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«Ah! Dans mes rêves, tout était si <bon/mauvais> dans le <bon/mauvais> vieux temps!»
(Jean-Auguste-Dominique Ingres. Les chansons d'Ossian.
Source)
Remarque de vocabulaire: «Une pendule», c'est l'horloge qui vous donne l'heure. «Un pendule», c'est le mécanisme dans l'horloge, «une masse ponctuelle suspendue à un point fixe par un fil tendu, qui oscille à une fréquence constante». Nous allons parler ici du pendule, au masculin.
Satan n'est pas capricieux. Le Diable a une diète très accommodante: d'abord que ça soit vicieux, il est heureux. Que le vice soit un extrême ou l'autre, le Diable est bien content à condition qu'on soit dans un extrême (car il sait que la vertu est dans le juste milieu).
Quel est le rapport avec la Révolution tranquille, ce bouleversement social au Québec qui a commencé vers la fin des années 1950, et qui a «évacué» l'Église catholique des institutions?
En gros, je prétends qu'on peut voir la Révolution tranquille comme le passage du pendule d'un extrême à un autre extrême, en partie pour des raisons sociologiques (un peu comme le pendule oscille à cause de la loi de la gravité), et en partie aussi parce que Satan, voyant que le pendule allait se déplacer, n'a pas essayé de le bloquer dans un extrême vicieux, mais a habilement poussé ce pendule dans un autre extrême au moins tout aussi vicieux.
Si ma thèse est vraie, plusieurs conséquences en découlent:
1.1) Tout n'était pas parfait dans le «bon vieux temps» avant la Révolution tranquille.
1.2) Tout n'est pas parfait aujourd'hui, dans le Québec déchristianisé.
1.3) Les gens qui voient notre société actuelle d'un trop bon oeil, et le Québec d'avant la Révolution d'un oeil trop mauvais, sont en fait les artisans plus ou moins conscients de nos futurs problèmes. Et bien sûr, vice-versa pour ceux qui ont une opinion trop positive du «bon vieux temps»!
J'aimerais être sociologue et historien, afin de pouvoir étayer ma thèse avec de longues et patientes monographies décrivant le Québec avant, et après la Révolution tranquille, ainsi que sur d'autres situations similaires à des époques et dans des régions du monde différentes. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Ce texte n'est donc pas une étude, mais un essai, et vous devrez valider par vous-même mes affirmations.
Mais même si ceci n'est qu'un essai, pourquoi parler de Satan? Pour les fins de la discussion, oublions que l'Église enseigne avec certitude l'existence et l'action du Démon, et prenons comme une simple hypothèse de travail sociologique le «Facteur Grappin». Les gens qui trouvent ceci un peu comique n'ont qu'à étudier certaines hypothèses de travail de la physique moderne, qui ne sont guères moins bizarres! Pour ce qui est du mot «Grappin», c'est un clin d'oeil au Curé d'Ars qui surnommait ainsi le Diable.
Posons que le «Facteur Grappin» est une force sociologiquement observable, qui tend dans certaines conditions à accélérer et encourager toute tendance extrémiste, tout mouvement qui tend à s'éloigner du juste milieu. Comme le «Facteur Grappin» est une force sociologique et non physique, elle s'exerce sur les opinions des gens, et non sur leurs corps.
Le «Facteur Grappin» agira de deux manières sur l'opinion des gens, pour «pousser le pendule»:
2.1) Soit faire fuire les gens d'un vrai bien, en le faisant paraître mauvais;
2.2) Soit faire courir les gens après un vrai mal, en le faisant paraître bon.
La première technique consiste à coller une étiquette «Mal» sur quelque chose de bien. Les exemples fourmillent, mais vous pouvez penser aux scandales sexuels récents aux États-Unis, où certains évêques ont essayé de masquer des crimes en invoquant la supposée «nécessité de respecter Dieu et l'Église». Or, «L'abus du nom de Dieu pour commettre un crime provoque le rejet de la religion» [Catéchisme de l'Église catholique, N° 2148]. On peut penser que c'est en partie ce qui s'est passé ici. Le Québec d'avant la Révolution tranquille vivait des choses pénibles, des choses très mauvaises, comme l'autoritarisme, le triomphalisme, le sexisme, l'anti-sémitisme, et le jansénisme. Certains membres de la hiérarchie ont tenté de défendre leurs péchés en prétendant que ces choses mauvaises étaient en fait du catholicisme. On a donc réussi à provoquer le rejet d'une religion fondamentalement très bonne.
La deuxième technique consiste à l'inverse à coller l'étiquette «Bien» sur quelque chose de fondamentalement mauvais. On peut par exemple prendre des désirs illicites, les exacerber pour les faire paraître incontrôlables, puis les «justifier» avec des sophismes qui attaquent les fondements de l'Éthique. Saint Paul disait: «Car un temps viendra où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine du salut [...] ils se choisiront, au gré de leurs passions, une foule de maîtres. Ils détourneront l'oreille de la vérité, et se jetteront sur des fables.» [2 Tm 4, 3-4]. On peut voir l'illustration de cette deuxième technique dans le fait que le peuple québécois est actuellement en train de s'auto-exterminer avec l'avortement, le concubinage, le divorce, etc., alors qu'au départ il recherchait des choses bonnes comme la libération, l'épanouissement, l'amour.
