en Dieu. Comme un vaisseau sans gouvernail ballotté çà et là par les flots, ainsi l'homme inconstant abandonne ses résolutions et se trouve assailli par des tentations diverses. De même que le feu éprouve le fer, de même la tentation éprouve l'homme juste. Souvent, nous ne connaissons pas la limite de nos forces; eh bien, justement, elle nous est révélée par la tentation. Il faut surtout se montrer vigilant au début de la tentation, car on triomphe bien plus facilement de l'ennemi si on ne le laisse pas pénétrer dans son âme, et si on le repousse à l'instant même où il se présente. C'est ce qui a fait dire à un poète antique: «Arrêtez le mal dès son origine; le remède vient trop tard, quand le mal s'est accru par de longs délais» (Ovide). D'abord c'est une simple pensée qui s'offre à l'esprit, puis une représentation plus complexe; ensuite, on se laisse aller à la complaisance et le consentement au mal en résultera tôt ou tard. Ainsi, peu à peu, l'ennemi envahit l'âme tout entière lorsqu'on ne lui résiste pas tout de suite. Plus on met de retard et de mollesse à le repousser, plus on s'affaiblit, et plus l'ennemi au contraire prend de vigueur.

6 Certains supportent les tentations les plus violentes au début de leur conversion, d'autres à la fin; il en est qui en souffrent presque toute leur vie. Si plusieurs ne sont tentés que légèrement, c'est selon les desseins de la sagesse et justice de Dieu, qui pèse les conditions et les mérites des hommes et ordonne toutes choses pour le bien de ses élus.

7 Ne désespérons pas au moment où se présente la tentation, mais prions Dieu avec plus de ferveur, afin qu'il daigne nous soutenir dans toutes nos épreuves car, selon la parole de saint Paul, Il nous donnera, avec la tentation, le moyen de la surmonter et d'en tirer avantage [1Co 10:13]. Humilions nos âmes sous la main de Dieu dans toutes nos tentations et afflictions; il sauvera les humbles d'esprit et les élèvera.

8 Les tentations et les épreuves permettent de mesurer le progrès réalisé par un homme; elles accroissent le mérite et font resplendir davantage la vertu. Ce n'est pas grand-chose qu'un homme soit pieux et fervent quand rien n'éprouve son âme; mais qu'au temps de l'adversité il supporte tout avec patience, voilà qui promet de grands espoirs. Certains savent parfois surmonter de grandes tentations et puis succombent tous les jours aux petites: c'est afin que, constatant par là leur faiblesse, ils ne présument jamais de leurs forces dans des combats plus durs.

Chapitre 14: Les jugements téméraires

1 Tournez vos regards en vous-mêmes et gardez-vous de juger les actions des autres. À juger les autres, on perd son temps, on se trompe le plus souvent et on commet de graves péchés; s'examiner et se juger soi-même est toujours une chose fructueuse. D'habitude, nous jugeons une chose non pas sur ce qu'elle est, mais selon ce que nous désirons qu'elle soit, car l'amour-propre fausse notre jugement. Si nous n'avions jamais devant les yeux que Dieu seul, nous serions moins troublés quand on s'oppose à notre façon de voir. Souvent, les circonstances extérieures viennent au-devant d'un secret désir qui est en nous et nous entraînent.

2 C'est pour cela que beaucoup se recherchent eux-mêmes à travers leurs actes inconsciemment. On les prendrait pour des gens ayant gagné la véritable paix quand tout va selon leur volonté et leurs désirs; mais dès qu'ils éprouvent quelques contradictions, aussitôt ils se troublent et s'attristent. La différence de tempérament et d'opinion cause souvent des discordes entre amis et concitoyens, et même entre religieux et personnes spirituelles. On quitte difficilement une vieille habitude, et nul ne se laisse volontiers conduire au-delà de ses façons de voir. Si tu t'appuies plus sur des raisonnements que sur la force intérieure de Jésus Christ, tu arriveras difficilement à comprendre les choses spirituelles, car Dieu veut que nous lui soyons parfaitement soumis, et que nous nous élevions au-dessus de tout par un ardent amour.

Chapitre 15: Les oeuvres de charité

1 Au nom d'aucun principe, au nom d'aucune personne, on ne doit commettre le moindre mal; mais pour rendre service à qui en a besoin, on peut interrompre une action bonne et la remplacer par une meilleure. Ainsi notre oeuvre n'en est que plus excellente. Sans la charité, toute activité se révèle inutile. Au contraire, tout ce qui se fait par charité, depuis la plus petite et plus insignifiante action, produit des fruits abondants; car Dieu apprécie davantage l'intention et l'amour qui pousse à agir, que l'importance de l'action elle-même.

2 Celui qui aime beaucoup construit une oeuvre solide, de même que celui qui accomplit ses tâches de tout son coeur, et celui qui sert les autres plus que lui-même. Souvent ce qu'on croit charité n'est que convoitise, car les mauvais penchants, la volonté propre, l'espoir de la récompense ou l'amour des commodités nous quittent rarement.

3 Celui qui possède une charité profonde et parfaite ne recherche rien pour lui-même; son unique désir est de faire briller la gloire de Dieu en toute chose. Il n'est jaloux de personne, parce qu'il ne souhaite aucune faveur particulière; il ne poursuit aucune joie égoïste, et ce n'est pas en lui-même qu'il cherche son bonheur, mais en Dieu seul, au-dessus de tout autre bien. Il ne s'attribue aucun mérite: il rapporte tout à Dieu, de qui tout vient comme d'une source. Oh! celui qui posséderait une étincelle de la vraie charité, comme il sentirait l'absolue vanité de toutes les préoccupations humaines!

