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La Légion du Christ et son fondateur

P. Marcial Maciel Degollado
P. Marcial Maciel Degollado (Source)

Que savons-nous des écarts de conduite du P. Marcial Maciel Degollado, fondateur décédé de la Légion du Christ? En termes stricts: rien. C'est en partie la faute du Saint-Siège, dont le communiqué de 2006 ne spécifiait pas les torts en réponse auxquels il avait «invité» Maciel à «une vie réservée de prière et de pénitence». C'est en partie la faute de la Légion du Christ, qui émet des affirmations à propos de Maciel, tout en dissimulant les éléments de preuve sur lesquels ces affirmations s'appuient. À la place de données vérifiables publiquement -- comme des documents vérifiables et des témoignages signés -- nous avons des déclarations fuyantes et ambiguës fondées sur des enquêtes confidentielles informelles. Ceci n'est pas de la connaissance.

Au début de février, le porte-parole de la Légion, le P. Paolo Scarafoni, a déclaré que Maciel était le progéniteur d'une fille illégitime, maintenant dans la vingtaine. L'article de CNS rapporte: «Lorsque on a demandé comment les Légionnaires l'avait découverte, le Père Scarafoni a dit: «Franchement, je ne peux pas le dire et ce n'est pas opportun d'en discuter plus, aussi parce qu'il y a des gens impliqués, dont il faut respecter la vie privée».» Ceci est une fausseté transparente. En réalité, Scarafoni était en train de dire: «Franchement, je ne peux pas être franc à ce sujet». Le clergé catholique est entiché de cette propension au mensonge tactique (pensez à la prétention du Général des Jésuites selon laquelle il n'y avait pas de conflit entre la Société et le Saint-Siège); ce genre de déclaration a l'intention d'être crédible, mais sert en quelque sorte de pancarte d'«entrée interdite», avertissant les étrangers que les questions subséquentes sur ce sujet ne seront pas tolérées. Étant donné que nous ne savons pas, et que nous ne pouvons pas savoir, si oui ou non la paternité de Maciel est mieux fondée que toute autre affirmation que la Légion a faite à son sujet, néanmoins, les remarques qui suivent vont présumer que cet aveu minimal est vrai.

Maciel mérite d'être honni par les Légionnaires du Christ. Par «mérite», je veux dire qu'honnir Maciel est une dette de justice qui est due, à tous les catholiques, par la Légion. Ceci n'est pas fondé sur le péché de faiblesse sexuelle de Maciel, ni même fondé sur le péché de nier sa faiblesse sexuelle. Le fait central est que Maciel a été publiquement accusé de crimes sexuels spécifiques et que, par couardise morale personnelle, il a enrôlé des virs et des femmes pour qu'ils hypothèquent leurs propres réputations afin de défendre son mensonge. Ce mensonge était le mensonge de la sainteté personnelle de Maciel, que Maciel savait être un mythe, et pour lequel le fait de son enfant bâtard (laissant de côté pour l'instant les accusations plus sordides) prouve qu'il le savait. À la traîtrise de sacrifier les réputations des autres, Maciel a ajouté la prétention grotesque et blasphématoire que les sanctions du Saint-Siège étaient une réponse à sa prière d'approfondir sa participation à la Passion du Christ, en tant que victime innocente à qui on fait porter le fardeau d'un jugement inique, en réparation pour les péchés de l'humanité. La Légion ne peut pas avoir la vénération catholique pour la Passion, tout en ne répudiant pas le cynisme de Maciel se décrivant comme le Serviteur Souffrant.

Néanmoins les chefs de la Légion persistent à attribuer à Maciel un rôle (quelque peu terni) honorable: faisant son éloge avec de vagues condamnations, et suggérant que son patrimoine spirituel demeure valable malgré sa vie personnelle. Ceci ne marchera pas.

Plusieurs des plus grands saints étaient des pécheurs repentants. Néanmoins, non seulement Maciel (pour autant qu'on le sache) est-il mort sans repentir, mais il a utilisé une saine spiritualité chrétienne en tant qu'outil pour tromper les autres. Pensez à la taupe soviétique Kim Philby: pendant qu'il travaillait au Ministère des affaires étrangères du Royaume-Uni, son patriotisme éloquant a pu inspirer, à ceux qu'il a trompé, un plus grand amour de la patrie. Néanmoins, une fois démasqué comme espion, et après que son patriotisme se soit révélé une distraction artificielle à sa réelle trahison, même ceux qui furent élevés à une loyauté sincère par ses discours, ne continueraient pas à s'en alimenter. Et notez-le: les paroles patriotiques de Philby provoqueraient autant plus de honte et de dégoût précisément aux gens qui les avaient trouvées plus véridiques.

Ou considérez le cas d'une femme à qui le mari a ingénieusement caché les infidélités pendant plusieurs années. Une fois qu'elle se serait rendue compte qu'elle avait été trompée, les cadeaux qu'il lui rapportait de ses voyages d'affaires seraient perçus comme des instruments de cette tromperie. Loin de chérir les bijoux venant de lui, elle aurait maintenant l'impression que ces diamants se gaussent de l'affection et de la fidélité qu'ils symbolisaient. De la même manière, les discours de Maciel resteront spirituellement kascher -- il était après tout un trompeur très habile. Mais ces discours déshonorent cela même qu'ils expliquent, et il est impossible que ces discours causent autre chose que la détresse et la confusion chez ceux qui continuent à s'en alimenter.

