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Nous dirons leur nature, leurs dangers, leurs remèdes.
§600. A) Leur nature. a) Les fausses amitiés sont celles qui sont fondées sur des qualités sensibles ou frivoles, en vue de jouir de la présence et des agréments de la personne aimée. C'est donc au fond une sorte d'égoïsme déguisé, puisqu'on aime quelqu'un à cause du plaisir qu'on trouve en sa compagnie. Sans doute on est prêt à lui rendre service, mais c'est en vue du plaisir qu'on éprouve à se l'attacher davantage.
b) S. François de Sales en distingue de trois sortes: les amitiés charnelles, qui recherchent les plaisirs voluptueux; les amitiés sensuelles, qui s'attachent principalement aux qualités extérieures et sensibles, «comme le plaisir de voir la beauté, d'ouyr une douce voix, de toucher, et semblables» [°350]; les amitiés frivoles, basées sur certaines qualités vaines que les faibles esprits appellent vertus et perfections, comme de bien danser, de bien jouer, de bien chanter, de se bien habiller, de sourire agréablement, d'avoir une physionomie aimable.
§601. c) Ces sortes d'amitiés commencent généralement à l'âge de puberté; elles naissent du besoin instinctif qu'on éprouve alors d'aimer et d'être aimé. Souvent c'est une sorte de déviation de l'amour sexuel: en dehors des communautés, ces amitiés se forment entre jeunes gens et jeunes filles, et, lorsqu'elles vont trop loin, portent le nom d'amourettes [°351]. Dans les communautés fermées, elles existent entre personnes du même sexe et s'appellent amitiés particulières. Elles se prolongent parfois jusqu'à un âge plus avancé; ainsi des hommes éprouveront des affections sensibles à l'égard de jeunes gens qui ont une physionomie jeune et attrayante, un caractère ouvert, des manières aimables.
§602. d) Les signes caractéristiques auxquels on reconnaît les amitiés sensibles se tirent de leur origine, de leur développement, de leurs effets.
1) Au point de vue de leur origine, elles commencent soudainement et fortement parce qu'elles résultent d'une sympathie naturelle et instinctive; elles sont basées sur des qualités extérieures et brillantes, ou du moins qui paraissent telles; elles sont accompagnées d'émotions vives, parfois passionnées.
2) Dans leur développement, elles s'alimentent par des conversations parfois insignifiantes mais affectueuses, parfois trop intimes et dangereuses; par des regards fréquents, qui, dans certaines communautés, suppléent aux conversations particulières; par des caresses, des serrements de main expressifs, etc.
3) Quant à leurs effets, elles sont empressées, absorbantes et exclusives; on s'imagine qu'elles seront éternelles; mais une séparation suivie d'autres attachements, y met souvent une fin assez brusque.
§603. B) Les dangers de ces sortes d'amitiés sont évidents.
a) C'est un des plus grands obstacles au progrès spirituel. Dieu, qui ne veut pas d'un coeur partagé, commence par faire des reproches intérieurs, et, si on n'écoute pas sa voix, se retire peu à peu de l'âme, la prive de lumière et de consolations intérieures. Au fur et à mesure que les attaches grandissent, on perd le recueillement intérieur, la paix de l'âme, le goût des exercices spirituels et du travail.
b) De là des pertes de temps considérables: la pensée se porte trop souvent vers l'ami absent, et empêche l'application de l'esprit et du coeur aux choses sérieuses et à la piété.
c) Tout cela finit par dégoûter, décourager; la sensibilité prend le dessus sur la volonté qui devient faible et languissante.
d) C'est alors que surgissent des dangers au point de vue de la pureté. On voudrait bien se maintenir dans les limites de l'honnêteté; mais on s'imagine que l'amitié confère certains droits, et on se permet des familiarités de plus en plus suspectes. Or la pente est glissante, et celui qui s'expose au péril finit y succomber.
§604. Le remède, c'est de combattre ces fausses amitiés dès le début, vigoureusement et par des moyens positifs.
a) Dès le début: c'est plus facile alors, parce que le coeur n'est pas encore profondément attaché; avec quelques efforts énergiques, on en vient à bout, surtout si on a le courage d'en parler à son confesseur et de s'accuser des moindres défaillances. Si on attend, le détachement sera beaucoup plus laborieux [°352].
b) Mais, pour triompher, il faut des mesures radicales: «Taillez, tranchez, rompez; il ne faut pas s'arrêter à découdre ces folles amitiés, il les faut déchirer; il n'en faut pas dénouer les liaisons, il les faut rompre ou couper» [°353]. Ainsi, il faut éviter non seulement de rechercher celui qu'on aime de la sorte, mais éviter même de penser volontairement à lui; et si on ne peut éviter d'être quelquefois avec lui, qu'on le traite avec politesse et charité, mais sans jamais lui faire de confidences ou lui donner des marques spéciales d'affection.
c) Pour y mieux réussir, on emploie des moyens positifs; on s'absorbe aussi activement que possible dans la pratique de ses devoirs d'état; et quand, malgré tout, se présente à l'esprit la pensée de celui qu'on aime, on en profite pour faire un acte d'amour envers Notre Seigneur, en disant par exemple: «C'est vous seul, ô Jésus, que je veux aimer, unus est dilectus meus, unus est sponsus meus in aeternum». Par là on profite de la tentation elle-même pour aimer davantage Celui qui seul mérite de fixer notre coeur.
