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«Apprendre à jouer un instrument est si difficile, c'est l'Enfer!»
(René Magritte. La découverte du feu.
Source)
Qu'est-ce que «l'inflation verbale»? (Certains auteurs parlent plutôt de «manipulation verbale», ou «d'euphémismes et de dysphémismes», etc.) D'abord, il faut rappeler un peu ce qu'est la vraie inflation. L'inflation survient entre autres lorsque le Gouvernement imprime trop de billets de banque. Imprimer de l'argent est très facile! En théorie, si vous voulez un million de dollars, vous appuyez sur le bouton de la grosse imprimante et hop! vous venez de «créer» un million de dollars! Sauf que vous venez aussi de diminuer la valeur de chaque dollar déjà en circulation!
L'Allemagne des années 1920 a connu une période d'inflation grave. Il y avait même une blague, selon laquelle une ménagère était aller faire ses emplettes avec un gros sac rempli de billets de banque. Elle avait déposé le sac plein d'argent un moment, pour mieux vérifier la marchandise, mais au moment de le reprendre elle avait eu la surprise de voir qu'on avait volé son sac, mais en laissant les billets de banque!
«L'inflation verbale» est un peu comme la vraie inflation. Elle survient lorsqu'on utilise des mots «plus riches» pour signifier des réalités «plus pauvres», et elle a pour conséquence d'appauvrir la langue, et donc la pensée.
Voici quelques exemples tirés du vocabulaire du québécois moyen:
2.1) «Enfer»
Exemples: «J'ai dû attendre trois heures à l'urgence de l'hôpital, c'était l'Enfer!», ou «Il fallait que je tape mon travail de fin de session, mais je m'étais retourné un ongle, alors ça me faisait mal en tapant à l'ordinateur. Ce fût l'Enfer!», etc.
Sens correct: Strictement parlant, aller en Enfer, c'est souffrir des pires tourments pour toujours! C'est être coupé de la source de tout bien (Dieu), mais aussi être séparé des gens qu'on aime et être horriblement torturé dans son corps, tout ceci sans aucun espoir d'en sortir!
Recommandations: Petit contre-temps, léger désagrément, douleur passagère, etc.
2.2) «évidence, ou preuve»
Exemples: En anglais, les avocats utilisent le mot «évidence» là où leur collègues francophones disent «preuve». Dans les deux cas, c'est de l'inflation verbale.
Sens correct: Strictement parlant, une «preuve» est un syllogisme qui produit la science, c'est-à-dire la connaissance certaine. Par exemple, on a la preuve du Théorème de Pythagore. C'est quelque chose d'irréfutable, et tous les gens qui l'examinent avec un peu de soin voient que c'est vrai. De même, «l'évidence», c'est quand on voit immédiatement (avec nos yeux ou avec notre raison) la vérité. Par exemple: mettez votre Gant du philosophe devant vous, et vous allez savoir avec évidence que votre main a cinq doigts. Autre exemple: l'accusé se tient debout devant le jury, puis tranche la gorge de son épouse devant eux. L'avocat de la Couronne peut maintenant se lever et dire: «Mesdames et messieurs du jury, vous avez maintenant l'évidence que l'accusé a tué son épouse».
Recommandations: Bien sûr, les avocats ne risquent pas de changer leur terminologie, mais on peut au moins garder en tête qu'ils devraient plutôt utiliser des termes comme: indice, pièce trouvée sur les lieux du crime, témoignage apparemment digne de confiance, etc. Dans les conversations courantes, on peut aussi remplacer le mot «preuve» par: argument en faveur de, indice, etc.
2.3) «créer»
Exemples: «Le Gouvernement a créé un nouveau comité», ou «Il faudrait créer des solutions pour régler ce problème», etc.
Sens correct: Seul Dieu peut créer, car créer c'est «produire du néant», et il faut une puissance infinie pour produire quelque chose à partir de rien.
Recommandations: Produire, fabriquer, former, assembler, etc. Pour les artistes, on peut écrire un poème, peindre un tableau, etc.
2.4) «ami»
Exemples: «C'est mon ami, on s'est rencontré pour la première fois hier», ou «Mes amis et moi nous étions environ 200 à boire de la bière et à danser», etc.