J'insiste: le fait qu'il était un prêtre imparfait n'est pas la raison pour répudier Maciel. Le prêtre-protagoniste du roman de Graham Greene intitulé Le pouvoir et la gloire était affaibli par la sensualité et l'alcoolisme, et il était haï par ceux qu'il servait; néanmoins, à cause de sa préoccupation pour les âmes, il est resté sur la brèche et est mort martyr. Maciel présente l'image de Greene, mais inversée: il était un prêtre mexicain avec une réputation de sainteté cultivée internationalement. Il vivait entouré et choyé par ses admirateurs, mais néanmoins en réalité il avait si peu d'estime pour la rétribution divine, qu'il s'est rendu jusqu'à son lit de mort sans détromper ceux qu'il avait mystifié, laissant derrière lui des gens à la conscience fracassée et la foi vacillante.

Lorsque je parle du devoir d'honnir pour la Légion, je ne dis pas qu'ils devraient émettre autant de pages de dénonciations rhétoriques des iniquités sexuelles de Maciel. Ce qu'il faut, c'est l'admission sans ambiguïté que Maciel a, avec fourberie, utilisé des choses saintes et des mots saints pour tromper des personnes honnêtes et pieuses -- parfois en calomniant les autres au passage -- afin de renforcer la légende de sa propre sainteté. Puisque la trahison de Maciel était sacrilège dans ses moyens et ses effets, il devrait être posthumeusement honni en tant que modèle pour le sacerdoce et la vie chrétienne.

Ce qui est dit ci-haut est fondé sur l'hypothèse minimaliste que l'engendrement d'une fille bâtarde est la seule faute dont on peut l'accuser. Néanmoins on l'accusait de péchés bien plus graves, incluant le péché d'absolutio complicis -- c'est-à-dire d'absoudre sacramentellement son propre partenaire de délit sexuel. Les chefs de la Légion soutiennent une improbable ignorance englobante des méfaits de Maciel, mais même s'ils ne sont pas au courant de la culpabilité de Maciel dans ce domaine, ils doivent sûrement comprendre que l'abus du sacrement de Confession déplace le débat, concernant le sacerdoce de Maciel, à un niveau tout différent de celui d'un échec de continence sexuelle. Il est vrai que nous ne nous attendons pas que Newsweek ou NPR (Radio Publique Nationale, N. du T.) mettent l'accent sur la gravité d'abuser d'un sacrement, parce que pour eux les sacrements ne sont que des cérémonies. Mais on s'attendrait que des prêtres catholiques orthodoxes saisissent l'importance de l'accusation. Sachant ce qu'ils savent maintenant de la délinquance sexuelle de Maciel, la Légion peut-elle faire fi des accusations de l'abus du confessional? Et s'ils ne peuvent pas en faire fi d'emblée, comment peuvent-il omettre d'en parler, même indirectement, dans leurs déclarations? Comment peuvent-ils continuer leurs ritournelles publiques sur son «sacerdoce déficient» sans la certitude -- la certitude -- qu'il n'y a pas là, à quelque part, des âmes qui ont besoin d'aide sacramentelle concrète, des âmes dont l'accès aux sacrements a peut-être été bloqué par l'infamie de Maciel?

Les divulgations sporadiques et partielles des chefs de la Légion augmentent plutôt que de diminuer les spéculations générales concernant l'étendue des crimes de Maciel. Aujourd'hui et pour l'avenir prévisible, ces divulgations sont du genre «la moitié des mensonges qu'ils racontent à mon sujet sont faux». Et ils n'ont qu'eux-mêmes à blâmer. Alors que saint Augustin a dit: «Dieu n'a pas besoin de mon mensonge», l'apparatchik de la Légion semble fonder sa stratégie de révélations au compte-gouttes sur la croyance inverse: «Dieu a besoin de nos menteries, et des vôtres aussi».

Mais que devons-nous comprendre des Légionnaires qui ne sont pas des supérieurs et qui sont encore liés par voeu d'obéissance à ceux qui le sont? Sont-ils complices dans les actions de leurs supérieurs simplement en restant liés par leurs voeux? Si Maciel a de vraies victimes dont les besoins spirituels urgents sont ignorés ou rejetés par les chefs, les Légionnaires qui voudraient combler ces besoins peuvent-ils le faire de leur propre chef? Sinon, que ferait un homme honnête, et comment le Saint-Siège pourrait-il rendre possible qu'il agisse en conformité avec une conscience bien formée, tout en restant un religieux en règle? Plusieurs personnes de bonne volonté, associées avec la Légion et Regnum Christi, ont fait des appels pour des prières pour les victimes de Maciel. Ceci est tout-à-fait approprié. Mais si vous étiez une victime de Maciel, et que vous aviez été dénoncé comme calomniateur pour l'avoir accusé, et que cette dénonciation n'avait jamais été retirée, vous sentiriez-vous spirituellement transportés par la promesse de prières à votre intention?

Copyright © 2009 Catholic Culture. Traducteur: SJJ

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