§605. Il arrive parfois que dans nos amitiés il y a un mélange de naturel et de surnaturel. On veut réellement le bien surnaturel de son ami, mais en même temps, on désire jouir de sa présence, de sa conversation, et on souffre trop de son absence. C'est ce que décrit fort bien S. François de Sales [°354]: «On commence par l'amour vertueux, mais si on n'est fort sage, l'amour frivole s'y mêlera, puis l'amour sensuel, puis l'amour charnel; ouy, même il y a danger en l'amour spirituel, si on n'est fort sur sa garde, bien qu'en cestuy-ci il soit plus difficile de prendre le change, parce que sa pureté et blancheur rendent plus connaissables les souillures que Satan y veut mesler; c'est pourquoi quand il l'entreprend, il fait cela plus finement, et essaye de glisser les impuretés presque insensiblement».
§606. Ici encore il faut donc surveiller son coeur et prendre des moyens efficaces pour ne pas glisser sur la pente dangereuse.
a) Si c'est l'élément surnaturel qui domine, on peut conserver et entretenir cette amitié en l'épurant. Pour cela, il faut tout d'abord se sevrer de ce qui favorise l'élément trop sensible, conversations fréquentes et affectueuses, familiarités, etc.; il faut de temps en temps se priver d'une rencontre, qui serait d'ailleurs légitime, et savoir abréger une conversation qui cesse d'être utile. Par là on acquiert une certaine maîtrise sur sa sensibilité, et on évite les écarts dangereux.
b) Si c'est l'élément sensible qui prédomine, il faut, pendant un temps notable, renoncer à toute relation particulière avec cet ami, en dehors des rencontres nécessaires; et, en ces rencontres, supprimer toute parole affectueuse. On laisse ainsi la sensibilité se refroidir, et on attend, pour reprendre les relations, que le calme règne dans l'âme. Les relations nouvelles prennent alors un tout autre caractère; s'il en était autrement, il les faudrait supprimer pour toujours.
c) En toute hypothèse, il faut profiter de ces constatations pour fortifier son amour pour Jésus, protester qu'on ne veut aimer qu'en lui et pour lui, et relire souvent les deux chapitres VII et VIII du second livre de l'Imitation de Notre Seigneur. C'est ainsi que les tentations nous sont une occasion de victoire.
§607. Les relations professionnelles sont un moyen de sanctification ou un obstacle au progrès selon la manière dont on envisage et accomplit ses devoirs d'état. Au fond les devoirs que nous impose notre profession sont en soi conformes à la volonté de Dieu; si nous les accomplissons comme tels, avec l'intention d'obéir à Dieu, et de nous régler selon les lois de la prudence, de la justice et de la charité, ils contribuent à nous sanctifier [°356]. Si, au contraire, nous n'avons d'autre but, en nos relations professionnelles, que de nous procurer des honneurs et des richesses, au mépris des lois de la conscience, ces relations deviennent une source de péché et de scandale.
A) Le premier devoir c'est donc d'accepter la profession où la Providence nous a conduits comme l'expression de la volonté de Dieu sur nous, et d'y persévérer, tant que nous n'avons pas de raisons légitimes d'en changer. Dieu a voulu en effet qu'il y eût différents arts et métiers, différentes professions, et, si on se trouve en l'une d'elles par une série d'événements providentiels, on peut croire que c'est là pour nous la volonté de Dieu. Nous exceptons le cas où, pour des raisons sages et légitimes, nous croyons devoir changer de situation; tout ce qui est conforme à la droite raison rentre en effet dans le plan providentiel. Ainsi donc qu'on soit patron ou ouvrier, industriel ou commerçant, agriculteur ou financier, le devoir c'est d'exercer sa profession pour se soumettre à la volonté divine, et de le faire selon les règles de la justice, de l'équité et de la charité. Alors rien n'empêche de sanctifier chacune de ses actions en les rapportant à la fin dernière; ce qui n'exclut nullement le but secondaire de gagner l'argent nécessaire à sa subsistance et à celle de sa famille. En fait, il y a eu des Saints dans toutes les conditions.
§608. B) Mais, comme les multiples occupations et relations sont de leur nature absorbantes, et tendent ainsi à écarter notre pensée de Dieu, il est nécessaire de faire des efforts souvent renouvelés pour offrir à Dieu et surnaturaliser des actions qui sont profanes de leur nature, comme nous l'avons indiqué plus haut [§248].
§609. C). De plus, comme nous vivons dans un monde peu honnête, où l'on se dispute avec âpreté les honneurs et les gains, sans souci des lois de l'équité, il importe de se rappeler qu'il faut avant tout chercher le royaume de Dieu et sa justice, en n'employant pour arriver à ses fins que des moyens légitimes. Le meilleur critère pour discerner ce qui est permis et ce qui ne l'est pas, c'est de voir comment se comportent les hommes honorables et chrétiens de la même profession: qui sans boulverser certains usages reçus, au risque d'imposer à soi-même et aux autres des pertes considérables, demeurent pourtant très attentifs aux exigences de la conscience chrétienne et aux directives de l'Église, alors même qu'elles pourraient heurter quelques-uns de leurs intérêts [°357]. Par contre, il faut bien se garder d'imiter les pratiques et les conseils des commerçants ou industriels dépourvus de conscience qui veulent s'enrichir à tout prix, même au détriment de la justice: la malhonnêteté de ces derniers, leurs succès ne justifient point l'emploi des moyens illicites: il faut chercher avant tout le royaume de Dieu et sa justice; tout le reste viendra par surcroît: «Quaerite autem primum regnum Dei et iustitiam eius, et haec omnia adicientur vobis» [Mt 6:33]. Un chrétien qui les imiterait serait une cause de scandale.
