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Le problème du séminariste rigide

Le genre d'officier qui se surpasse en temps de guerre, sombre souvent en temps de paix
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Durant les trente dernières années environ, on a souvent entendu la préoccupation, exprimée par des évêques, des théologiens, des directeurs de grands séminaires et des directeurs de vocation, que plusieurs candidats pour la prêtrise étaient inaptes à cause de leur «rigidité». Pour ces gens, il va sans dire que la rigidité est mauvaise.

Mais supposons que, plutôt que le mot rigidité, on avait substitué le mot ténacité. Immédiatement, on voit que la ténacité peut être une qualité positive, quelque chose que les martyrs et les confesseurs avaient, quelque chose de digne de louanges chez tout fidèle, et éminemment désirable chez un prêtre.

Alors que la rigidité est une sorte de terme ambigu, négativement descriptif de son sujet, la ténacité est incomplète jusqu'à ce qu'on se demande: tenace pour quoi? Dans le contexte d'être disciple du Christ, on veut dire tenace pour les principes, les valeurs, les normes, en bref, tenace pour les vérités de la Foi. Alors comment se fait-il qu'un catholique, qui aurait été félicité parce qu'il était tenace avant, disons, 1945, en est venu à être disqualifié parce que rigide?

Le genre d'officier qui se surpasse en temps de guerre, sombre souvent en temps de paix; se retrouvant derrière un bureau, il n'a pas la suavité, l'affabilité, et l'amour du compromis qui identifient le gestionnaire bureaucrate comme étant digne de promotion. Lorsque ce qui est en jeu n'est plus la victoire sur le champ de bataille, mais les tractations avec les courtisans et les rivaux, le vétéran aguerri transformé en pousseur de crayon semble mal élevé, grossier et parfois contre-productif aux yeux de ses collègues plus diplomates. Depuis le Concile, le clergé catholique dans l'Occident prospère s'est effectivement transformé en armée de temps de paix, préoccupée, non pas avec la lutte contre les menaces contre l'Église, mais occupée à chercher ses aises et à consolider les acquis politiques. Le terme «rigidité» appartient au vocabulaire négatif d'une armée de temps de paix, le terme «ténacité» lui appartient à celui d'une armée de temps de guerre. Les qualités qui ont fait d'Edmund Campion un héros dans l'Angleterre anti-catholique, auraient fait de lui un passif pastoral à Malibu. (Ville située dans la partie nord-ouest du comté de Los Angeles aux USA, version moderne de la Sodome biblique. N. du T.)

Ou, c'est peut être comme ça qu'on a perçu les choses jusqu'à maintenant. Le psychanalyste Karl Stern, un réfugié juif de l'Allemagne Nazi qui s'est converti au catholicisme, a remarqué comment l'expérience des camps de concentration a falsifié plusieurs suppositions de la psychologie de l'avant-guerre. Stern dit que ce sont les catholiques conservateurs, les Témoins de Jéhovah, et les juifs ultra-orthodoxes qui ont enduré le stress extrême sans capituler, sans devenir fou, sans s'écrouler, alors que la bourgeoisie éclairée perdait typiquement toute indépendance et toute intégrité dans le maelström. L'idée de Stern était que ses collègues psychiatres ne se rendaient pas compte jusqu'à quel point leur modèle de santé psychologique était conditionné par le contexte de la vie urbaine de la classe moyenne supérieure en temps de paix. C'est pourquoi les types psychologiques, que les professeurs agnostiques jugeaient «les plus aptes à réussir», se sont écroulés désastreusement dans les camps, alors que des personnes non-adaptatives, bien habituées à la marginalisation grâce à l'adhérence tenace (quelqu'un a-t-il murmuré «rigide»?) aux principes, ont conservé leur équanimité et leur caractère.

