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«Donne-moi un bisou, mon amour, ton mari n'est pas là!
Et en plus, il n'a jamais lu la
IIa-IIae,
q. 108, a. 1!»
(Jean-Auguste-Dominique Ingres. Paolo et Francesca.
Source)
Quand j'étais petit, un jour mon père Stanley Louis Jetchick a dit en passant: «Ah! La bonne vieille vertu chrétienne de la vengeance!» Je me souviens d'avoir bien ri. «Sapré Papa, quel sens de l'humour il a!», me suis-je dit. Quelle ne fût donc pas ma surprise quand, plusieurs décennies plus tard, je me suis aperçu qu'il ne blaguait pas!
Voici le texte de saint Thomas d'Aquin, avec traduction en québécois en regard:
Utrum vindicatio sit licita? |
La vengeance est-elle licite? |
Ad primum sic proceditur. Videtur quod vindicatio non sit licita. Quicumque enim usurpat sibi quod Dei est, peccat. Sed vindicta pertinet ad Deum, dicitur enim Deut. XXXII, secundum aliam litteram, mihi vindictam, et ego retribuam. Ergo omnis vindicatio est illicita. |
«Tséveudire, mon pote, la vengeance appartient à Dieu seul.» |
Praeterea, ille de quo vindicta sumitur, non toleratur. Sed mali sunt tolerandi, quia super illud Cant. II, sicut lilium inter spinas, dicit Glossa, non fuit bonus qui malos tolerare non potuit. Ergo vindicta non est sumenda de malis. |
«En plus, tséveudire, Jésus dit de laisser l'ivraie pousser avec le bon grain. [Prenant une longue bouffée de son joint] Jésus était tolérant, lui!» |
Praeterea, vindicta per poenas fit, ex quibus causatur timor servilis. Sed lex nova non est lex timoris, sed amoris, ut Augustinus dicit, contra Adamantum. Ergo, ad minus in novo testamento, vindicta fieri non debet. |
«Pis même saint Augustin dit que la loi nouvelle n'est pas une loi de crainte, mais une loi d'amour!» |
Praeterea, ille dicitur se vindicare qui iniurias suas ulciscitur. Sed, ut videtur, non licet etiam iudici in se delinquentes punire, dicit enim Chrysostomus, super Matth., discamus exemplo Christi nostras iniurias magnanimiter sustinere, Dei autem iniurias nec usque ad auditum sufferre. Ergo vindicatio videtur esse illicita. |
«Pis regarde l'exemple de Jésus qui tend l'autre joue, sans se venger!» |
Praeterea, peccatum multitudinis magis est nocivum quam peccatum unius tantum, dicitur enim Eccli. XXVI, a tribus timuit cor meum, zelaturam civitatis, et collectionem populi. Sed de peccato multitudinis non est vindicta sumenda, quia super illud Matth. XIII, sinite utraque crescere, ne forte eradicetis triticum, dicit Glossa quod multitudo non est excommunicanda, nec princeps. Ergo nec alia vindicatio est licita. |
«Quand même, té pas pour excommunier tout le peuple québécois!» |
Sed contra, |
Au contraire, |
nihil est expectandum a Deo nisi quod est bonum et licitum. Sed vindicta de hostibus est expectanda a Deo, dicitur enim Luc. XVIII, Deus non faciet vindictam electorum suorum clamantium ad se die ac nocte? Quasi diceret, immo faciet. Ergo vindicatio non est per se mala et illicita. |
«Et Dieu ne vengerait pas ses élus qui crient vers lui jour et nuit?» [Lc 18:7] |
Respondeo dicendum |
Attache ta tuque avec de la broche à foin, mon fils, parce que «mononcle» Thomas va maintenant mettre le champignon au plancher |
quod vindicatio fit per aliquod poenale malum
inflictum peccanti. Est ergo in vindicatione considerandus vindicantis
animus. Si enim eius intentio feratur principaliter in malum illius de
quo vindictam sumit, et ibi quiescat, est omnino illicitum, quia
delectari in malo alterius pertinet ad odium, quod caritati repugnat, qua
omnes homines debemus diligere. Nec aliquis excusatur si malum intendat
illius qui sibi iniuste intulit malum, sicut non excusatur aliquis per
hoc quod odit se odientem. Non enim debet homo in alium peccare, propter
hoc quod ille peccavit prius in ipsum, hoc enim est vinci a malo, quod
apostolus prohibet, Rom. XII, dicens, noli vinci a malo, sed vince in
bono malum.
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La vengeance se réalise par un mal de peine infligé au pécheur. Il faut
donc considérer l'intention de celui qui l'exerce. Car si son intention
se porte principalement sur le mal de celui dont il se venge, et
s'attarde sur ce mal, c'est absolument illicite, parce que se réjouir du
mal d'autrui relève de la haine, opposée à la charité dont nous devons
chérir tous les
hommes.
Et ce n'est pas une excuse que de vouloir du mal
à celui qui nous en a causé injustement, de même qu'on n'est pas excusé
de haïr ceux qui nous haïssent. Un homme ne doit jamais pécher contre un
autre sous prétexte que celui-ci a commencé de pécher contre lui, car
c'est là se laisser vaincre par le mal, ce que l'Apôtre nous interdit (Rm
12, 21): «Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais triomphe du mal en
faisant le bien.»
