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Approche délicate et charitable pour corriger un tigre erroné. ;-)
(Alexander Orlowski. Cosaque repoussant un tigre.
[Source])
Condamner une oeuvre mauvaise (que ce soit un site web, ou un livre, ou un film, etc.) est une tâche qui n'est pas facile, mais que doivent savoir faire les chefs religieux. (Bien sûr, les bons philosophes qui défendent les vérités, qu'on peut connaître avec la raison sans la Révélation, ont aussi besoin de cette habileté.)
Chaque cas est différent, mais on peut éviter plusieurs problèmes en respectant les étapes suivantes:
- Énumérer les bons points de l'oeuvre au début
- S'assurer d'avoir bien compris l'auteur
- Donner la chance à l'auteur de corriger son oeuvre
- Citer précisément les erreurs avant de les condamner
- Laisser la porte ouverte à la conversion de l'auteur
Essayons d'expliquer chaque étape.
La vérité est inattaquable et invincible. N'oublions pas que Dieu Tout-Puissant dit qu'il est lui-même la Vérité! Une mauvaise oeuvre contient normalement une part de vrai, qui lui sert de moteur et de blindage. En effet, ce qui attire les gens vers cette mauvaise oeuvre, c'est la part de vérité qu'elle contient, et c'est aussi ce qui protège cette mauvaise oeuvre contre les efforts des chefs religieux.
Une autre manière de dire la même chose est: «Le Diable ne dit jamais rien de complètement faux!» Satan préfère la lèpre:
la lèpre représente la souillure de la doctrine hérétique, soit parce que
l'hérésie est contagieuse comme la lèpre, soit parce qu'il n'est point de
doctrine fausse où ne se mêle quelque élément de vérité, de même que sur la
peau du lépreux il y a une juxtaposition de taches et de parties intègres.
[Ia-IIae, q. 102, a. 5, ad. 4]
Pour enlever le moteur et le blindage d'une oeuvre mauvaise, il faut dès le départ énumérer aussi clairement et complètement que possible les vérités qu'elle contient. Ensuite, il faut montrer que ces vérités ne viennent pas de l'auteur de cette mauvaise oeuvre, mais bien de Jésus, Prince de la Lumière, directement ou indirectement. Comme vous le savez, la Lumière de Jésus peut illuminer les hommes soit directement par la Révélation divine, soit indirectement, par la raison naturelle qui mène à toutes les vérités scientifiques, dont celles de la Philosophie morale.
L'omission de cette première étape mène aux condamnations «en bloc», qui garantissent que l'erreur va continuer à se propager, car elle conserve son moteur, et que l'erreur sera invincible, car elle est blindée de vérités.
Il est difficile d'exprimer des pensées compliquées, et de nombreux malentendus sont possibles. C'est pourquoi le deuxième doigt du Gant du philosophe nous rappelle qu'il faut s'assurer de comprendre comment un auteur définit les termes qu'il utilise. C'est aussi ce que saint Ignace de Loyola nous recommande de faire:
Tout bon chrétien doit être plus prompt à sauver la proposition du prochain
qu'à la condamner. Si l'on ne peut la sauver, qu'on lui demande comment il
la comprend.
[CÉC, N° 2478]
(Veuillez noter que même si un auteur est en fait très fidèle au Magistère, il peut quand même entraîner les gens dans l'erreur à cause d'opinions mal énoncées. Dans un tel cas, il doit être corrigé avec tout autant d'urgence, parce qu'il cause tout autant de tort aux autres que s'il était un hérétique.)
Avant de condamner «à tout jamais», il faut donner la chance à l'auteur de corriger son oeuvre. En effet, peut-être que l'auteur a une bonne intention. Il faut lui signaler ses erreurs, et lui demander de les corriger. Si l'auteur ne les corrige pas, alors on peut présumer qu'il n'agit pas de bonne foi.
Normalement, cette première étape est privée [Summa Theologica, II-II, q. 33, a. 7]. Si, en effet, quelqu'un vous écrase l'orteil dans l'autobus, vous n'allez pas ameuter tout l'autobus en hurlant: «Hé tout le monde, ce monsieur m'écrase l'orteil!» Vous allez plutôt commencer par vous adresser tout bas à cette personne.
L'omission de cette étape peut souvent transformer un auteur maladroit mais bien intentionné, en auteur en colère contre l'Église.
Lorsqu'on condamne un site web ou un livre, il faut citer les phrases qui sont en erreur, de même que des références ou hyperliens pointant vers les sources de ces phrases. Il ne faut pas dire des choses du genre: «C'est mauvais, c'est pourri, c'est bourré de préjugés», etc. Il faut plutôt dire des choses du genre: «Voici tel extrait de l'ouvrage, cité au long, copié de tel site web à telle date. Il contient telle et telle erreur, comme on peut le constater par telle et telle référence à la Bible, ou aux enseignements de l'Église, etc.» Et ensuite il faut répéter cette procédure, point par point, pour chaque erreur.
Personnellement, j'aime «colorier» chaque affirmation de l'auteur, afin de bien lui montrer que j'ai fait l'effort de tout lire ce qu'il a écrit. Voir la description de cette méthode excellente mais laborieuse dans «Le feu de circulation critique».
De plus, puisque bien agir, c'est agir conformément à la raison, il faut conserver un ton serein et rationnel. Il faut éviter de parler des émotions qu'on ressent face à la mauvaise oeuvre, et se concentrer sur les aspects objectifs, concrets, on pourrait presque dire mesurables de l'oeuvre. Ceci veut dire qu'il faut encore plus éviter de parler des émotions négatives qu'on pourrait avoir envers l'auteur de l'oeuvre mauvaise.
L'omission de cette étape cause plusieurs problèmes, le pire étant souvent que le chef religieux qui fait la condamnation ne se donne pas la peine de bien étudier l'oeuvre mauvaise. Ceci détruit généralement la crédibilité de la condamnation.
En tant que chrétiens, tout ce qu'on fait doit être fait par charité. Un chef religieux condamne une oeuvre mauvaise par amour pour son troupeau, pour que ses brebis n'aillent pas s'empoisonner dans des mauvais pâturages (voir, entre autres, [2Tm 2:25]). Mais il ne faut pas oublier que le bon berger cherche toujours la brebis perdue, ce qui dans notre cas signifie l'auteur de l'oeuvre mauvaise.
Ceci ne signifie pas que le chef religieux doit dire à l'auteur des choses du genre de: «Je vais prier pour que Dieu te fasse sortir de ta turpitude, et maintenant hors de ma vue et ne reviens jamais ici!» Le chef religieux doit affirmer son amour pour l'auteur de l'oeuvre (qui n'est que l'amour du Christ pour tous les pécheurs), et sa disponibilité à reprendre la discussion pour «se faire tout à tous, afin d'en sauver quelques-uns.» Bien sûr, ceci ne signifie nullement que le pasteur doit perdre son temps avec un auteur qui n'agit pas de bonne foi, mais que la porte doit rester ouverte.
L'omission de cette étape mène aux condamnations qui font plus de mal que de bien, car elles ne sont pas ancrées dans la charité du Christ.
En conclusion, respecter quelques règles simples permet aux chefs religieux de mieux faire briller la vérité de l'Évangile, en condamnant les mauvaises oeuvres de manière juste, patiente, précise, et charitable.
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