§610. D) Les devoirs professionnels, ainsi entendus et pratiqués, contribuent beaucoup à notre progrès spirituel. Ce sont eux en effet qui composent la trame de nos journées, et Notre Seigneur nous a montré, par son exemple, que les occupations les plus communes, comme le travail manuel, peuvent contribuer à la fois à notre sanctification personnelle et au salut de nos frères. Si donc un ouvrier ou un homme d'affaires observe les règles de la prudence, de la justice, de la force, de la tempérance, de l'équité et de la charité, il a chaque jour de multiples occasions de pratiquer toutes les vertus chrétiennes, d'acquérir de nombreux mérites, et, s'il le veut, d'édifier ses frères et de les aider, par ses exemples et ses conseils, à faire leur salut. C'est ce qu'ont fait dans le passé et ce que font dans le présent des pères et mères de famille, des patrons et des ouvriers, des jeunes gens et des hommes mûrs, qui, par la façon dont ils travaillent et traitent les affaires, font estimer la religion qu'ils pratiquent, et usent ensuite de leur influence pour exercer l'apostolat.
§611. Que les oeuvres d'apostolat puissent et doivent être pour nous un moyen de sanctification, c'est ce que l'on comprend aisément. Et cependant il en est qui y trouvent indirectement une source de dissipation, d'affaiblissement spirituel, et même des occasions de péché et une source de damnation. Qu'on se rappelle la parole d'un homme d'oeuvres disant à Dom Chautard: «C'est le dévouement qui m'a perdu» [°359]. Il en est en effet qui se laissent tellement absorber par les oeuvres extérieures qu'ils ne trouvent plus le temps de faire les exercices de piété les plus essentiels; de là un affaissement moral, qui permet aux passions de revivre, et prépare la voie à de tristes capitulations: à l'amour surnaturel pour les âmes se mêle insensiblement un élément naturel et sensible: on se rassure mutuellement, sous prétexte que ce qui domine c'est le désir de faire du bien ou d'en recevoir, on commet des imprudences, on se permet des familiarités et le résultat est désastreux. En tout cas, là où manque la vie intérieure, on n'acquiert que peu de mérites pour soi, et l'action extérieure n'obtient que de maigres résultats, parce que la grâce de Dieu ne vient pas féconder un ministère où la prière n'a presque point de place. Il importe donc de vivifier les oeuvres extérieures par l'esprit de prière. Pour y mieux réussir, voici les principaux moyens.
§612. a) Tout d'abord il faut se rappeler qu'il y a une hiérarchie dans les moyens de zèle, et que les plus efficaces sont la prière et le sacrifice, l'exemple et en dernier lieu la parole et l'action. Pour s'en convaincre, qu'on se rappelle les exemples de Notre Seigneur, dont la vie tout entière a été une prière et un sacrifice perpétuel, et qui a commencé par pratiquer ce qu'il a enseigné aux autres, passant trente ans dans la vie cachée avant de se livrer à ses trois années de ministère public. Qu'on n'oublie pas la conduite des apôtres se déchargeant de certaines oeuvres de charité sur les diacres, afin de pouvoir vaquer plus librement à la prière aussi bien qu'à la prédication de l'Évangile: «Nos vero orationi et ministerio verbi instantes erimus» [Ac 6:4]. Qu'on entende sans cesse retentir à ses oreilles la parole de S. Paul nous disant que ce n'est ni celui qui plante ni celui qui arrose qui fait le bien, mais Dieu qui seul fait croître la semence: «Neque qui plantat est aliquid, neque qui rigat, sed qui incrementum dat, Deus» [1Co 3:7].
On donnera donc la première place à la prière [§499]: on ne sacrifiera pas les exercices essentiels, comme l'oraison, l'action de grâces, la pieuse récitation de l'office divin, l'examen de conscience, l'offrande explicite des actions principales, bien persuadé que par là on rend plus service aux âmes que si on consacrait toute sa vie à l'action. Le pasteur d'âmes sera, comme le dit S. Bernard, un réservoir et non pas un simple canal: le canal laisse passer tout ce qu'il a, à mesure qu'il le reçoit; le réservoir se remplit d'abord, et donne alors de son trop plein sans dommage pour lui-même [°360].
§613. b) Un second moyen de ne pas oublier la vie intérieure, c'est de viser à former une élite, sans cependant négliger les masses. Pour y réussir, on sent mieux la nécessité d'être un homme intérieur; les études ascétiques que l'on fait, les conseils qu'on donne aux autres, les pratiques de vertu qu'on leur inculque nous ramènent forcément à la vie de prière et de sacrifice. Mais pour cela, il faut qu'on soit dans la disposition généreuse de faire ce qu'on conseille aux autres; alors on n'a pas à craindre le relâchement et la tiédeur. En fait, plusieurs prêtres ont été ramenés à la vie intérieure par ce souci de former une élite.
§614. c) Dans l'enseignement qu'on donne aux fidèles, dogmatique ou moral, qu'on suive un plan défini qui permettra d'exposer l'ensemble des dogmes et des vertus chrétiennes: en préparant ses instructions, on nourrit sa dévotion, car on veut mettre en pratique ce qu'on conseille aux autres.
§615. d) Enfin, dans l'exercice ordinaire du ministère paroissial, à l'occasion des baptêmes, mariages, funérailles, visites des malades, visites de condoléances, ou même de simple courtoisie, se rappeler qu'on est prêtre et apôtre, c'est-à-dire serviteur des âmes. Donc, après quelques paroles bienveillantes, ne pas craindre d'élever les esprits et les coeurs vers Dieu; une conversation sacerdotale doit toujours suggérer un Sursum corda.
Par ces divers moyens, nous conservons et augmentons notre vie intérieure; notre ministère, vivifié par la grâce, produit des fruits au centuple: «Qui manet in me et ego in eo, hic fert fructum multum » [Jn 15:5].
Ainsi donc toutes nos relations avec le prochain peuvent et doivent être surnaturalisées; toutes deviennent alors une occasion de progresser dans la vertu, et d'augmenter en nous cette vie divine dont nous avons reçu une abondante participation.