Chapitre 16: Supporter les défauts d'autrui

1 Ce que l'homme ne peut corriger chez lui ou chez les autres, il doit le supporter avec patience, jusqu'à ce que Dieu en dispose autrement. Songe qu'il est sans doute souhaitable qu'il en soit ainsi afin d'éprouver ta patience, sans laquelle tes mérites sont peu de chose. Tu dois cependant prier Dieu de t'aider à vaincre les obstacles ou à les supporter avec résignation.

2 Si tes avertissements n'ont pas gagné ton prochain, ne conteste plus, mais remets tout à Dieu, afin que sa volonté et sa gloire soient accomplies dans tous ses serviteurs: il peut changer le mal en bien. Tâche de supporter patiemment les défauts d'autrui, quels qu'ils soient, parce que toi aussi, tu as beaucoup d'imperfections que les autres doivent supporter. Si tu ne peux même pas te transformer toi-même comme tu le voudrais, comment pourrais-tu alors transformer les autres à ton gré? Nous désirons la perfection pour nos frères alors que nous ne corrigeons pas nos propres défauts.

3 Nous aimons que les autres soient sévèrement repris, et nous ne supportons pas les réprimandes. Nous sommes mécontents de voir les autres jouir d'une trop grande liberté, et nous n'admettons pas de voir nos désirs repoussés. Nous voulons enfermer les autres dans des règlements, et nous ne souffrons pas la moindre contrainte pour nous-mêmes. Cela prouve combien il est rare de savoir appliquer la même mesure à soi qu'à son prochain. Si tout le monde était parfait, qu'aurions-nous à offrir à Dieu?

4 Or, Dieu l'a voulu ainsi, afin que nous apprenions à porter le fardeau les uns des autres [Ga 6:2], car personne n'est sans défauts, nul ne se suffit à soi-même, nul n'est assez sage pour se diriger seul; il faut nous supporter, nous réconforter, nous aider, nous instruire, nous avertir les uns les autres. C'est dans l'adversité que l'on discerne le plus clairement la vertu d'un homme, car c'est là qu'il se montre sous son vrai jour.

Chapitre 17: La vie religieuse

1 Il faut que tu apprennes à renoncer à toi-même en toutes choses si tu veux faire régner la paix entre toi et ceux avec qui tu vis. Il est très difficile de vivre dans un monastère ou dans une communauté sans jamais se plaindre et d'y persévérer fidèlement jusqu'à la mort. Heureux celui qui a su y vivre selon sa conscience et bien y terminer ses jours. Si tu veux y rester avec profit, considère-toi comme un pèlerin sur la terre. Si tu veux vivre en religieux, il te faut devenir insensé pour Jésus Christ.

2 L'habit et la tonsure font peu, mais c'est le changement des moeurs et la totale mortification des passions qui font le vrai religieux. Celui qui cherche autre chose que Dieu seul et le salut de son âme ne trouvera que déchirement et douleur. Celui qui ne s'efforce pas de se tenir à la dernière place et de rester soumis à tous, celui-là ne saurait non plus demeurer longtemps en paix.

3 C'est pour obéir que tu es venu en ce lieu, et non pour commander. Sache que tu es appelé à travailler et à servir et non à mener une vie tranquille et oisive. Ici donc, les hommes sont éprouvés comme l'or dans la fournaise. Ici, nul ne peut demeurer s'il ne veut s'humilier jusqu'au plus profond de son coeur au service de Dieu.

Chapitre 18: Les exemples des saints pères

1 Considère les exemples vivants des saints Pères, par qui se manifestaient la vraie perfection, la vraie vie religieuse, et tu verras de quel néant est faite notre existence. Qu'est-ce que notre vie comparée à la leur? Les saints et les amis de Jésus Christ ont servi Dieu dans la faim et la soif, dans le froid et la nudité, dans le travail et la fatigue, dans les veilles et les jeûnes, dans les prières et les méditations, à travers une infinité de persécutions et de tourments.

2 Oh! quels obstacles ont rencontrés les apôtres, les martyrs, les confesseurs, les vierges et tous ceux qui ont voulu suivre les traces de Jésus Christ! Ils ont haï leur âme en ce monde pour la posséder dans la vie éternelle [Jn 7:25]. Quelle vie de renoncement et d'austérité que celle des saints Pères du désert! Que de cruelles tentations ils ont dû repousser! Quelle ardeur dans leurs prières à Dieu! Quelle rigueur dans le jeûne, quel zèle pour leur progrès spirituel, quelle lutte incessante pour vaincre leurs défauts, quelles intentions pures et droites toujours dirigées vers le Seigneur!

3 Ils travaillaient pendant le jour et passaient la nuit en prières, et même durant le travail, ils ne cessaient pas de prier dans le fond de leur coeur. Tout leur temps trouvait un emploi utile. Les heures qu'ils donnaient à Dieu leur semblaient courtes, et la douceur de la contemplation leur faisait oublier le besoin même de se nourrir. Ils avaient renoncé aux richesses, aux dignités, aux honneurs, à leurs amis, à leurs parents; ils ne voulaient rien posséder en ce monde; ils prenaient à peine ce qui était nécessaire pour la vie. Donner à leur corps les soins indispensables était pour eux une affliction.

