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Message pastoral concernant l'Armée de Marie

Simone Martini. L'Annonciation.
(Simone Martini. L'Annonciation. Source)

Voici le texte intégral de la lettre du Cardinal Marc Ouellet concernant l'Armée de Marie, datée du 4 avril 2005, mais affichée sur le site web du diocèse le 12 avril 2005.

Mes commentaires sur cette lettre sont dans un document séparé.

La célébration de la solennité de l'Annonciation du Seigneur - transférée cette année du 25 mars au 4 avril en raison de la coïncidence avec le Vendredi Saint - offre une belle occasion de rendre grâce à Dieu avec le chant d'un alléluia pascal pour la très Sainte Vierge Marie qui a accueilli en son sein l'auteur de la Vie. «Voici la servante du Seigneur: que tout se passe pour moi selon ta parole» [Lc 1, 38].

«C'est avec elle, la glorieuse Fille de Sion, qu'après la longue attente de la promesse, les temps sont accomplis et est instaurée la nouvelle Économie, quand le Fils de Dieu prit d'elle la nature humaine, pour délivrer l'homme du péché par les mystères de sa chair».[1]

L'Église professe que Marie de Nazareth est une personne humaine bien enracinée dans son temps et dans l'histoire de son peuple ; la grâce insurpassable de sa maternité divine ouvre par elle la phase décisive de l'histoire du salut. L'annonce de l'Ange, avec tout ce qui suit son consentement, lui confère un rôle unique et incomparable auquel ne peut prétendre aucune autre créature au service de son divin Fils.

Depuis ma nomination au Diocèse de Québec en novembre 2002, j'ai constaté que la situation douloureuse concernant l'Armée de Marie n'a pas évolué pour le mieux, malgré les efforts d'un deuxième Commissaire pontifical pour les Fils de Marie et malgré les appels de la Note doctrinale publiée par l'Épiscopat canadien en août 2001. L'intervention des évêques est même rejetée comme étant étrangère au groupe et l'exhortation à cesser les activités est restée sans effet.

Je veux m'adresser aujourd'hui à l'ensemble des fidèles catholiques pour leur donner une juste évaluation de la situation. Je m'adresse aussi aux personnes qui, de bonne foi, sont des sympathisants ou des adhérents de l'Armée de Marie, pour réitérer la mise en garde face aux risques encourus. Je m'adresse particulièrement aux dirigeants de ce groupe connu sous le nom d'Armée de Marie ou de Communauté de la Dame de tous les peuples avec tout ce qui s'y rattache, pour les inviter à nouveau à se remettre en question et à reconnaître le tort qu'ils causent aux fidèles et à l'Église en s'enfermant dans un refus du jugement pastoral de l'autorité légitime.

Dangers pour la foi

L'Armée de Marie diffuse toujours des doctrines étrangères à la foi de l'Église sans tenir compte des mises en garde faites au cours des années. Les dénégations et les argumentations ne peuvent masquer le fait central : on y propose des doctrines qui s'écartent de la Révélation ; on ajoute des nouveautés qui ne sont pas un progrès ou un approfondissement de la Révélation véritable mais une dangereuse déviation.

On induit les fidèles en erreur lorsqu'on soutient, par exemple, comme le fait Marc Bosquart : En fait, selon ce qui ressort de tout ce que nous avons vu (et de tout ce que nous aurons l'occasion de voir encore), Marie-Paule est ni plus ni moins que la Co-Rédemptrice. - La Co-Rédemptrice en personne! -, c'est-à-dire l'«équivalent féminin» du Rédempteur. [2]

On induit aussi les fidèles en erreur lorsqu'on soutient que : L'Immaculée est Coéternelle à l'éternel Dieu.[3] Et lorsqu'on exalte ainsi une fondatrice peut-être sincère mais insoumise à l'Église : Alors, oui, croyons-le, disons-le, proclamons-le: dans le Royaume de l'Esprit, dans ce Royaume qui vient, dans ce Royaume qui a déjà commencé, partout, côte à côte, il y aura Jésus Christ et Marie-Paule, le Rédempteur et la Co-Rédemptrice de toute l'humanité![4]

À ces quelques exemples, il faudrait encore ajouter la profession de foi personnelle de Marc Bosquart publiée dans le journal officiel de l'Armée de Marie de l'an 2000 [5] et dont les propositions vont à l'encontre de la foi catholique. Une promotion aussi exorbitante et intempestive des prétendus privilèges spirituels d'une personne appartenant au commun des mortels, sans l'accord du magistère, s'écarte de la foi catholique.

Ces doctrines ne peuvent se réclamer de la fidélité à la Révélation catholique, même sous le couvert d'un langage mystique. Elles sont totalement étrangères à la Bible, à l'enseignement des Papes et du Concile Vatican II ; elles n'ont aucun appui dans le Catéchisme officiel de l'Église catholique.