§616. Ainsi se termine notre première partie: les Principes de la vie surnaturelle. Tout ce que nous avons dit découle logiquement des dogmes de notre foi; tout se ramène à l'unité, c'est-à-dire à Dieu, notre fin, et à Jésus-Christ notre médiateur; et la vie chrétienne nous apparaît comme le don de Dieu à l'âme et le don de l'âme à Dieu.
1° C'est le don de Dieu à l'âme. De toute éternité la Sainte Trinité nous a aimés, et nous a prédestinés à cette vie surnaturelle qui est une participation à la vie divine. C'est cette adorable Trinité, vivant en notre âme, qui est à la fois la cause efficiente et exemplaire de cette vie; l'organisme surnaturel, qui nous permet de faire des actes déiformes, est son oeuvre.
Mais c'est le Verbe Incarné qui en est la cause méritoire, comme aussi le modèle le plus parfait, modèle adapté à notre faiblesse, puisque tout en étant Dieu, il est homme comme nous, notre ami, notre frère, bien plus, la tête d'un corps mystique dont nous sommes les membres. Et, parce que Marie associée à l'oeuvre rédemptrice, ne peut pas être séparée de son Fils, elle nous apparaît comme un premier échelon pour aller à Jésus, de même que Jésus est le médiateur nécessaire pour aller au Père. Les Anges et les Saints, qui font eux aussi partie de la grande famille de Dieu, nous aident de leurs prières et de leurs exemples.
§617. 2° Pour répondre aux prévenances divines, l'âme se donne tout entière à Dieu en cultivant la vie qui lui est si libéralement octroyée. Nous la cultivons en luttant contre la concupiscence qui demeure en nous; en faisant des actes surnaturels qui, outre qu'ils méritent une augmentation de vie divine, nous font acquérir de bonnes habitudes ou des vertus; en recevant les sacrements, qui ajoutent à nos mérites, une vertu sanctificatrice venant de Dieu lui même.
L'essence même de la perfection, c'est l'amour de Dieu poussé jusqu'à l'immolation de soi: combattre et diminuer en nous le vieil homme pour y faire vivre Jésus-Christ, voilà la tâche qui nous incombe. En la poursuivant, c'est-à-dire, en utilisant les moyens de perfection, nous ne cessons de tendre à Dieu par Jésus-Christ.
Le désir de la perfection n'est au fond que l'élan de notre âme essayant de répondre à l'amour prévenant de Dieu; il nous porte à connaître et à aimer Celui qui est tout amour, «Deus caritas est»; à nous connaître nous-mêmes pour mieux sentir le besoin de Dieu et nous jeter entre ses bras miséricordieux; cet amour se traduit par une conformité aussi parfaite que possible à la volonté de Dieu, manifestée par ses lois et ses conseils comme aussi par les événements heureux ou malheureux qui tous servent à nous le faire aimer davantage; et par la prière qui, en devenant habituelle, élève constamment notre âme vers Dieu. Les moyens extérieurs eux-mêmes nous ramènent à Dieu, puisque la direction, le règlement de vie et les lectures de piété nous soumettent à sa volonté sainte; les relations que nous avons avec nos semblables en qui nous voyons un reflet des perfections divines nous ramènent encore à Celui qui est le centre de tout. Et, comme dans l'usage de ces moyens, nous avons sans cesse devant les yeux Jésus notre modèle, notre collaborateur, notre vie, nous nous transformons en lui: Christianus alter Christus.
Ainsi se réalise peu à peu l'idéal de perfection tracé à ses disciples par M. Olier en tête du «Pietas Seminarii»: «Vivere summe Deo in Christo Jesu Domino nostro; ita ut interiora Filii ejus intima cordis nostri penetrent: vivre pour Dieu et pour Dieu seul, au suprême degré, en s'incorporant au Christ Jésus, de telle sorte que ses dispositions intérieures pénètrent au plus intime de notre âme et deviennent les nôtres».
FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE
§618. Les principes généraux, que nous avons exposés dans notre première partie, s'appliquent à toutes les âmes, et forment déjà un ensemble de motifs et de moyens propres à nous conduire à la plus haute perfection. Mais, comme nous l'avons déclaré plus haut [§340-§343], il y a, dans la vie spirituelle, différents degrés, des étapes diverses à parcourir; il importe de les distinguer et d'adapter les principes généraux aux besoins particuliers des âmes, en tenant compte non seulement de leur caractère, de leurs attraits, de leur vocation, mais aussi du degré de perfection où elles se trouvent, afin que le directeur puisse conduire chaque âme selon ce qui lui convient.
Le but de cette seconde partie, c'est donc de suivre une âme, à travers ses ascensions successives, depuis le premier moment où elle désire sincèrement progresser jusqu'aux plus hauts sommets de la perfection - chemin long et souvent pénible, mais où l'on goûte aussi les plus douces consolations!
Avant d'entrer dans la description des trois voies, nous allons exposer: 1° le fondement de cette distinction; 2° la manière intelligente d'utiliser cette distinction; 3° l'utilité spéciale de cette seconde partie.
§619. Si nous employons cette expression des trois voies, c'est pour nous conformer au langage traditionnel. Mais il faut remarquer qu'il ne s'agit pas ici de trois voies parallèles, ou divergentes, mais plutôt de trois étapes différentes le long de la même voie, ou, en d'autres termes, des trois degrés principaux de la vie spirituelle que parcourent les âmes qui correspondent généreusement à la grâce divine. Dans chacune de ces voies il y a bien des étapes, dont nous signalerons les plus importantes, et dont les directeurs doivent tenir compte; il y a aussi des formes et des variétés qui dépendent du caractère, de la vocation, de la mission providentielle de chaque âme [°363]. Mais, comme nous l'avons dit, avec S. Thomas, on peut ramener à trois les degrés de perfection, selon qu'on débute, qu'on progresse ou enfin qu'on arrive au terme de la vie spirituelle sur terre [§340-§343]. C'est dans ce sens général que la division des trois voies est fondée à la fois sur l'autorité et la raison.