4 Ils étaient pauvres de biens terrestres, mais riches en grâce et en vertus. En apparence, ils étaient dénués de tout, mais Dieu leur accordait le réconfort de sa grâce. Étrangers au monde, ils étaient les amis et les familiers de Dieu. Indignes à leurs propres yeux et méprisés aux yeux du monde, ils étaient chers et précieux aux yeux de Dieu. Ils vivaient dans une sincère humilité, dans l'obéissance, la charité et la patience. Chaque jour, ils progressaient sur le chemin de la perfection spirituelle et recevaient de Dieu seul leur récompense. Les saints ont été donnés en exemple à tous les religieux; ils doivent nous porter à l'avancement plus que la multitude des tièdes ne nous porte au relâchement.

 * * *

5 Oh! la ferveur de tous les religieux dans les débuts de leur institution! Quelle ardeur dans leur prière, quelle émulation dans la vertu, quels respect et obéissance sous la règle de leur maître! Les témoignages qui nous restent de leur vie attestent encore la sainteté et la perfection de ces hommes qui, par leur lutte généreuse, foulèrent aux pieds l'orgueil du monde. Aujourd'hui, on compte pour beaucoup qu'un religieux s'attache à respecter le plus possible la Règle de son Ordre et qu'il porte patiemment le joug dont il s'est chargé.

6 Ô tièdeur et négligence de notre état, où nous déclinons si vite de la ferveur d'origine, et déjà nous sommes dégoûtés de vivre par cause de lassitude et de tièdeur. Plût à Dieu que devant l'exemple d'hommes vraiment donnés, tu ne laisses pas s'assoupir en toi le désir de t'améliorer!

Chapitre 19: De exercitiis boni religiosi

[rendu ici français]

1 Vita boni religiosi omnibus virtutibus pollere debet, ut sit talis interius qualis ab hominibus videtur exterius. Et multo plus debet esse intus, quam quod cernitur foris, quia inspector noster est Deus, quem summopere revereri debemus ubicumque fuerimus, et tamquam angeli in conspectu eius mundi incedere. Omni die renovare debemus propositum nostrum et ad fervorem nos excitare, quasi hodie primum ad conversionem venissemus, ac dicere: Adiuva me, Domine Deus, in bono proposito et sancto servitio tuo et da mihi nunc hodie perfecte incipere, quia nihil est quod hactenus feci. Secundum propositum nostrum est cursus profectus nostri, et multa diligentia opus est bene proficere volenti. Quod si fortiter proponens saepe deficit, quid faciet ille qui raro aut minus fixe aliquid proponit? Variis tamen modis contingit desertio propositi nostri, et levis omissio exercitiorum vix sine aliquo dispendio transit. Iustorum propositum in gratia potius Dei, quam in propria patientia pendet, in quo et semper confidunt, quidquid arripiunt. Nam homo proponit, sed Deus disponit, nec est in homine via eius. Si pietatis causa aut fraternae utilitatis proposito quandoque consuetum omittitur exercitium, facile postea poterit recuperari. Si autem taedio animi vel negligentia facile relinquitur, satis culpabile est et nocivum sentitur.

2 Conemur quantum possumus, adhuc leviter deficiemus in multis. Semper tamen aliquid certi proponendum est, et illa praecipue proponenda sunt quae amplius nos impediunt. Exteriora nostra et interiora pariter nobis scrutanda sunt et ordinanda, quia utraque expediunt ad proprium profectum. Si non continue te vales colligere, saltem interdum et ad minus semel in die, mane videlicet aut vespere. Mane propone, vespere discute mores tuos, qualis hodie fuisti in verbo, opere et cogitatione, quia in his forsan Deum saepius offendisti et proximum. Accinge te sicut vir fortis contra diabolicas nequitias, frena gulam et omnem carnis inclinationem facilius frenabis. Numquam sis ex toto otiosus, sed aut legens, aut scribens, aut orans, aut meditans, aut aliquid utilitatis pro communi laborans. Corporalia tamen exercitia discrete sunt agenda, nec omnibus aequaliter assumenda. Quae communia non sunt, non sunt foris ostendenda, nam in secreto tutius exercentur privata. Cavendum tamen ne piger sis ad communia, et ad singularia promptior. Sed, expletis integre et fideliter debitis et iniunctis, si iam ultra tempus vacat, redde te tibi prout tua devotio desiderat. Non possunt omnes habere exercitium unum, sed aliud isti aliud illi magis deservit, et pro temporum congruentia diversa placent exercitia, quia alia in festis alia in feriatis magis sapiunt diebus. Aliis indigemus tempore temptationis et aliis tempore pacis et quietis. Alia cum tristamur libet cogitare et alia cum laeti in Domino fuerimus.

3 Circa principalia festa renovanda sunt bona exercitia et Sanctorum suffragia ferventius imploranda. De festo in festum proponere debemus, quasi tunc de saeculo migraturi et ad aeternum festum perventuri. Ideoque sollicite nos praeparare debemus in devotis temporibus et devotius conversari atque omnem observantiam strictius custodire, tamquam in brevi laboris nostri praemium a Deo percepturi. Et si dilatum fuerit, credamus nos minus bene paratos atque indignos tantae gloriae quae revelabitur in nobis tempore praefinito et studeamus nos melius ad exitum praeparare. Beatus servus, ait evangelista Lucas, quem, cum venerit Dominus, invenerit vigilantem. Amen dico vobis, super omnia bona sua constituet eum.