De plus, concernant les présumées révélations d'Amsterdam auxquelles se rattachent les tenants de ces doctrines, il faut signaler la récente déclaration de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi clarifiant que «le jugement négatif déjà exprimé publiquement dans la Notification de 1974 reste toujours valide».[6]

Ces mises en garde confirment donc une fois de plus l'avertissement sévère donné par le cardinal Maurice Roy à propos des volumes «Vie d'Amour» [7] et le jugement du cardinal Louis-Albert Vachon relatif aux deux volumes de Marc Bosquart. [8]

Constatant l'étrangeté des doctrines proposées et le refus obstiné des appels répétés de l'autorité légitime, il est de mon devoir pastoral de dénoncer la doctrine de l'Armée de Marie et la façon dont cette organisation présente la piété mariale. J'appelle donc ses dirigeants à un changement radical d'attitude car la foi des fidèles est menacée et détournée au profit d'une cause qui s'écarte du patrimoine spirituel de l'Église.

Blessures à l'unité de l'Église

La diffusion de doctrines étrangères à la foi blesse l'unité de l'Église. Le refus constant d'accueillir les mises en garde de l'autorité légitime est aussi une blessure à l'unité de l'Église. Ainsi on blesse l'unité de l'Église lorsqu'on affirme : «Dieu, en 1958, avait déjà identifié les adversaires de son oeuvre comme étant ses prêtres et, précisa-t-il plus tard, ses évêques». [9] On blesse l'unité de l'Église lorsque, en dépit des formules de politesse usuelles et des affirmations d'une fidélité absolue au Pape, on discrédite l'intervention pastorale d'évêques et de proches collaborateurs du Saint-Père par lesquels celui-ci exerce sa charge pastorale, allant même jusqu'à des attaques personnelles contre eux. [10]

On blesse l'unité de l'Église en ouvrant une «maison de retraite» et en y tenant des célébrations eucharistiques sans l'autorisation de l'Évêque [11] tout en affirmant, à tort, y servir le bien des âmes et respecter le droit canonique.

On blesse l'unité de l'Église en présentant l'Armée de Marie comme la victime continuelle d'une sourde persécution de la part de l'autorité de l'Église, persécution qui serait en même temps et paradoxalement la preuve irréfutable de son origine divine.

Il y a là des blessures qui ne peuvent pas être des étapes voulues par l'Esprit Saint pour amener les disciples de Jésus à l'unité et à la communion.

Conclusion

Je réitère donc aujourd'hui le bien fondé de la Note doctrinale rendue publique le 15 août 2001 par l'épiscopat canadien. «Parce que la foi des fidèles s'en trouve menacée, nous, les évêques du Canada, exhortons les membres et les sympathisants de l'Armée de Marie à cesser leurs activités, quelles qu'elles soient : publications, participations aux rencontres de prière et aux célébrations liturgiques, spécialement celles qui ont lieu au Centre Spiri-Maria, au Québec ». [12]

Ce message pastoral est publié en étroite collaboration avec Son Excellence Mgr Terrence Prendergast, Commissaire pontifical pour les Fils de Marie que le Saint-Siège a chargé de diriger ce groupe de prêtres vers un statut canonique reconnu et vers l'exercice d'un ministère sacerdotal compatible avec les exigences de la foi catholique.

Je souhaite vivement que les personnes bien intentionnées qui auraient, pour un temps, été induites en erreur, accueillent cet appel à la fidélité et à l'unité de l'Église.

Je suis conscient que le choix à faire comportera pour certains des tensions familiales douloureuses. Je prie l'Esprit Saint afin qu'il inspire les mots justes et les gestes adéquats qui aideront toutes les personnes concernées à se soumettre au jugement pastoral de l'Église.

En union avec Marie, Mère de l'Église, j'invite à la prière et au juste discernement. Que sa collaboration unique au projet divin et son humble attitude de Servante du Seigneur nous aident à trouver dans la prière fervente le chemin de la fidélité et de l'obéissance au Christ et à l'Église.

Donné à Québec, en la solennité de l'Annonciation du Seigneur, 4 avril 2005.
Marc Cardinal Ouellet
Archevêque de Québec et Primat du Canada


Notes de bas de page

[1] Lumen Gentium, N° 55.
[2] Marc Bosquart, Terre Nouvelle Homme Nouveau, 2001, p. 119.
[3] Marc Bosquart, L'Immaculée, la divine Épouse de Dieu, 2001, p. 24.
[4] Marc Bosquart, L'Immaculée, la divine Épouse de Dieu, 2001, p. 124.
[5] Le Royaume, No 143, p. 8.
[6] Cardinal Joseph Ratzinger, lettre du 8 février 2005.
[7] Lettre du 16 mars 1981.
[8] Lettres du 4 juillet et 15 novembre 1986.
[9] Le Royaume, No 171, p. 22.
[10] Par exemple : Le Royaume, No 170, pages 20-24.
[11] Note disciplinaire de Mgr Maurice Couture, 10 avril 2000.
[12] Note doctrinale, Conférence des Évêques catholiques du Canada.

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