L'Église, en Occident, a profité d'un demi-siècle d'années faciles, dans lesquelles l'ordre du jour a été surtout déterminé par des membres du clergé de type «professoral» - des hommes qui s'habillent, qui mangent, qui se divertissent et qui votent de manière impossible à les distinguer de leurs collègues universitaires païens. Ces gens n'ont eu presque aucun prix à payer pour leur catholicisme hautement adaptatif. Il n'est pas surprenant qu'ils soient inquiets de la «rigidité» de leurs subalternes. Il n'est pas surprenant de lire l'abbé Richard McBrien qui déplore une enquête concernant les séminaristes qui dit que «plusieurs étudiants résistent à "l'entreprise de l'apprentissage" parce qu'elle menace "leurs idées préconçues concernant la théologie"». Mais, à quelques rares exceptions, c'est le corps professoral, pas les étudiants, qui se sent menacé, et la source de cette menace n'est pas l'inflexibilité des idées des étudiants concernant la théologie (indiquant la rigidité), mais leur adhésion obstinée à la doctrine catholique (indiquant la ténacité). Ce ne sont pas des petits jeunes de 18 ans qui sortent tout naïfs d'une fraternité d'école secondaire des années 1950; au contraire, ce sont des diplômés universitaires, parfois des convertis, avec l'expérience personnelle de la vacuité des promesses du monde païen, qui ont décidé d'aligner leur vie avec les enseignements catholiques. Quelle que soit leur maturité ou naïveté théologique, ils savent ce à quoi ils disent Non.

Nous devons admettre que certains de ces séminaristes, par tempérament, sont trop tendus et ne peuvent pas gérer le conflit. Je ne dirais pas qu'ils sont rigides, mais cassants. Plusieurs sont conservateurs, mais plusieurs ne le sont pas: être cassant est une caractéristique de son patrimoine psychologique, pas de ses convictions. Peu remettraient en question l'affirmation que les candidats cassants sont inaptes au sacerdoce. Mais la plupart des hommes dénigrés comme étant rigides se sont vus attribuer cette étiquette parce qu'ils ont refusé de se joindre à leurs professeurs et leurs supérieurs dans les compromis qui leur ont garanti une vie aussi confortable - peut-être la vie la plus confortable de toute l'histoire du clergé catholique. Comme le langage grossier de l'ancien combattant, le caractère intraitable du catholique doctrinalement tenace est autant une cause d'embarras qu'une menace pour les adeptes des compromis. Et tout comme les psychiatres universitaires qui ont évalué la santé mentale par la capacité de s'adapter à leur propre environnement bourgeois, ainsi les directeurs des séminaires ont évalué «l'aptitude au sacerdoce» par les normes du succès en usage dans le bar-salon des professeurs, dans le vestibule de la salle de cinéma, dans la réception à l'ambassade. Le Bienheureux Rupert Mayer a tenu son bout dans KZ Sachsenhausen, mais il ne passerait pas à Georgetown Law (Le premier est un camp de concentration Nazi. Le deuxième est une faculté de droit aux USA appartenant aux Jésuites, célèbre pour son peu de fidélité aux enseignements de l'Église. N. du T.).

Mais nous préparons les hommes contemporains pour un ministère contemporain, pourrait-on nous objecter, et Malibu n'est pas Dachau. C'est vrai. Mais Dachau n'était pas Dachau avant 1933, juste une banlieue tranquille de Munich. Les temps changent. Et les temps sont en train de changer. La haine contre le christianisme a-t-elle diminuée durant les vingt dernières années, ou s'est-elle amplifiée? Le monde séculier a-t-il plus d'affection pour la doctrine catholique, ou moins? Vos petits-enfants vont-ils avoir plus de facilité à vivre leur Foi, ou plus de difficulté? Ayant répondu à ces questions, demandez-vous quelle qualité est plus nécessaire pour les prêtres qui vont s'occuper de vos petits-enfants - la tolérance, ou la ténacité?

Copyright © 2005 Catholic Culture. Traducteur: SJJ

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