Chapitre 20: De amore solitudinis et silentii

1 Quaere aptum tempus vacandi tibi. De beneficiis Dei frequenter cogita. Relinque curiosa; tales potius perlege materias, quae compunctionem magis praestent quam occupationem. Si te subtraxeris a superfluis locutionibus et curiosis circuitionibus, necnon a novitatibus et rumoribus audiendis, invenies tempus sufficiens et aptum bonis meditationibus insistendi. Maximi Sanctorum humana consortia, ubi poterant, vitabant et Deo in secreto vivere eligebant. Dixit quidam: Quoties inter homines fui, minor homo redii. Hoc saepius experimur quando diu confabulamur. Facilius est enim tacere, quam in verbo non excedere. Facilius est domi latere, quam foris se posse sufficienter custodire. Qui igitur intendit ad interiora et spiritualia pervenire oportet eum cum Iesu a turba declinare. Nemo secure apparet, nisi qui libenter latet. [Nemo secure loquitur, nisi qui libenter tacet. Nemo secure praeest, nisi qui libenter subest.] Nemo secure praecipit, nisi qui obedire didicit. Nemo secure gaudet, nisi qui testimonium bonae conscientiae habet.

2 Semper tamen Sanctorum securitas plena timoris Dei extitit. Nec eo minus solliciti et humiles in se fuerunt, quia magnis virtutibus et gratia emicuerunt. Pravorum autem securitas ex superbia et praesumptione oritur, et in finem in desperationem sui vertitur. Numquam promittas tibi securitatem in hac vita, quamvis bonus videaris coenobita aut bonus eremita. Saepe meliores in aestimatione hominum magis periclitati sunt propter nimiam suam confidentiam. Unde multum utilius est ut non penitus tentationibus careant, sed saepius impugnentur, ne nimium securi sint, ne forte in superbiam eleventur, ne etiam ad exteriores consolationes licentius declinent. O qui numquam transitoriam laetitiam quaereret, qui numquam cum mundo se occuparet, quam bonam conscientiam servaret! O qui omnem vanam sollicitudinem amputaret et dumtaxat salutaria ac divina cogitaret et totam spem suam in Deo constitueret, quam magnam pacem et quietem possideret! Nemo dignus est coelesti consolatione, nisi diligenter se exercuerit in sancta compunctione. Si vis corde tenus compungi, intra cubiculum tuum et exclude tumultum mundi, sicut scriptum est: In cubilibus vestris compungimini. In cella invenies quod de foris saepius amittes. Cella continuata dulcescit et male custodita taedium generat. Si in principio conversionis tuae bene eam incolueris et custodieris, erit postea tibi amica dilecta et gratissimum solatium.

3 In silentio et quiete proficit anima devota et discit abscondita scripturarum. Ibi invenit fluenta lacrimarum, quibus singulis noctibus se lavet et mundet, ut Conditori suo tanto familiarior fiat, quanto longius ab omni saeculari tumultu degit. Qui ergo se subtrahit a notis et amicis, approximabit illi Deus cum Angelis sanctis. Melius est latere et sui curam agere quam, se neglecto, signa facere. Laudabile est homini religioso raro foras ire, fugere videri et nolle homines videre. Quid vis videre quod non licet habere? Transit mundus et concupiscentia eius. Trahunt desideria sensualitatis ad spatiandum, sed cum hora transierit, quid nisi gravitatem conscientiae et cordis dispersionem portat? Laetus exitus tristem saepe reditum parit, et laeta vigilia serotina triste mane facit. Sic omne carnale gaudium blande intrat, sed in fine mordet et perimit. [Quid potes alibi videre quod hic non vides? Ecce coelum et terra et omnia elementa, nam ex istis omnia sunt facta.] Quid potes videre alicubi quod diu potest sub sole permanere? Credis te forsitan satiari, sed non poteris pertingere. Si cuncta videres praesentia, quid esset nisi visio vana? Leva oculos tuos ad Deum in excelsis et ora pro peccatis tuis et negligentiis. Dimitte vana vanis, tu autem intende illis quae tibi praecipit Deus. Claude super te ostium tuum et voca ad te Iesum dilectum tuum. Mane cum eo in cella, quia non invenies alibi tantam pacem. Si non exisses nec quidquam de rumoribus audisses, melius in bona pace permansisses. Ex quo nova delectaris aliquando audire, oportet te exinde turbationem cordis tolerare.

Chapitre 21: De compunctione cordis

1 Si vis aliquid proficere, conserva te in timore Dei et noli esse nimis liber, sed sub disciplina cohibe omnes sensus tuos, nec ineptae te tradas laetitiae. Da te ad cordis compunctionem, et invenies devotionem. Compunctio multa bona aperit, quae dissolutio cito perdere consuevit. Mirum est quod homo possit unquam perfecte laetari in hac vita, qui suum exilium et tam multa pericula animae suae considerat et pensat. Propter levitatem cordis et negligentiam defectuum nostrorum non sentimus animae nostrae dolores, sed saepe vane reddimus verba quando merito flere deberemus. Non est vera libertas nec bona conscientia, nisi in timore Dei. Felix qui abicere potest omne impedimentum distractionis et ad unionem se redigere sanctae compunctionis. Felix qui a se abdicat quidquid suam conscientiam maculare potest vel gravare. Certa viriliter, consuetudo consuetudine vincitur. Si tu scis homines dimittere, ipsi bene dimittent te tua facta facere. Non attrahas tibi res aliorum, nec te implices causis maiorum. Habeas semper oculum super te primum et admoneas te ipsum specialiter prae omnibus tibi dilectis. Si non habes favorem hominum, noli exinde tristari, sed hoc tibi sit grave quia non habes te satis bene et circumspecte, sicut deceret servum Dei et devotum religiosum conversari.