Sens correct: Strictement parlant, l'amitié est malheureusement rare en ce bas monde. On peut se compter chanceux quand on a ne serait-ce qu'un seul vrai ami. On peut trouver de nombreux passages célèbres sur l'amitié, comme Aristote [Éthique à Nicomaque, Livre 8, chap. 3-8, etc.], ou Montaigne: «ce que nous appelons ordinairement amis et amitiez, ce ne sont qu'accoinctances et familiaritez nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos ames s'entretiennent. En l'amitié dequoy je parle, elles se meslent et confondent l'une en l'autre, d'un melange si universel, qu'elles effacent, et ne retrouvent plus la couture qui les a joinctes.» [les Essais, Livre 1, chap. 28].
Recommandations: en ordre décroissant d'importance, on a copain ou copine, camarade, connaissance, etc.
Bien sûr, le ciel ne nous tombera pas sur la tête si vous dites à la blague: «J'adore le chocolat» (même si on doit adorer Dieu seul), ou si une artiste prétend qu'elle a créé une oeuvre d'art, etc. En politique, on s'occupe de la Loi des grands nombres, pas des singularités aléatoires. De plus, c'est entendu que les dictionnaires vont dire que certains de ces usages «enflés» sont acceptables. En gros, les dictionnaires reflètent comment les gens parlent. Ce n'est pas leur tâche de remarquer les grandes tendances qui peuvent nuire à la société. Cette tâche appartient aux politiciens.
J'ai envie de dire que la cause principale de l'inflation verbale est l'orgueil. J'imagine qu'il y a aussi une part de paresse (on ne veut pas prendre la peine de chercher le bon mot) et d'ignorance (on ne sait pas ce qu'est l'inflation verbale, ni pourquoi il faut l'éviter). Mais je dirais surtout l'orgueil.
Pourquoi parler «d'Enfer» lorsqu'on doit endurer un petit contre-temps, sinon parce qu'on a une idée exagérée de sa propre importance? Pourquoi prétendre qu'on a «créé» quelque chose, sinon pour s'élever au même rang que Dieu? Pourquoi parler de tous nos «amis», sinon pour insinuer que «nous connaître, c'est nous aimer»?
«Vivant... seulement comme un fardeau»
Affiche de propagande Nazi, dans le cadre de la campagne pour éliminer
les «mangeurs inutiles»
(Source)
Les mots peuvent être «gonflés», mais ils peuvent aussi êtres «dégonflés». En d'autres mots, nous pouvons nous servir d'expressions qui veulent dire moins, pour signfier des natures plus élevées. Un exemple célèbre et dégoûtant de cette «désinflation verbale» est l'expression «mangeur inutile», utilisée par les Nazis pour signifier les hommes qu'ils voulaient exterminer.
D'une certaine manière, la manipulation sociale est toujours précédée par la manipulation verbale. Si vous voulez exterminer les personnes handicapées physiquement ou mentalement, vous devez d'abord manipuler la langue pour convaincre les masses. La répétition de l'expression «mangeur inutile» encourage les masses à croire que ces personnes ne sont pas entièrement humaines.
Ces jours-ci, d'autres déflations verbales sont utilisées pour convaincre les masses que certaines catégories d'hommes ne méritent pas de vivre. La plus célèbre est «la grossesse non-désirée», pour parler de l'enfant encore dans le ventre de sa mère. Il y a toute une série de déflations verbales qui tournent autour de cette tentative de déshumaniser les bébés, comme la «IVG» («Interruption Volontaire de Grossesse») à la place de «avortement», ou «pro-choix» plutôt que «pro-avortement», ou «centre de santé reproductive» à la place «d'abattoir pour bébé», etc.
La déflation verbale est-elle pire que l'inflation? Pas nécessairement. Le fait qu'une expression signifie plus ou moins que la réalité qu'on lui fait signifier, est accidentelle. Ce qui rend une manipulation verbale essentiellement pire, n'est pas le détail «mécanique» de la manipulation, mais le but de la manipulation.
D'une certaine manière, la chose la plus importante en ce bas monde est le bonheur des hommes. Or, pour être heureux, il faut posséder non seulement les biens du corps (comme la santé, les vêtements et le logement, etc.), mais aussi les biens de l'âme (comme la science, l'art, la grâce de Dieu, etc.). Une grande partie des biens de l'âme exige l'effort social pour découvrir la vérité, un effort qui ne peut pas réussir sans une «langue bien faite». La langue française (qui est un bien commun) est endommagée par la manipulation verbale (que ce soit l'inflation ou la déflation), et donc de telles manipulations verbales rendent plus difficile l'accès aux biens spirituels dont nous avons tant besoin.
J'ai dû endurer un léger désagrément pour écrire ce texte, dans lequel je présente quelques arguments contre l'inflation et la déflation verbale. Cela en vaut la peine, car je travaille pour le salut éternel des hommes!
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