§620. 1° Sur l'autorité de la Sainte Écriture et de la Tradition.
A) On pourrait assurément trouver dans l'Ancien Testament bien des textes se rapportant à la distinction des trois voies.
Ainsi Alvarez de Paz l'appuie sur ce passage, qui lui fournit sa division: Declina a malo et fac bonum, inquire pacem et persequere eam [Ps 33:15]: Declina a malo, évite le péché; voilà bien la purification de l'âme ou la voie purgative; fac bonum, fais le bien, ou pratique la vertu: c'est la voie illuminative; inquire pacem, cherche la paix, cette paix qu'on ne peut trouver que dans l'union intime avec Dieu: nous avons ici la voie unitive. C'est une interprétation ingénieuse du texte; mais il ne faut pas y voir une preuve décisive.
§621. B) Dans le Nouveau Testament: a) on peut citer, entre autres, ces paroles de Notre-Seigneur, qui résument la spiritualité telle qu'elle est décrite par les Synoptiques: «Si quis vult post me venire, abneget semetipsum, et tollat crucem suam quotidie et sequatur me» [Lc 9:23]. L'abnégation ou le renoncement, abneget semetipsum, voilà le premier degré; le portement de croix suppose déjà la pratique positive des vertus, ou le second degré; le sequatur me, c'est au fond l'union intime à Jésus, l'union à Dieu, et par conséquent la voie unitive. Ici encore, il y a bien le fondement d'une distinction réelle entre les différents moyens de perfection, mais non une preuve péremptoire.
§622. b) S. Paul n'enseigne pas non plus d'une façon explicite la distinction des trois voies; mais il décrit trois états d'âme qui ont donné lieu plus tard à cette distinction.
1) Rappelant ce que faisaient les athlètes en vue de conquérir une couronne périssable, il se compare à eux et lui aussi s'efforce de courir et de lutter, mais, au lieu de battre l'air, il châtie son corps et le traite en esclave, pour éviter le péché et la réprobation qui en est le châtiment: «Ego igitur sic curro non quasi in incertum, sic pugno non quasi aerem verberans; sed castigo corpus meum et in servitutem redigo, ne forte, cum aliis praedicaverim, ipse reprobus efficiar» [1Co 9:26-27]. Voilà bien les exercices de la pénitence et de la mortification, sous l'influence d'une crainte salutaire, pour mater la chair et purifier l'âme. Et que de fois il rappelle aux chrétiens qu'il faut se dépouiller du vieil homme, et crucifier sa chair avec ses vices et ses convoitises? C'est bien ce que nous appelons la voie purgative.
2) En écrivant aux Philippiens, il déclare qu'il n'est pas encore arrivé à la perfection, mais qu'il suit son Maître et s'efforce de l'atteindre, ne regardant pas en arrière, mais se portant avec ardeur vers le but qu'il poursuit: «quae quidem retro sunt, obliviscens, ad ea vero, quae ante sunt, extendens me ad destinatum persequor, ad bravium supernae vocationis Dei in Christo Iesu» [Ph 3:13-14]. Et il ajoute que tous ceux qui tendent à la perfection doivent agir de même: «Quicumque ergo perfecti, hoc sentiamus... Coimitatores mei estote, fratres» [Ph 3:15,17]. Et ailleurs: «Imitatores mei estote sicut et ego Christi, soyez mes imitateurs comme je le suis de Jésus-Christ» [1Co 4:16]. Ce sont bien les caractéristiques de la voie illuminative, où le devoir principal est d'imiter Notre Seigneur.
3) Quant à la voie unitive, il la décrit sous ses deux formes: la voie unitive simple, où l'on s'efforce de faire vivre constamment Jésus en soi: «Vivo autem jam non ego, vivit vero in me Christus» [Ga 2:20]; et la voie unitive extraordinaire, accompagnée d'extases, de visions et de révélations: «Scio hominem in Christo ante annos quattuordecim - sive in corpore nescio, sive extra corpus nescio, Deus scit - raptum eiusmodi usque ad tertium caelum» [2Co 12:2].
Il y a donc, dans les Epîtres de S. Paul, un fondement réel à la distinction des trois voies que la Tradition va préciser.
§623. La Tradition précise peu à peu cette distinction, en l'appuyant tantôt sur la différence entre les trois vertus théologales et tantôt sur les divers degrés de charité.
a) Clément d'Alexandrie est un des premiers auteurs à exposer la première méthode. Pour devenir un gnostique ou un homme parfait, il faut franchir plusieurs étapes: s'abstenir du mal par crainte, et mortifier les passions; puis faire le bien ou pratiquer les vertus sous l'influence de l'espérance; et enfin faire le bien par amour pour Dieu [°364]. C'est ce même point de vue qui fait distinguer à Cassien trois degrés dans l'ascension de l'âme vers Dieu: la crainte qui est le propre des esclaves, l'espérance qui convient aux mercenaires travaillant pour être récompensés, la charité qui est le propre des enfants de Dieu [°365].
b) S. Augustin se place à un autre point de vue: la perfection consistant dans la charité, c'est dans la pratique de cette vertu qu'il distingue quatre degrés: la charité qui commence, la charité qui progresse, la charité qui est déjà grande, la charité des parfaits [°366]; ces deux derniers degrés se rapportant à la voie unitive, sa doctrine ne diffère pas au fond de celle de ses prédécesseurs. -- S. Bernard distingue aussi trois degrés dans l'amour de Dieu: après avoir montré que l'homme commence par s'aimer lui-même, il ajoute que sentant son insuffisance, il commence à rechercher Dieu par la foi et à l'aimer à cause de ses bienfaits; puis, à force de le fréquenter, il finit par l'aimer et pour ses bienfaits et pour lui-même; et enfin il finit par l'aimer d'un amour complètement désintéressé [°367]. Enfin S. Thomas, perfectionnant la doctrine de S. Augustin, montre nettement qu'il y a dans la vertu de charité trois degrés qui correspondent aux trois voies ou trois étapes [§340-§343].