2 Utilius est saepe et securius quod homo non habeat multas consolationes in hac vita, secundum carnem praecipue. Tamen quod divinas non habemus, aut rarius sentimus nos devotos, in culpa sumus, quia compunctionem non quaerimus cordis ac vanas et extrinsecas non abicimus. Cognosce te indignum divina consolatione, sed magis dignum multa tribulatione. Quando homo perfecte est compunctus, tunc gravis et amarus est ei totus mundus. Bonus homo sufficientem invenit materiam dolendi et flendi. Sive enim considerat se, sive de proximo pensat, scit quia nemo sine tribulatione hic vivit. Et quanto strictius sese considerat, tanto amplius dolet. Materiae iusti doloris et internae compunctionis sunt peccata et vitia nostra, quibus ita involuti iacemus, ut raro coelestia contemplari valeamus. Si frequentius de morte tua quam de longitudine vitae tuae cogitares, non dubium quin frequentius te emendares. Si etiam futuras inferni sive purgatorii poenas cordialiter perpenderes, credo quod libenter dolorem et laborem sustineres et nihil rigoris formidares. Sed quia ista ad cor non transeunt et blandimenta adhuc amamus, ideo frigidi et valde pigri remanemus. Saepe est inopia spiritus, unde tam leviter conqueritur miserum corpus. Ora igitur humiliter ad Dominum, ut det tibi compunctionis spiritum, et dic cum Propheta: Ciba me, Domine, pane lacrimarum et potum da mihi in lacrimis in mensura.

Chapitre 22: De conditione humanae miseriae

1 Miser es ubicumque fueris et quocumque te verteris, nisi ad Deum te convertas. Quid turbaris quia non succedit tibi sicut vis et desideras? Quis est qui habeat omnia secundum suam voluntatem? Nec ego nec tu nec aliquis hominum super terram. Nemo est in mundo sine aliqua tribulatione vel angustia, quamvis rex sit vel papa. Quis est qui melius habet? Utique qui pro Deo aliquid pati valet. Dicunt multi imbecilles et infirmi: Ecce quam bonam vitam ille habet, quam dives et quam magnus, quam potens et excelsus. Sed attende ad coelestia bona et videbis quod omnia ista temporalia sunt, sed magis incerta et valde gravantia, quia numquam sine sollicitudine et timore possidentur. Non est hominis felicitas habere temporalia ad abundantiam, sed sufficit ei mediocritas. Vere miseria est vivere super terram. Quanto homo voluerit esse spiritualior, tanto praesens vita fit ei amarior, quia sentit melius et videt clarius humanae corruptionis effectus. Nam comedere bibere vigilare dormire quiescere laborare et ceteris necessitatibus naturae subiacere vere magna miseria est et afflictio homini devoto, qui libenter esset absolutus et liber ab omni peccato. Valde enim gravatur interior homo necessitatibus corporalibus in hoc mundo. Unde Propheta devote rogat quatenus ab istis liber esse valeat dicens: De necessitatibus meis erue me, Domine.

2 Sed vae non cognoscentibus suam miseriam et corruptibilem vitam! Nam in tantum quidam hanc amplectuntur - licet etiam vix necessaria laborando aut mendicando habeant - ut, si possent hic semper vivere, de regno Dei nihil curarent. O insani et infideles corde, qui tam profunde in terris iacent, ut nihil nisi carnalia sapiant! Sed miseri adhuc in fine sentient graviter quam vile et nihilum erat quod amaverunt. Sancti autem Dei et omnes devoti amici Christi non attenderunt quae carni placuerunt, nec quae in hoc tempore floruerunt, sed tota spes eorum et intentio ad aeterna bona anhelabat. Ferebatur totum desiderium eorum ad mansura et invisibilia, ne amore visibilium traherentur ad infima. Noli, frater, amittere confidentiam proficiendi ad spiritualia. Adhuc enim habes tempus et horam. Quare vis procrastinare propositum tuum? Surge et in instanti incipe et dic: Nunc est tempus faciendi, nunc tempus pugnandi est, nunc tempus aptum est emendandi. Quando male habes et tribularis, tunc tempus promerendi. Oportet te transire per ignem et aquam, antequam venias ad refrigerium. Nisi tibi vim feceris, vitium non superabis. Quamdiu istud fragile corpus gerimus, sine peccato esse non possumus nec sine taedio et dolore vivere. Libenter haberemus ab omni miseria quietem, sed quia per peccatum perdidimus innocentiam, amisimus etiam veram beatitudinem. Ideo oportet nos tenere patientiam et Dei expectare misericordiam, donec transeat iniquitas haec et mortalitas absorbeatur a vita.