Remarquez bien que ces deux techniques utilisent toujours une part de vérité. Un peu comme le pendule qui peut bouger en partie à cause de la gravité, et en partie parce qu'on pousse dessus. Au moment où le pendule se met à se déplacer dans une direction, c'est parce qu'il tente de retrouver le juste milieu. Ainsi, le Québec avant la Révolution tranquille, à cause des excès causés par le jansénisme, n'était pas dans un «juste milieu sexuel». Une partie du mouvement vers la «libération, l'épanouissement et l'amour» était donc tout à fait correcte. C'est l'énervement du pendule causé par le «Facteur Grappin» qui l'a vicié, selon notre hypothèse.
Essayons d'énumérer des cas concrets de mouvements exagérés dans la société québécoise, où le pendule ne s'est pas arrêté dans le juste milieu:
3.1) Le nombre d'enfants. De familles très, parfois trop nombreuses, nous sommes passés à un nombre d'enfants insuffisant pour assurer la survie même de notre peuple. Or l'Église enseigne qu'il faut avoir un nombre «généreux mais raisonnable» d'enfants, qu'il faut éviter les excès. [CÉC, N° 2366-2379].
3.2) Les Protestants et les autres religions. Je me suis laissé dire que le Québec était en ce moment un des endroits du monde où il y avait le plus grand nombre de sectes et de dénominations non-catholiques. On peut comparer cela avec l'homogénéité du catholicisme, et certains abus contre les Protestants avant la Révolution tranquille. Or «L'Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans [les autres] religions. [Nostra Aetate, N° 2]. Par contre, «Cette unique vraie religion, nous croyons qu'elle subsiste dans l'Église catholique et apostolique à qui le Seigneur Jésus a confié le mandat de la faire connaître à tous les hommes» [Dignitatis Humanae, N° 1]
3.3) Le corps humain sexué. Le jansénisme, l'hérésie qui rongeait le Québec avant la Révolution tranquille, enseigne que le corps sexué est intrinsèquement mauvais, et que les péchés de la chair sont les pires. L'hédonisme, un des excès du Québec actuel, dit au contraire qu'il n'y a plus de péchés de la chair, et que la sexualité n'existe que pour la gratification corporelle. Or l'Église a toujours combattu ces deux extrêmes, car le corps humain sexué a été créé par Dieu et il est donc fondamentalement bon [Denzinger N° 4314], mais «le don physique total doit être le signe et le fruit du don personnel total, et son "lieu" unique est le mariage» [Denzinger, Nos. 4701, 4582, 4703].
3.4) Le péché et l'Enfer. «Et même dans le domaine de la pensée et de la vie ecclésiales, il y a des tendances qui favorisent inévitablement le déclin du sens du péché. Certains, par exemple, tendent à remplacer des attitudes excessives du passé par d'autres excès: au lieu de voir le péché partout, on ne le distingue plus nulle part; au lieu de trop mettre l'accent sur la peur des peines éternelles, on prêche un amour de Dieu qui exclurait toute peine méritée par le péché; au lieu de la sévérité avec laquelle on s'efforce de corriger les consciences erronées, on prône un tel respect de la conscience qu'il supprime le devoir de dire la vérité. [Reconciliatio et Paenitentia, N° 18]
3.5) La main de fer et le gant de velours. Il semble que dans le Québec d'avant 1960, on disait clairement la vérité concernant la religion, parfois sans charité. De nos jours, on a tellement peur de faire de la peine aux gens qu'on leur raconte souvent des mensonges sucrés. Or l'Église enseigne que «Ne diminuer en rien la salutaire doctrine du Christ est une forme éminente de charité envers les âmes. Mais cela doit toujours être accompagné de la patience et de la bonté dont le Seigneur lui-même a donné l'exemple en traitant avec les hommes.» [Humanae Vitae, N° 29]
On pourrait sûrement trouver d'autres exemples d'application du «Facteur Grappin» dans les bouleversements de la société québécoise.
J'aimerais bien avoir une réponse parfaite à cette question. Le mieux que je puisse faire en ce moment est de suggérer des règles empiriques qui semblent bonnes:
4.1) Connaître l'existence et les effets néfastes du «Facteur Grappin».
4.2) Approfondir notre compréhension du huitième commandement: «Tu ne porteras pas de faux témoignage».
4.3) Lorsqu'on croit voir un mal repoussant (dans un livre, une personne, une société, etc.), essayer aussi de discerner le bien qui pourrait y être dissimulé, afin de ne pas «jeter le bébé avec la couche sale».
4.4) Lorsqu'on croit voir un bien attirant, essayer de voir aussi les exagérations possibles qui pourraient venir «gâcher» ce bien.
4.5) Être prêt à «prêcher dans le désert», car les gens dénués de prévoyance risquent de se moquer de ceux qui voudront bloquer les futures exagérations du pendule.
4.6) Avoir toujours sur vous un instrument pédagogique pour expliquer aux gens l'utilité du juste milieu. Votre avant-bras en est un: pour positionner précisément votre avant-bras, vous avez (au moins) deux muscles, un qui tire dans chaque direction. Si vous n'aviez qu'un seul muscle, votre bras serait soit toujours déplié, soit toujours plié. En ayant deux muscles qui tirent chacun en sens inverse, vous pouvez trouver le «juste milieu» rapidement et facilement!
Aussi bizarre que cela puisse paraître, je crains que la société québécoise subisse une sorte de «contre-coup» des exagérations actuelles. C'est pourquoi je veux me positionner tout de suite pour tenter de «bloquer le pendule» le plus possible au juste milieu, lorsqu'une masse critique de gens auront vu que le Québec d'aujourd'hui souffre des exagérations actuelles de l'hédonisme, du paganisme, du relativisme éthique, etc.
Il ne faudrait pas laisser filer le juste milieu une autre fois, et laisser succéder aux excès de la «Révolution tranquille» ceux d'une «Inquisition tranquille»!
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