§624. 2° La raison montre la légitimité de cette distinction. Puisque la perfection consiste essentiellement dans l'amour de Dieu, il y aura autant de degrés de perfection que de degrés d'amour. Or:
A) Il est évident en effet qu'avant d'arriver à l'union intime avec Dieu, il faut tout d'abord purifier l'âme de ses fautes passées et la prémunir contre les fautes à venir.
La pureté de coeur est, au témoignage de Notre Seigneur, la première condition essentielle pour voir Dieu, pour le voir clairement dans l'autre vie, mais aussi pour l'entrevoir et s'unir à lui en cette vie: «Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt» [Mt 5:8]. Or cette pureté de coeur suppose l'expiation des fautes passées par une loyale et austère pénitence, la lutte énergique et constante contre les tendances mauvaises qui nous portent au péché, la prière, la méditation et les exercices spirituels nécessaires pour fortifier notre volonté contre les tentations, en un mot un ensemble de moyens qui tend à purifier l'âme et à l'affermir dans la vertu: c'est cet ensemble de moyens qu'on appelle la voie purgative.
§625. B) Quand une fois l'âme s'est ainsi purifiée et réformée, elle doit s'orner des vertus chrétiennes positives, qui la rendront plus semblable à Jésus Christ; elle s'applique donc à le suivre pas à pas, à reproduire progressivement ses dispositions intérieures, en pratiquant à la fois les vertus morales et théologales: les premières l'assouplissent et la fortifient, les secondes commencent déjà à l'unir positivement à Dieu; les unes et les autres se pratiquent parallèlement, selon les besoins du moment et les attraits de la grâce. Pour y mieux réussir, l'âme perfectionne son oraison, qui devient de plus en plus affective, et s'efforce d'aimer et d'imiter Jésus; par là elle marche dans la voie illuminative: car suivre Jésus, c'est suivre la lumière: qui sequitur me non ambulat in tenebris.
§626. C) Le moment arrive où, purifiée de ses fautes, assouplie et fortifiée, docile aux inspirations du Saint Esprit, l'âme n'aspire plus qu'à l'union intime avec Dieu; elle le cherche partout, au milieu même des occupations les plus absorbantes; elle s'attache à lui et jouit de sa présence. Son oraison se simplifie de plus en plus: c'est un regard affectueux et prolongé sur Dieu et les choses divines, sous l'influence tantôt latente et tantôt consciente des dons du Saint Esprit; c'est, en d'autres termes, la voie unitive [°368].
Sans doute, dans ces trois grandes étapes, il y a bien des nuances et des variétés, «multiformis gratia Dei» [1P 4:10]; nous en décrirons quelques-unes; l'étude de la vie des Saints fera connaître les autres.
§627. Pour utiliser cette distinction, il faut beaucoup de tact et de souplesse, étudier sans doute les principes que nous exposerons, mais plus encore chaque âme en particulier, avec ses traits distinctifs, et en tenant compte de l'action spéciale du Saint Esprit sur elle. Pour aider le directeur dans cette étude, quelques remarques ne seront pas inutiles.
§628. A) Dans la distinction des trois voies il n'est rien d'absolu ni de mathématique: a) on passe imperceptiblement de l'une à l'autre, sans qu'il soit possible de mettre un poteau-frontière entre elles. Comment discerner si une âme est encore dans la voie purgative ou aux débuts de la voie illuminative? Il y a entre les deux un terrain commun, dont il est impossible de fixer les limites exactes. b) Du reste le progrès n'est pas toujours soutenu: c'est un mouvement vital, avec des alternatives diverses, des flux et des reflux; parfois on avance, et parfois on recule; à certains moments, on semble même piétiner sur place, sans progrès appréciable.
§629. B) Il y a aussi, dans chaque voie, bien des degrés différents. a) Parmi les âmes qui débutent, il en est qui ont un lourd passé à expier et d'autres qui ont gardé leur innocence; il est évident que, toutes choses égales d'ailleurs, les premières devront s'exercer plus longuement à la pénitence que les secondes. b) Il y a en outre des différences de tempérament, d'activité, d'énergie et de constance: il en est qui pratiquent avec ardeur les exercices de la pénitence et d'autres qui ne le font qu'à regret; quelques-uns sont généreux et ne veulent rien refuser à Dieu, d'autres ne répondent à ses avances qu'avec parcimonie. Il est donc évident que bientôt il y aura entre ces âmes, qui toutes sont encore dans la voie purgative, des différences très grandes. c) De plus, entre ceux qui s'exercent depuis quelques mois seulement à la purification de l'âme, et ceux qui y ont consacré déjà plusieurs années et qui sont tout près de la voie illuminative, il y a une distance considérable. d) Il faut aussi et surtout tenir compte de l'action de la grâce: quelques âmes semblent en recevoir avec tant d'abondance qu'on peut prévoir un progrès rapide vers les sommets de la perfection; d'autres en reçoivent beaucoup moins et font des progrès plus lents: le directeur se souviendra que son action doit être subordonnée à celle du Saint Esprit [§548].