3 O quanta fragilitas humana, quae semper prona est ad vitia! Hodie confiteris peccata tua, et cras iterum perpetras confessa. Nunc proponis cavere, et post horam ita agis quasi nihil proposuisses. Merito ergo nosmetipsos humiliare possumus, nec unquam aliquid magni de nobis sentire, quia tam fragiles et instabiles sumus. Cito etiam potest perdi per negligentiam quod multo labore vix tandem acquisitum est per gratiam. Quid fiet de nobis adhuc in fine, qui tepescimus tam mane? Vae nobis si sic volumus declinare ad quietem, quasi iam pax sit et securitas, cum necdum appareat vestigium sanctitatis verae in nostra conversatione. Bene opus esset quod adhuc institueremur, tamquam boni novitii, ad mores optimos, si forte spes esset de futura emendatione et maiori spirituali profectu.

Chapitre 23: De meditatione mortis

1 Valde cito erit tecum hoc factum: vide aliter quomodo te habeas. Hodie homo est, et cras non comparet. Cum autem sublatus fuerit ab oculis, etiam cito transit a mente. O hebetudo et duritia cordis humani, quod solum praesentia meditatur et futura non magis praevidet! Sic te in omni facto et cogitatu debes tenere, quasi statim esses moriturus. Si bonam conscientiam haberes, non multum mortem timeres. Melius esset peccata cavere, quam mortem fugere. Si hodie non es paratus, quomodo cras eris? Cras est dies incerta, et quid scis si crastinum habebis? Quid prodest diu vivere, quando parum emendamur? Ah, longa vita non semper emendat, sed saepe culpam magis auget. Utinam per unam diem bene essemus conversati in hoc mundo! Multi annos computant conversionis, sed saepe parvus est fructus emendationis. Si formidolosum est mori, forsitan periculosius est diu vivere. Beatus qui horam mortis suae semper ante oculos habet et ad moriendum quotidie se disponit. Si vidisti aliquem mori, cogita quia tu per eandem viam transibis. Cum mane fuerit, pura te ad vesperum non perventurum. Vespere autem facto, mafie non audeas tibi polliceri. Semper ergo paratus esto et taliter vive, ut numquam imparatum te mors inveniat.

2 Multi subito et improvise moriuntur. Nam hora qua non putatur Filius hominis veniet. Quando illa extrema hora venerit, multum aliter sentire incipies de tota vita tua praeterita et valde dolebis quia tam negligens et remissus fuisti. Quam felix et prudens qui talis nunc nititur esse in vita, qualis optat inveniri in morte! Dabit namque magnam fiduciam moriendi perfectus contemptus mundi, fervens desiderium in virtutibus proficiendi, amor disciplinae, labor poenitentiae, promptitudo obedientiae, abnegatio sui et supportatio cuiuslibet adversitatis pro amore Christi. Multa bona opera potes operari dum sanus es, sed infirmatus nescio quid poteris. Pauci ex infirmitate emendantur, sic et qui multum peregrinantur raro sanctificantur. Noli confidere super amicos et proximos, nec in futuris salutem tuam differas, quia citius obliviscentur tui homines, quam existimas. Melius est nunc tempestive providere et aliquid bolli praemittere, quam super aliorum auxilio sperare. Si non es pro teipso sollicitus modo, quis erit sollicitus pro te in futuro? Nunc tempus est valde pretiosum, sed proh dolor, quod hoc inutilius expendis in qua promereri vales unde aeternaliter vivas! Veniet quando unam diem seu horam pro emendatione desiderabis, et nescio an impetrabis. Eia carissime, de quanto periculo te poteris liberare, de quam magno timore eripere, si modo semper timoratus fueris et de morte suspectus! Stude nunc taliter vivere, ut in hora mortis valeas potius gaudere quam timere. Disce nunc mori mundo, ut tunc incipias vivere cum Christo. Disce nunc omnia contemnere, ut tunc possis libere ad Christum pergere. Castiga corpus tuum per poenitentiam, ut tunc valeas certam habere confidentiam.

3 Ah, stulte, quid cogitas te diu victurum, cum nullum diem habeas securum? Quam multi decepti sunt et insperati de corpore extracti! Quotiens audisti a dicentibus, quia ille gladio cecidit, ille submersus est, ille ab alto ruens cervicem fregit, ille manducando obriguit, ille ludendo finem fecit; alius igne, alius ferro, alius peste, alius latrocinio interiit. Et sic omnium finis mors est, et vita hominum tamquam umbra cito pertransit. Quis memorabitur tui post mortem et quis orabit pro te? Age age nunc, carissime, quidquid pro te agere potes, quia nescis quando morieris. Nescis etiam quid tibi post mortem sequatur. Dum tempus habes, congrega divitias immortales. Praeter salutem tuam nihil cogites. Solum quae Dei sunt cures. Fac nunc tibi amicos venerando Sanctos et eorum actus imitando, ut cum defeceris in hac vita, illi te recipiant in aeterna tabernacula. Serva te tamquam peregrinum et hospitem super terram, ad quem nihil spectat de mundi negotiis. Serva cor liberum et ad Deum erectum, quia non habes hic manentem civitatem. Illuc gemitus et preces quotidianas cum lacrimis dirige, ut spiritus tuus mereatur post mortem ad Dominum feliciter transire.

