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(Kenneth Brookes. L'Uniforme scout et ses insignes..
Source)
Le mot «valeur» jouit de nos jours d'une popularité époustouflante. Dès qu'un orateur tente de s'élever au-dessus du train-train quotidien, au-delà de la simple comptabilité de nos routines, il prononce quasi-invariablement le mot «valeur». Dès qu'un politicien veut provoquer la juste colère d'une foule, il affirme que l'ennemi en veut à nos «valeurs». Mais qu'est-ce que cette histoire de «valeurs»?
Même si vous ne vous en rendez pas compte, quand vous utilisez le mot «valeur», vous le faites probablement parce que vous subissez l'influence d'un courant philosophique qui date de Friedrich Nietzsche (1844-1900), des écoles Pragmatiste et Badoise, et même d'une certaine manière de l'Allemagne Nazi [Thonnard, Précis d'histoire de la philosophie].
Quand certains philosophes se sont laissés arnaquer par Kant, on a commencé à populariser le mot «valeur» pour remplacer le mot «bien». En effet, si (comme Kant le prétend erronément) nous ne pouvons pas connaître la vérité en métaphysique, alors du même coup nous ne pouvons plus parler de «bien» ou de «mal». Comment prétendre que quelque chose est vraiment un bien, si nous ne pouvons pas connaître la vérité?
On a donc commencé à utiliser le mot «valeur», parce que celui-ci a un aspect plus psychologique. En effet, n'importe quoi peut, pour nous, subjectivement, sembler avoir plus ou moins de valeur. Certains mauvais philosophes ont donc bondi sur ce qui leur semblait être un succédané du «bien».
Le mot «valeur» dans certains cas n'a rien de répréhensible. Par exemple, si vous dites que «le dollar canadien a perdu de la valeur aujourd'hui», le mot «valeur» est bien employé.
Mais méfiez-vous du mot «valeur» lorsqu'il est accompagné d'un possessif:
- «Dans le cours d'éthique, on apprend à choisir son système de valeurs»;
- «C'est contre mes valeurs»;
- «Toi, tu as tes valeurs, moi j'ai mes valeurs»;
- etc., etc.
Une de mes histoires préférées au sujet des valeurs vient d'un de mes professeurs de philosophie, M. Murray. Un petit garçon, avec qui il avait un lointain lien de parenté, l'avait contacté pour de l'aide avec son devoir à l'école, qui portait sur les valeurs. M. Murray lui avait dit d'énumérer les trois valeurs suivantes:
- Ma valeur N° 1: ne pas avoir une hiérarchie de valeurs;
- Ma valeur N° 2: ne pas respecter mes valeurs;
- Ma valeur N° 3: ne pas respecter les valeurs des autres.
Apparemment que la professeure n'a pas trouvé ça drôle, mais qu'elle ne savait pas non plus quoi répondre!
Que peut bien vouloir dire l'expression: «J'ai une valeur»? Un des nombreux problèmes avec la théorie des valeurs est que la «valeur» n'est pas fondée sur l'examen rationnel des choses. La «valeur» vient d'un acte personnel et subjectif, donc la seule chose qui s'y oppose, c'est l'estimation d'une autre personne. De nombreuses personnes voudraient remplacer le bien et le mal par les «valeurs», mais il n'y a pas d'opposition entre «valeur» et «valeur»; toute valeur est «bonne»!
C'est le temps d'imposer notre couleur morale aux actes humains neutres!
[Source]
Pour comprendre la Théorie des valeurs, vous pouvez imaginer que chaque personne a deux pots de peinture, un pot avec la couleur «C'est une valeur pour moi», et l'autre avec la couleur «Ce n'est pas une valeur pour moi». Ensuite, tous les actes humains passent sur un genre de ruban convoyeur devant la personne. Les actes sur le ruban convoyeur n'ont pas de couleur. Pour chaque acte, la personne choisit subjectivement quelle «couleur morale» il ou elle veut donner à cet acte, et ensuite peinture cet acte. Ainsi, par exemple, si l'acte appelé «sauver les chatons abandonnés» passe, cette personne va attraper le pot de «C'est une valeur pour moi». Mais si l'acte appelé «tabasser ma grand-mère» passe devant elle, cette personne va attraper le pot de «Ce n'est pas une valeur pour moi»
Le bien, par contre, est plus intrinsèque à la chose; il est dans les choses. Si nous reprenons la métaphore de peinturer des objets avec deux pots de peinture, alors les actes humains qui passent devant nous sur le ruban convoyeur sont pré-colorés! En fait, c'est plus que pré-coloré (parce que la peinture de couleur est juste sur la surface de l'objet). Non, c'est plus profond. La matière même avec laquelle chaque objet est fabriqué est déjà une matière colorée, un peu comme un morceau de charbon anthracite qui est noir, même si vous le grattez, même si vous le coupez en deux, etc. Pour pourriez essayer de peindre le morceau de charbon avec de la peinture blanche, mais la peinture ne collerait pas, et la vraie couleur de l'objet sous-jacent finirait par traverser. Prenez l'exemple du viol: le viol n'est pas un acte neutre, et aucune peinture d'aucune cour suprême ne pourrait rendre le viol un bon acte.
Le bien est plus objectif que les valeurs. Les Anciens définissent le bien comme: «ce qui perfectionne comme une fin». Le mal est ce qui est nuisible à la chose (au moins une privation de ce qui est bon). Qu'une chose soit bonne ou mauvaise, cela n'a pas rapport à notre goût. Par exemple, la nourriture. Les enfants peuvent avoir du goût pour un gallon de crème glacée, et pas pour les légumes, mais le bien ou le mal de cette nourriture est indépendant de leurs désirs.
Même en parlant de valeurs, on doit utiliser les notions de bien et de mal (de manière subreptice, souvent) pour les expliquer. Il est impossible d'éviter les jugements de valeur, sans éviter les contradictions internes. Une société finit par donc par «imposer ses valeurs». Derrière la facade de la tolérance, il y a toujours un jugement de valeur implicite. On ne peut pas vivre en paix en société avec des gens qui ont la valeur de tuer les juifs, par exemple. Ça marche pas.
Malheureusement, je n'ai ni l'espace ni les compétences pour réfuter dans un si bref essai le relativisme éthique. Par contre, vous pouvez consulter de vrais philosophes. (On me dit que The Abolition Of Man de C.S. Lewis est excellent à ce sujet.)
Les bons scouts n'ont pas de «valeurs». Les bons scouts constatent que la vérité existe, et ils s'efforcent de faire le bien et d'éviter le mal.
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