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La laideur de cette erreur philosophique a de quoi faire pleurer.
(Pablo Picasso. Femme en larmes.
Source)
Dans cet essai, je vais tenter d'expliquer une des erreurs philosophiques courantes de nos jours: le «pragmatisme». Bien sûr, je ne parle pas ici de «pragmatisme» au sens populaire, comme quand une épouse dit à son mari d'être plus «pragmatique» et d'appeler un vrai plombier, plutôt que de faire un autre dégât dans la maison! Je parle plutôt de l'école de pensée philosophique qui nie notre capacité d'atteindre la vérité spéculative, et qui tente de compenser cette absence par un «succédané de vérité», la «connaissance sentimentale».
Redisons la même chose de manière plus imagée. Supposons que vous êtes un joueur de hockey, et que vous comptez plus de buts si vous croyez fermement que vous êtes un éléphant rose avec des ailes de papillon. Le pragmatisme dira alors que cette croyance est «vraie».
(Cet essai n'est en gros qu'un résumé d'une section du Précis d'histoire de philosophie de F.-J. Thonnard.)
Le pragmatisme est l'école de pensée dont le principal représentant est William James (1842-1910). Il peut se résumer par trois thèses fondamentales:
2.1) L'agnosticisme absolu. «L'intelligence humaine est radicalement et totalement incapable d'atteindre le réel. C'est le préjugé universellement répandu chez les philosophes modernes, comme suite inconsciente de la critique kantienne.»
2.2) Vérité utilitaire. «Les conceptions intellectuelles n'ont de valeur que dans la mesure où elles favorisent la vie et son progrès. En d'autres termes, la vérité exprimée par nos jugements et nos sciences n'est plus une propriété objective, [...] elle devient une propriété toute relative qui dépend de l'état actuel de l'humanité et varie avec lui. C'est là un corollaire de l'agnosticisme: après avoir dépouillé l'intelligence de son rôle propre qui est de conquérir le vrai, on lui donne celui de la volonté qui est d'atteindre le bien et l'utile. Mais comme le sens commun conserve la notion de vérité ontologique, on va, par une transposition paradoxale, charger à son tour la volonté de nous donner cette vérité.»
2.3)
Connaissance sentimentale. Le seul moyen d'atteindre le vrai
objectif est le sentiment, l'action ou la vie. Ce point surtout caractérise
la "philosophie nouvelle" qui veut se constituer au moyen de connaissances
fournies non plus par une faculté passive soumise à l'action de l'objet,
mais par une de nos puissances actives, créatrices; subconscient,
expérience, intuition, action, en un mot, la vie.»
[Source]
Comme toute erreur philosophique qui attaque la critériologie, le pragmatisme a des conséquences désastreuses sur les parties de la philosophie qui dépendent directement des fondations établies en critériologie, comme la théodicée et l'éthique. En d'autres mots, si notre intelligence n'est pas capable d'atteindre la vérité (l'erreur pragmatiste en critériologie), on peut oublier l'effort fait pour démontrer l'existence et les attributs de Dieu (la théodicée), ainsi que l'étude rationnelle du bien et du mal, afin de mieux diriger nos vies (l'éthique).
Le pragmatisme cause non seulement de graves dommages à la philosophie, mais il s'attaque aussi à la religion catholique, par le biais (entre autres) du «Modernisme». Le Modernisme n'est pas l'hérésie qui nous fait aimer les ordinateurs et la technologie (sinon il y a belle lurette que j'aurais été excommunié!). Le Modernisme, entre autres, affirme:
3.1) L'agnosticisme absolu. Il se base philosophiquement sur les critiques de Kant et de Bergson.
3.2) La connaissance d'ordre sentimental de Dieu. Pour connaître Dieu, selon cette erreur, il ne faut pas recourir à l'intelligence et ses concepts sans valeur, mais s'en tenir aux sentiments. «Son caractère saillant est le vague et l'imprécision dont nous fera sortir l'élaboration dogmatique, mais aussi la stabilité et l'universalité propres à fonder une religion catholique, puisqu'on la retrouve en toute conscience humaine.»
3.3)
La mutabilité des dogmes dissociés du Magistère. «Les dogmes [...]
n'ont plus de valeur absolue, mais leur "vérité" est d'être utiles à la vie
religieuse, soit individuelle, soit sociale. [...] Au point de vue social, les
hommes qui éprouvent en eux des expériences particulièrement riches, veulent en
faire participer les autres, et pour cela les formules sont indispensables.
[...] Ainsi se forment les dogmes. Toute religion qui réussit est vraie et
d'autant plus vraie que la vie intérieure est plus intense chez les fidèles.
Mais les dogmes vieillis doivent être renouvelés, puisque toute leur valeur et
toute leur vérité est dans leur convenance avec le sentiment religieux vivant
et progressant dans la masse des fidèles.»
[Source]
Vous pouvez aussi lire Pascendi Dominici Gregis de saint Pie X, qui expose l'erreur Moderniste.
Une réfutation en règle du pragmatisme exige une présentation exhaustive d'une saine critériologie. En attendant, voici certains extraits de Thonnard:
«Ce qui donne une apparence de valeur [au pragmatisme], c'est qu'en effet une doctrine vraie ne peut avoir en tant que vraie, de mauvais résultats; c'est pourquoi les "profits" que nous y trouvons peuvent être un signe, une conséquence capable de démontrer au moins avec probabilité que telle doctrine est vraie. Mais les pragmatistes en concluent que l'utilité constitue intrinsèquement la vérité, de sorte qu'un jugement n'est pas utile parce qu'il est vrai en soi, mais au contraire il est ou devient vrai au moment où il devient profitable: et telle est leur erreur.
Aussi, à prendre à la lettre le principe pragmatiste, les sciences et en particulier la morale sont ruinées par la base ; il ne leur reste pas plus de stabilité que dans le phénoménisme de Hume, puisque leur vérité dépend de l'utilité individuelle. De plus, impossible de comprendre "quel est notre profit" en ignorant totalement ce qu'est en soi la nature humaine. Impossible de juger vrai ce qui nous est profitable, sans affirmer implicitement que "l'homme est à lui-même l'unique fin dernière en fonction de laquelle doit se mesurer la valeur de tous ses actes": principe purement spéculatif et d'ailleurs erroné, puisqu'il revient à nier toute raison d'être extrinsèque à notre nature finie et contingente. Le pragmatisme se détruit ainsi en se posant; il ne peut pas poser son principe fondamental "qu'il n'y a pas de vérité purement spéculative" sans affirmer en même temps une vérité de ce genre.
On peut comparer à cette incohérence, l'inébranlable fermeté du thomisme qui,
fidèle au bon sens, se contente de philosopher avec l'intelligence, comme l'on
regarde avec les yeux. Il sait d'ailleurs, en approfondissant le bon sens,
résoudre toutes les antinomies qui arrêtent les modernes et qui ont conduit
William James à ses positions paradoxales.»
[Source]
Bien sûr, si ça vous fait compter plus de buts, vous pouvez continuer à vous imaginer des histoires d'éléphant rose avec des ailes de papillon! Mais faites attention avant de faire un «double-échec» à la raison, vous pourriez aboutir sur le banc de punition!
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