Chapitre 24: De iudicio et poenis peccatorum

1 In omnibus rebus respice finem et qualiter ante districtum iudicem stabis, cui nihil est occultum, qui muneribus non placatur nec excusationes recipit, sed quod iustum est iudicabit. O miserrime et insipiens, quid respondebis Deo omnia mala tua scienti, qui interdum times vultum hominis irati? Ut quid non provides tibi in die iudicii, quando nemo poterit per alium excusari vel defendi, sed unusquisque sufficiens onus suum portabit sibi ipsi? Nunc labor tuus est fructuosus, fletus acceptabilis, gemitus exaudibilis, dolor satisfactorius et purgativus.

2 Habet magnum et salubre purgatorium homo patiens, qui suscipiens iniurias plus dolet de alterius malitia quam de sua iniuria, qui pro contrariantibus sibi libenter orat et ex corde culpas indulget, qui veniam ab aliis petere non retardat, qui facilius miseretur quam irascitur, qui sibi ipsi violentiam saepe facit et carnem suam omnino spiritui subiugare conatur. Melius est modo purgare peccata et vitia resecare, quam in futuro purganda reservare. Vere nos ipsos decipimus per inordinatum amorem quem ad carnem habemus. Quid aliud ille ignis devorabit, nisi peccata tua? Quanto amplius nunc tibi ipsi parcis et carnem sequeris, postea lues tanto durius et maiorem materiam comburendi reservas. In quibus homo peccavit, in illis gravius punietur. Ibi accidiosi ardentibus stimulis pungentur, et gulosi ingenti fame ac siti cruciabuntur. Ibi luxuriosi et voluptatum amatores ardenti pice et foetido sulphure perfundentur, et sicut furiosi canes prae dolore invidiosi ululabunt. Nullum vitium erit, quod suum proprium cruciatum non habeat. Ibi superbi omni confusione replebuntur, et avari miserrima egestate artabuntur. Ibi erit una hora gravior in poena, quam hic centum anni in amarissima poenitentia. Ibi nulla requies, nulla consolatio damnatis. Hic tamen interdum cessatur a laboribus atque amicorum fruitur solatiis.

3 Esto modo sollicitus et dolens pro peccatis tuis, ut in die iudicii sis securus propetenus cum beatis. Tunc enim iusti stabunt in magna constantia adversus eos qui se angustiaverunt et depresserunt. Tunc stabit ad iudicandum qui modo se subicit humiliter iudiciis hominum. Tunc magnam fiduciam habebit pauper et humilis, et pavebit undique superbus. Tunc videbitur sapiens in hoc mundo fuisse qui pro Christo didicit stultus esse et despectus. Tunc placebit omnis tribulatio patienter perpessa, et omnis iniquitas oppilabit os suum. Tunc gaudebit omnis devotus, et maerebit omnis irreligiosus. Tunc plus exultabit caro afflicta, quam si in deliciis semper fuisset nutrita. Tunc splendebit habitus vilis, et obtenebrescet vestis subtilis. Tunc plus laudabitur pauperculum domicilium, quam deauratum palatium. Tunc plus iuvabit constans patientia, quam omnis mundi potentia. Tunc amplius exaltabitur simplex obedientia, quam omnis saecularis astutia. Tunc plus laetificabit pura et simplex conscientia et bona, quam docta philosophia. Tunc plus ponderabit contemptus divitiarum, quam totus thesaurus terrigenarum. Tunc magis consolaberis super devota oratione, quam super delicata comestione. Tunc potius gaudebis de servato silentio, quam de longa fabulatione. Tunc plus valebunt sancta opera, quam multa pulchra verba. Tunc plus valebit stricta vita et ardua poenitentia, quam omnis delectatio terrena.

4 Disce nunc in modico pati, ut tunc a gravioribus valeas liberari. Hic primo proba quid possis pati postea. Si nunc tam parum non vales sustinere, quomodo poteris aeterna tormenta sufferre? Si modo modica passio te tam impatientem efficit, tunc gehenna quid faciet? Ecce vere non potes duo gaudia habere, delectari hic in mundo et postea regnare cum Christo. Si usque in hodiernum diem semper in honoribus et voluptatibus vixisses, quid totum tibi profuisset, si iam in instanti mori contingeret? Omnia ergo vanitas, praeter amare Deum et illi soli servire. Qui enim Deum ex toto corde amat, nec mortem nec supplicium nec iudicium nec infernum metuit, quia perfectus amor securum ad Deum accessum facit. Quem autem adhuc peccare delectat, non mirum si mortem et iudicium timeat. Bonum tamen est, ut si necdum amor a malo te revocat, saltem timor gehennae te coerceat. Qui vero timorem Dei postponit, diu stare non valebit, sed diaboli laqueos citius incurret.

