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Les évêques aux yeux des évêques

Nicolas Louis Albert Delerive. Portrait équestre du Duc de Wellington.
(Nicolas Louis Albert Delerive. Portrait équestre du Duc de Wellington. [Source])

Le frère de Monseigneur Ronald Knox, Wilfred (lui-même un prêtre Anglican) a proposé un jour une morale chrétienne en deux volumes, le premier intitulé Le respect pour le clergé, et l'autre, simplement, Les autres vertus.

La proposition pince sans rire de Knox montrait, d'une manière typiquement britannique, jusqu'à quel point il portait légèrement sa propre dignité cléricale; mais la blague supposait au départ un arrière-plan de bienveillance cordiale envers les ecclésiastiques, sur lequel leurs petites manies pouvaient être l'occasion de badinages. Cet arrière-plan n'est plus.

Qu'est-ce qui a changé? Non pas l'attitude des laïcs envers le clergé, mais plutôt l'attitude du clergé envers lui-même. Ayant cessé d'exiger l'honneur les uns des autres, ils ont glissé vers le bas, dans la catégorie des professions douteuses et parasitiques, qui survivent grâce à la désinvolture et au manque de respect pour les bienséances de la classe moyenne.

L'ampleur de l'affaissement de l'honneur personnel m'a frappé récemment, alors que je lisais à propos d'une révolution en sens inverse, dans une autre profession. Le Duc de Wellington est arrivé au pouvoir au moment où le corps des officiers de l'armée britannique était vénal, incompétent, paresseux et corrompu en général. Comme l'historien John Keegan le montre, la réforme du corps des officiers par Wellington n'a pas commencé en l'arrosant de nouveaux titres de dignité, mais en exigeant la probité morale et en faisant des efforts pour qu'elle soit mise en application:

Lorsqu'il apprît, après le siège de Ciudad Rodrigo, que plusieurs [soldats blessés] avaient été laissés sans abri, il fit trente milles après souper pour expulser certains officiers sans coeur de leur logement, afin d'y installer des soldats blessés à leur place. Il fit le même trajet le soir suivant pour s'assurer que ses ordres avaient été respectés, puisqu'ils avaient été reçus «en bougonnant». Lorsqu'il vit qu'ils ne l'avaient pas été, il mit ces officiers aux arrêts, les traîna devant le quartier-général et les fit passer en cour martiale et démettre de leurs fonctions.

En l'espace d'une génération et demi, une nouvelle culture militaire fût mise en place. Les officiers faisaient appliquer entre eux une norme morale plus élevée que celle même que leurs supérieurs exigeaient d'eux, et un code d'honneur non-écrit rendait la discipline officielle en grande partie inutile. La disgrâce morale prit fin, non par une conférence de presse, mais par un pistolet.

Tout comme les militaires, le clergé a ses hauts et ses bas. Il y eut un temps où il était concevable qu'un évêque dirait la vérité -- même à son propre désavantage, et même un temps où un mensonge habile aurait été indétectable. Aujourd'hui un «évêque scrupuleux» semble une contradiction dans les termes. Est-ce parce que les laïcs se sont tournés contre eux? Non, mais parce que les évêques eux-mêmes méprisent leur propre vocation.

Dans une institution fondée sur l'honneur, les disparitions soudaines et inexplicables font partie du paysage. Vous passez une remarque sur telle chaise vide, et on vous répond avec un sourire sombre, «Le Capitain Untel ne nous réjouira plus de sa présence». Le message est clair: nous avons agi, avant que d'autres ne puissent en avoir la chance. Dans une institution corrompue, presque aucun vice ne mérite le renvoi, et l'indignation du groupe se retourne vers les gens qui dénoncent les abus. La fraternité ne réprimande plus ses propres malfaiteurs, mais supplie les gens de l'extérieur d'accorder une amnistie. Une institution honorable insiste sur l'intégrité. Une qui ne l'est pas quémande la «guérison».

De temps en temps les bloggers de Off The Record traitent les clercs impénitents en termes comparables à ... tiens, comparable à des officiers qui déplacent des soldats blessés afin de se mettre à leurs aises. Les évêques, que Dieu les bénisse, sont nos professeurs en ce domaine. Nous pouvons espérer que la réforme va venir, et que dans une génération ou peu s'en fasse, un sens renouvelé de l'honneur reprendra le dessus. Entre temps, nous serons obligés de nous concentrer sur Les autres vertus.

Copyright © 2008 Catholic Culture. Traducteur: SJJ

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