Il ne faut donc pas s'imaginer qu'il y a des cadres rigides, où l'on peut faire rentrer toutes les âmes; mais se dire que chaque âme a ses particularités, dont il faut tenir compte, et que les cadres tracés par les auteurs spirituels doivent être assez souples pour s'adapter à toutes les âmes.
§630. C) Dans la conduite des âmes, il y a un double écueil à éviter: quelques-unes voudraient brûler des étapes, c'est-à-dire, parcourir rapidement les degrés inférieurs pour arriver plus tôt à l'amour divin; d'autres au contraire piétinent sur place et demeurent trop longtemps, par leur faute, dans les degrés inférieurs, par manque de générosité ou par manque de méthode. Aux premières le directeur dira souvent qu'aimer Dieu est excellent, mais qu'on n'arrive à l'amour pur et effectif que par le renoncement et la pénitence [§321]. Aux secondes, il donnera des encouragements, des avertissements, soit pour stimuler leur ardeur, soit pour les aider à perfectionner leurs méthodes d'oraison ou d'examen.
§631. D) Lorsque les auteurs spirituels enseignent que telle ou telle vertu convient à telle ou telle voie, ceci ne doit s'entendre qu'avec beaucoup de réserve. Au fond, toutes les vertus fondamentales conviennent à chacune des voies, mais à des degrés différents. Ainsi les débutants doivent assurément s'exercer d'une façon spéciale à la vertu de pénitence, mais ils ne peuvent le faire qu'en pratiquant les vertus théologales et les vertus cardinales, d'une façon autre cependant que les âmes en progrès; ils s'en servent surtout pour purifier leur âme par le renoncement et les vertus crucifiantes. Dans la voie illuminative on cultivera ces mêmes vertus, mais à un degré différent, sous une forme plus positive, et en vue de mieux ressembler au divin Modèle. On le fera aussi dans la voie unitive, mais à un degré supérieur, comme une manifestation de l'amour envers Dieu et sous l'influence des dons du Saint Esprit.
De même les parfaits, tout en s'appliquant surtout à l'amour de Dieu, ne cessent pas de purifier leur âme par la pénitence et la mortification; mais ces pratiques de pénitence sont assaisonnées d'un amour plus pur et plus intense, et n'en ont que plus d'efficacité.
§632. E) Une remarque analogue s'impose pour les différents genres d'oraison; ainsi, généralement, la méditation discursive convient aux débutants, l'oraison affective aux âmes en progrès, l'oraison de simplicité et la contemplation à la voie unitive. Mais l'expérience montre que le degré d'oraison ne correspond pas toujours au degré de vertu, que par tempérament, éducation ou habitude, des personnes demeurent longtemps dans la pratique d'une oraison discursive ou affective, tout en étant intimement et habituellement unies à Dieu; et que d'autres, à l'esprit plus intuitif et au coeur plus affectueux, font volontiers des oraisons de simplicité, sans être parvenues à ce degré de vertu que demande la voie unitive.
Il importe, dès le début, d'avoir ces remarques sous les yeux, pour ne pas mettre entre les vertus des cloisons étanches qui n'existent pas. Aussi, en exposant chaque vertu, nous aurons soin d'indiquer les degrés qui conviennent aux débutants, aux âmes en progrès, aux parfaits.
Ce que nous venons de dire montre combien utile, combien nécessaire est l'étude intelligente des trois voies.
§633. 1° Avant tout, elle est nécessaire aux directeurs spirituels. Il est évident en effet que «les commençants et les parfaits doivent être conduits par des règles différentes» [°369]; car, ajoute le P. Grou, «la grâce des commençants n'est pas la même que celle des âmes avancées, ni celle des personnes avancées la même que celle des personnes consommées en perfection» [°370].
Ainsi, la méditation discursive, nécessaire aux débutants, paralyserait l'effort des âmes plus avancées. De même, en ce qui concerne les vertus, il y a une manière de les pratiquer qui correspond à la voie purgative, une autre à la voie illuminative, une troisième à la voie unitive. Or un directeur qui n'a pas approfondi ces questions, sera exposé à diriger presque toutes les âmes de la même façon, et à conseiller à chacune ce qui lui réussit à lui-même. Parce que l'oraison affective simplifiée lui est très utile, il sera tenté de conseiller la même méthode à tous ses pénitents, oubliant qu'on n'y arrive que par des étapes successives. Celui qui trouve dans la pratique habituelle de l'amour de Dieu tout ce qui est nécessaire à sa sanctification, sera porté à conseiller à tous la voie d'amour comme la plus courte et la plus efficace, oubliant qu'un petit oiseau qui n'a pas d'ailes est incapable de voler à ces hauteurs. Un autre qui n'a jamais pratiqué l'oraison de simple regard, blâmera les personnes qui s'y essaient, sous prétexte que ce procédé n'est que de la paresse spirituelle. Au contraire, le directeur qui a étudié avec soin les ascensions progressives des âmes ferventes, saura proportionner ses conseils et sa direction à l'état réel de ses pénitents, pour le plus grand bien de leur âme.
§634. 2° Les fidèles eux-mêmes étudieront avec profit ces diverses étapes; sans doute, ils se laisseront diriger par leur guide spirituel; mais si, par des lectures bien choisies, ils ont saisi, au moins dans leurs grandes lignes, les différences entre les trois voies, ils comprendront mieux les conseils de leurs directeurs et sauront mieux en profiter.
Nous allons donc étudier successivement les trois voies spirituelles, mais sans oublier qu'il n'y a point de cadres rigides, et que chaque voie comporte beaucoup de variétés et de formes diverses.
§635. Ce qui caractérise la voie purgative, ou l'état des commençants, c'est la purification de l'âme en vue d'arriver à l'union intime avec Dieu.
Expliquons donc: 1° ce que nous entendons par commençants et 2° le but qu'ils doivent poursuivre.
