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(Thomas Gainsborough. The Painter's Daughters, Margaret and Mary, Chasing Butterfly.
Source)
Qu'est-ce qu'une loi? Pourquoi avons-nous des sanctions (ou des punitions et des récompenses)?
Je n'ai ni le temps ni l'expertise pour vous donner une explication complète des lois et des sanctions. Veuillez vous référer à de vrais philosophes, entre autres tout le Traité sur la loi de saint Thomas d'Aquin [Ia-IIae, q. 90 et suiv.], et Thonnard). En attendant, voici voici ma meilleure tentative de vous donner quelques rudiments.
Dès le départ, nous devons nous rendre compte que les lois et les sanctions sont un peu comme des «béquilles» pour les deux «jambes» de l'agir humain: la raison et la volonté. Si votre raison n'est pas capable de vous montrer clairement ce que vous devriez faire, les lois sont supposées la soutenir. De la même manière, si votre volonté n'est pas tout à fait capable de vous faire faire votre devoir, les sanctions sont supposées l'appuyer. (On dit «supposé» parce que les lois et les sanctions peuvent défaillir. Par exemple une loi humaine peut être injuste, ou une sanction peut être mal appliquée ou inappropriée, etc.)
Nous sommes tous plus ou moins conscients de cette insuffisance intrinsèque des lois et des sanctions. Supposons par exemple que vous conduisez dans un quartier résidentiel d'une toute nouvelle ville, située dans un pays flambant neuf qui n'a même pas eu le temps de promulguer un Code de la route. Il n'y a peut-être pas de loi qui vous force à conduire lentement dans un quartier résidentiel, mais vous allez penser que conduire vite n'est pas une bonne idée, que «cela a du sens» d'éviter de faire de la vitesse. Vous n'aurez pas besoin de grosses affiches vous ordonnant de conduire lentement.
De la même manière, après que votre raison vous ait montré que faire de la vitesse dans un quartier résidentiel était mauvais, votre volonté va probablement vous faire ralentir, même s'il n'y a pas encore d'amendes ou de policiers dans ce pays. Vous n'aurez pas besoin de vous faire menacer par des punitions pour agir bien.
C'est parce que, d'une manière restreinte, vos deux «jambes» (votre raison et votre volonté) sont «assez fortes» pour vous faire agir bien. Comme vous le savez probablement, le mot «vertu» vient d'un mot qui signifie «force», et votre raison et votre volonté se font fortifier par les vertus de Prudence ou «Butance» et de Justice.
Si nous étions tous parfaitement «butants» et justes, dès notre naissance, nous n'aurions pas besoin des lois et des sanctions.
Prenons un exemple de loi: «Tu ne piqueras pas une fourchette dans une prise électrique!» Pourquoi les mères de jeunes enfants «promulguent-elles» de telles lois? Parce que la raison d'un jeune enfant n'est pas normalement capable de produire ce qu'on appelle techniquement un «poly-syllogisme butanciel». Considérons un exemple informel d'une telle bestiole:
Les hommes sont fait pour le bonheur, alors ils doivent agir de manière à leur faire atteindre ce but (le bonheur), ou du moins de s'en rapprocher. Si on cesse de vivre, apparemment on ne peut pas être heureux, alors normalement on devrait essayer d'éviter la mort.
Or, toucher avec un objet métallique (comme un ustensile communément appelé «fourchette») une borne d'une prise électrique, qui transporte la sinusoïdale électromagnétique de 120V à 60Hz, peut avoir plusieurs résultats. Si la borne qu'on touche est la Masse ou le Neutre, aucun effet observable ne se produira. Si la borne est celle sous Tension, alors le résultat va dépendre du circuit qui sera établi, ainsi que de sa résistance ohmique.
Par exemple, si deux broches de la fourchette touchent simultanément les bornes Tension et Neutre, un très court circuit de faible résistance ohmique devrait s'établir, ce qui dépassera rapidement la capacité de transport de courant du fusible ou disjoncteur normalement en série avec cette prise. Souvent, une grosse étincelle se produira, de même qu'une fusion partielle de la fourchette, et rien d'autre.
Si, par contre, seul la borne Tension est touchée, et qu'aucune matière diélectrique s'interpose entre la fourchette et la personne qui la tient, le circuit établi pourrait passer au travers du corps de la personne, et quitter le corps là où il entre en contact avec un objet ayant un faible potentiel voltaïque et une bonne capacité de transport de courant (comme un plancher mouillé). Dans de telles circonstances, un courant de plus de 0,10 ampères pourrait placer le coeur humain en état de fibrillation, arrêtant la circulation sanguine et causant rapidement l'infarction des tissus encéphaliques, conduisant au décès.