Chapitre 25: De ferventi emendatione totius vitae nostrae

1 Esto vigilans et diligens in Dei servitio et cogita frequenter ad quid venisti et cur saeculum reliquisti. Nonne ut Deo viveres et spiritualis fieres? Igitur ad profectum ferveas, quia mercedem laborum tuorum in brevi recipies, nec erit tunc amplius timor aut dolor in finibus tuis. Modicum nunc laborabis, et magnam requiem, imo perpetuam laetitiam invenies. Si tu permanseris fidelis et fervidus in agendo, Deus proculdubio erit fidelis et locuples in retribuendo. Spem bonam retinere debes quod ad palmam pervenies, sed securitatem capere non oportet, ne torpeas aut elatus fias. Cum enim quidam anxius inter metum et spem frequenter fluctuaret, et quadam vice moerore confectus in ecclesia ante quoddam altare se in oratione prostravisset, haec intra se revolvit dicens: O si scirem quod adhuc perseveraturus essem! Statimque audivit divinum intus responsum: Quid, si hoc scires, quid facere velles? Fac nunc quod facere velles, et bene securus eris. Moxque consolatus et confortatus divinae se commisit voluntati, et cessavit anxia fluctuatio. Noluitque curiose investigare, ut sciret quae sibi essent futura, sed magis studuit inquirere quae esset voluntas Dei beneplacens et perfecta ad omne opus inchoandum et perficiendum. Spera in Domino et fac bonitatem, ait Propheta, et inhabita terram, et pasceris in divitiis eius.

2 Unum est quod multos a profectu et ferventi emendatione retrahit, horror difficultatis seu labor certaminis. Illi maxime prae aliis in virtutibus proficiunt, qui ea quae sibi magis gravia et contraria sunt vincere nituntur. Nam ibi homo plus proficit et gratiam meretur ampliorem, ubi magis seipsum vincit et in spiritu mortificat. Sed non omnes habent aeque multum ad vincendum et moriendum. Diligens autem aemulator valentior erit ad proficiendum, etiamsi plures habeat passiones, quam alius bene morigeratus, minus tamen fervens ad virtutes. Duo specialiter ad magnam emendationem iuvant, videlicet subtrahere se violenter ad quod natura vitiose inclinatur, et ferventer instare pro bono qua amplius quis indiget. Illa etiam magis studeas cavere et vincere, quae tibi in aliis frequentius displicent. Ubique profectum tuum capies, ut si bona exempla videas vel audias, de imitandis accendaris. Si quid autem reprehensibile consideraveris, cave ne idem facias, aut si aliquando fecisti, citius emendare te studeas. Sicut oculus tuus alios considerat, sic iterum ab aliis notaris. Quam iucundum et dulce est videre fervidos et devotos fratres bene morigeratos et disciplinatos! Quam triste est et grave videre inordinate ambulantes, qui ea ad quae vocati sunt non exercent! Quam nocivum est negligere vocationis suae propositum et ad non commissa sensum inclinare!

3 Memor esto arrepti propositi, et imaginem Crucifixi tibi propone. Bene verecundari potes inspecta vita Iesu Christi, quia necdum magis illi te conformare studuisti, licet diu in via Dei fuisti. Religiosus qui se intente et devote in sanctissima vita et passione Domini exercet omnia utilia et necessaria sibi abundanter ibi inveniet, nec opus est ut extra Iesum aliquid melius quaerat. O si Iesus crucifixus in cor nostrum veniret, quam cito et sufficienter docti essemus! Religiosus fervidus bene omnia portat et capit quae illi iubentur. Religiosus negligens et tepidus habet tribulationem super tribulationem et ex omni parte patitur angustiam, quia interiori consolatione caret et exteriorem quaerere prohibetur. Religiosus extra disciplinam vivens gravi patet ruinae. Qui laxiora quaerit et remissiora semper in angustiis erit, quia aut unum aut reliquum displicebit sibi. Quomodo faciunt tam multi alii religiosi, qui satis artati sunt sub disciplina claustrali? Raro exeunt, abstracte vivunt, pauperrime comedunt, grosse vestiuntur. Multum laborant, parum loquuntur, diu vigilant, mature surgunt et orationes prolongant, frequenter legunt et se in omni disciplina custodiunt. Attende Carthusienses et Cistercienses ac diversae religionis monachos et moniales, qualiter omni nocte ad psallendum Deo surgunt. Et ideo turpe est ut tu debeas in tam sancto opere dormitare et pigritare, ubi tanta multitudo religiosorum incipit Deo iubilare. O si nihil aliud faciendum incumberet, nisi Domi. num Deum nostrum toto corde et ore laudare! O si numquam indigeres comedere nec bibere nec dormire, sed semper posses Deum laudare et solummodo spiritualibus studiis vacare! Tunc multo felicior esses, quam modo carni ex qualicumque necessitate serviens. Utinam non essent istae necessitates, sed solummodo spirituales animae refectiones, quas heu satis raro degustamus!

4 Quando homo ad hoc pervenit, quod de nulla creatura consolationem quaerit, tunc ei Deus primo perfecte sapere incipit. Tunc etiam bene contentus de omni eventu rerum erit, tunc nec pro magno laetabitur nec pro modico contristabitur, sed ponit se integre et fiducialiter in Deo, qui est ei omnia in omnibus, cui nihil utique perit nec moritur, sed omnia ei vivunt et ad nutum incunctanter deserviunt. Memento semper finis et quia perditum non redit tempus. Sine sollicitudine et diligentia numquam acquires virtutes. Si incipis tepescere, incipis male habere. Si autem dederis te ad fervorem, invenies magnam pacem et senties leviorem laborem propter Dei gratiam et virtutis amorem. Homo fervidus et diligens ad omnia est paratus. Maior labor est resistere vitiis et passionibus, quam corporalibus insudare laboribus. Qui parvos non devitat defectus paulatim labitur ad maiora. Gaudebis semper de vespere, si diem expendes fructuose. Vigila super teipsum, et quidquid de aliis sit, non negligas teipsum. Tantum proficies, quantum tibi ipsi vim intuleris. Amen.

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