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Ad |
Réponses aux objections |
Ad primum ergo dicendum quod ille qui secundum gradum sui ordinis vindictam exercet in malos, non usurpat sibi quod Dei est, sed utitur potestate sibi divinitus concessa, dicitur enim Rom. XIII, de principe terreno, quod Dei minister est, vindex in iram ei qui male agit. Si autem praeter ordinem divinae institutionis aliquis vindictam exerceat, usurpat sibi quod Dei est, et ideo peccat. |
Celui qui, selon sa condition et son rang, exerce la vengeance contre les méchants, n'usurpe pas ce que Dieu s'est réservé, mais use d'un pouvoir que Dieu lui a concédé, comme il est dit du prince, dans l'épître aux Romains (13, 4), «qu'il est le ministre de Dieu pour tirer vengeance de celui qui fait le mal.» Mais exercer la vengeance en dehors de l'ordre établi par Dieu serait usurpation sur ses droits, et donc péché. |
Ad secundum dicendum quod mali tolerantur a bonis in hoc quod ab eis proprias iniurias patienter sustinent, secundum quod oportet, non autem tolerant eos ut sustineant iniurias Dei et proximorum. Dicit enim Chrysostomus, super Matth., in propriis iniuriis esse quempiam patientem, laudabile est, iniurias autem Dei dissimulare nimis est impium. |
Les bons tolèrent les méchants en ce sens qu'ils supportent patiemment les offenses qui les atteignent personnellement, autant qu'il le faut; mais cela ne signifie pas qu'ils doivent agir de même pour celles qui sont faites à Dieu ou au prochain. «La patience à supporter les offenses qui s'adressent à nous, dit S. Chrysostome, c'est de la vertu; mais rester insensible à celles qui s'adressent à Dieu, c'est le comble de l'impiété.» |
Ad tertium dicendum quod lex Evangelii est lex amoris. Ideo illis qui ex amore bonum operantur, qui soli proprie ad Evangelium pertinent, non est timor incutiendus per poenas, sed solum illis qui ex amore non moventur ad bonum, qui, etsi numero sint de Ecclesia, non tamen merito. |
La loi évangélique est une loi d'amour. C'est pourquoi ceux qui font le bien par amour, les seuls d'ailleurs qui appartiennent vraiment à l'Évangile, ne doivent pas être terrorisés par des menaces qu'il faut réserver à ceux que l'amour ne pousse pas à bien agir. Ces derniers ont beau être comptés parmi les fidèles, ils n'en sont pas par le mérite. |
Ad quartum dicendum quod iniuria quae infertur personae alicui quandoque redundat in Deum et in Ecclesiam, et tunc debet aliquis propriam iniuriam ulcisci. Sicut patet de Elia, qui fecit ignem descendere super eos qui venerant ad ipsum capiendum, ut legitur IV Reg. I. Et similiter Elisaeus maledixit pueris eum irridentibus, ut habetur IV Reg. II. Et Silvester Papa excommunicavit eos qui eum in exilium miserunt, ut habetur XXIII, qu. IV. Inquantum vero iniuria in aliquem illata ad eius personam pertinet, debet eam tolerare patienter, si expediat. Huiusmodi enim praecepta patientiae intelligenda sunt secundum praeparationem animi, ut Augustinus dicit, in libro de Serm. Dom. in monte. |
Il peut arriver que l'offense faite à une personne rejaillisse sur Dieu et l'Église; cette personne doit alors venger l'injure qui lui est faite. C'est ainsi qu'Élie fit descendre le feu du ciel sur ceux qui venaient l'arrêter (2 R 1, 9 s.), qu'Élisée maudit les enfants qui se moquaient de lui (2 R 2, 23), et que le pape Silvestre excommunia ceux qui l'avaient condamné à l'exil. Mais dans la mesure où l'offense est purement personnelle, il faut la supporter avec patience, à moins d'avoir des raisons d'agir différemment. Car ces préceptes de patience doivent s'entendre en ce sens qu'il faut avoir l'âme prête à les observer quand les circonstances l'exigent, comme l'explique S. Augustin. |
Ad quintum dicendum quod quando tota multitudo peccat, est de ea vindicta
sumenda vel quantum ad totam multitudinem, sicut Aegyptii submersi sunt
in mari rubro persequentes filios Israel, ut habetur Exod. XIV, et sicut
Sodomitae universaliter perierunt, vel quantum ad magnam multitudinis
partem, sicut patet Exod. XXXII, in poena eorum qui vitulum adoraverunt.
Quandoque vero, si speretur multorum correctio, debet severitas vindictae
exerceri in aliquos paucos principaliores, quibus punitis ceteri
terreantur, sicut dominus, Num. XXV, mandavit suspendi principes populi
pro peccato multitudinis.
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Quand la multitude tout entière a péché, la vengeance doit s'exercer,
soit sur la totalité, comme il advint à l'armée de Pharaon engloutie dans
la mer Rouge (Ex 14, 22), et de tous les habitants de Sodome, soit sur
une partie notable, ainsi que fut punie l'adoration du veau d'or (Ex 32,
27). - D'autres fois, lorsqu'on peut espérer qu'un grand nombre viendront
au repentir, la vengeance tombera sur quelques-uns des principaux
coupables dont le châtiment effraiera les autres, comme nous le lisons
dans les Nombres (25, 4) où Dieu ordonne de pendre les chefs pour le
péché de la foule.
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