Donc, pour les très jeunes enfants, Tu ne piqueras pas une fourchette dans une prise électrique!
Comme vous pouvez vous l'imaginer, ce genre de raisonnement exige une certaine habileté (et n'oubliez pas que ce n'est qu'un résumé d'un vrai poly-syllogisme butanciel). Mais les jeunes enfants sont capables de comprendre et retenir seulement la conclusion de ce syllogisme! Équipés d'une telle conclusion, avec cette «béquille» pour leur raison, ils peuvent savoir comment agir dans de telles circonstances!
Comme je l'ai dit, je vous donne une explication simplifiée. Il y a deux autres aspects de la loi qui sont implicites dans cet exemple, et qui viennent compliquer les choses un peu. D'abord, la mère enseigne cette loi à son enfant. Comment la raison de l'enfant pourrait-elle être perfectionnée par cette connaissance, si elle ne lui était jamais transmise? C'est pourquoi les lois doivent être «promulguées», c'est-à-dire que les citoyens doivent être avertis de leur existence. (Pour certaines lois, comme la Loi naturelle, la promulgation est «automatique» parce que cette Loi est «écrite dans nos coeurs».)
Le deuxième aspect implicite est tout le problème de «qui fait la loi». Pour une mère et son enfant, la réponse est évidente. Pour tout un pays, c'est «quiconque est responsable du Bien commun», mais après ça les choses peuvent se compliquer. Néanmoins, c'est quand même un bon commencement de se rappeler la définition générale d'une loi comme «la conclusion d'un poly-syllogisme butanciel, promulgué par le chef en vue du Bien commun».
Continuons avec notre jeune enfant qui est irrésistiblement attiré par les prises électriques. Lui fournir une «béquille» pour sa raison (une loi) pourrait ne pas être suffisant pour qu'il cesse d'être malcommode. Il faut aussi s'arranger pour que cet enfant veuille obéir à la loi.
Typiquement, la mère s'y prendra en modifiant artificiellement l'effet du mauvais comportement de manière à le «rapprocher» de la volonté de l'enfant, et aussi pour diminuer la gravité de cet effet.
Dans notre exemple, la mère va réduire la «distance causale» en avertissant très sévèrement l'enfant qu'il aura «beaucoup, beaucoup de grosses tapes sur les foufounes» s'il ose même s'approcher d'une prise avec une fourchette. Il n'est plus nécessaire qu'un long enchaînement d'événements se produise, et il n'y a plus d'incertitude sur le résultat. «Fourchette près d'une prise» est maintenant égal à «ouille! ouille! mes foufounes!» pour cet enfant. Non seulement ça, mais (quoi qu'en pense l'enfant), la gravité du résultat a été grandement diminué, passant de la mort par électrocution, à une douleur très temporaire, très localisée, et non menaçante.
Bien sûr, une mère peut souvent en arriver au même résultat simplement en parlant plus fort et en baissant le ton de sa voix, mais je présume que ce premier recours n'a pas fonctionné avec cet enfant. (Je ne fais pas la promotion des sévices exercés sur les enfants, mais je prends seulement un cas extrême pour des raisons pédagogiques).
Remarquez aussi que le «type de distance causale» est très variable. Par exemple, ça peut être la «distance sociale», c'est-à-dire que le mauvais comportement fait du tort à quelqu'un d'autre (comme un chirurgien qui bâcle une opération), ou une «distance de probabilité», c'est-à-dire que le mauvais comportement a une probabilité relativement faible de faire du tort à quelqu'un (comme un adolescent qui conduit en état d'ébriété), ou une «distance spirituelle», c'est-à-dire que le mauvais comportement ne cause pas un dommage visible et physique, même s'il cause un grand tort non physique (comme un homme qui traite une femme comme un objet), etc.
(Je ne suis pas sûr, mais je pense que ce dont je parle ici sont ce que les vieux philosophes appelaient les «sanctions médicinales», pas les sanctions actuelles nécessaires pour ré-établir la justice.)
Cette trop brève introduction au sujet des lois et des sanctions n'est pas suffisante pour vous guider durant le reste de votre vie, alors n'arrêtez pas de lire des bons livres de philosophie (même si vous ne voyez pas pour l'instant le bien-fondé de cette conclusion d'un poly-syllogisme butanciel!).
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