§636. 1° Caractères essentiels. Les commençants dans la vie spirituelle sont ceux qui, vivant habituellement dans l'état de grâce, ont un certain désir de perfection, mais conservent des attaches au péché véniel et sont exposés à retomber de temps en temps dans quelques fautes graves. Expliquons ces trois conditions.
a) Ils vivent habituellement dans l'état de grâce, et par conséquent luttent généralement avec succès contre les tentations graves. De ce chef, nous excluons ceux qui commettent souvent le péché mortel et ne fuient pas ses occasions, qui ont sans doute des velléités de se convertir, mais non la volonté ferme et efficace de le faire. Ceux-là ne sont pas en marche vers la perfection; ce sont des pécheurs, des mondains qu'il faut tout d'abord détacher du péché mortel, et des occasions de le commettre [°372].
b) Ils ont un certain désir de perfection ou de progresser, bien que ce désir puisse encore être faible et imparfait. Par là nous excluons ces mondains, trop nombreux, hélas! dont la seule ambition est d'éviter le péché mortel, mais qui n'ont aucun désir sincère de progresser. Comme nous l'avons montré en effet [§414], ce désir est le premier pas vers la perfection.
c) Ils conservent cependant quelques attaches (au péché véniel délibéré, et par suite en commettent fréquemment; ainsi ils se distinguent des âmes en progrès qui s'efforcent de briser toute attache aux fautes vénielles, bien qu'elles en commettent volontairement de temps en temps. La raison de ces attaches se tire de ce que leurs passions ne sont pas encore maîtrisées; de là des mouvements fréquents et consentis de sensualité, d'orgueil, de vanité, de colère, d'envie, de jalousie, des paroles et des actes contraires à la charité, etc. Que de personnes, appelées dévotes, conservent de ces attaches, qui leur font commettre des fautes vénielles de propos délibéré, et par là même les exposent à tomber de temps en temps dans des fautes graves!
§637. 2° Diverses catégories. Il y a donc différentes catégories de commençants:
a) Les âmes innocentes, qui désirent progresser dans la vie spirituelle: enfants, jeunes gens et jeunes filles, personnes du monde qui, non contentes d'éviter le péché grave, veulent faire quelque chose de plus pour Dieu et désirent se perfectionner. Il y en aurait un plus grand nombre, si les prêtres avaient soin d'éveiller en elles ce désir de la perfection au catéchisme, au patronage, dans les divers groupements paroissiaux. Qu'on relise donc ce que nous avons dit à ce sujet [§409-430].
b) Les convertis, qui, après avoir péché gravement, reviennent loyalement à Dieu, et, pour s'éloigner plus efficacement de l'abîme, veulent aller de l'avant dans les voies de la perfection. Ici encore nous pouvons dire que le nombre en serait beaucoup plus élevé si les confesseurs avaient soin de rappeler à leurs pénitents que, pour ne pas reculer il faut avancer, et que le seul moyen efficace d'éviter le péché mortel, c'est de tendre à la perfection [cf. §354-361].
c) Les attiédis, qui, après s'être donnés une première, fois à Dieu et fait quelques progrès, sont tombés dans le relâchement et la tiédeur: ils ont besoin, même s'ils s'étaient avancés jusqu'à la voie illuminative, de revenir aux austères pratiques de la voie purgative, et de reprendre en sous-oeuvre le travail de la perfection. Pour les aider dans leurs efforts, il faut les prémunir avec soin contre les dangers du relâchement et de la tiédeur, et en combattre les causes qui sont généralement l'étourderie ou la légèreté, l'insouciance et une certaine lâcheté.
§638. 3° Deux classes de commençants. Parmi les commençants, il en est qui montrent plus de générosité, et d'autres beaucoup moins: de là ces deux classes que Ste Thérèse distingue parmi eux.
a) Dans la première demeure du Château de l'âme, elle décrit ces âmes qui, bien engagées encore dans le monde, ont cependant de bons désirs, récitent quelques prières, mais ordinairement l'esprit rempli de mille affaires qui absorbent leurs pensées. Elles ont encore beaucoup d'attaches, mais s'efforcent de s'en dégager de fois à autres. Grâce à ces efforts, elles entrent dans les premières pièces du Château les plus basses: mais il s'introduit avec elles une foule d'animaux malfaisants (leurs propres passions) qui les empêchent de voir la beauté du château et d'y demeurer tranquilles. Cette demeure, quoique la moins élevée, est déjà d'une grande richesse; mais terribles sont les ruses et les artifices du démon pour empêcher ces âmes d'avancer; le monde, où elles sont encore plongées, les sollicite par ses plaisirs et ses honneurs; aussi elles sont facilement vaincues, et cependant elles désirent éviter le péché et font des oeuvres louables [°373]. En d'autres termes ces personnes essaient d'allier la piété avec la vie mondaine ; leur foi n'est pas assez éclairée, leur volonté pas assez forte et généreuse pour les faire renoncer non seulement au péché mais à certaines occasions dangereuses; elles ne comprennent pas assez la nécessité d'une prière fréquente, ni d'une rigoureuse pénitence ou mortification. Elles veulent cependant non seulement faire leur salut, mais progresser dans l'amour de Dieu en faisant quelques sacrifices.
§639. b) La seconde classe de débutants est décrite par Ste Thérèse dans la seconde demeure. Ce sont les personnes qui déjà font oraison et comprennent mieux qu'il faut faire des sacrifices pour progresser, mais qui cependant, faute de courage, retournent parfois vers les premières demeures en s'exposant de nouveau aux occasions de péché: elles aiment encore les plaisirs et les séductions du monde, et parfois retombent dans une faute grave, mais se relèvent rapidement, parce qu'elles écoutent la voix de Dieu les appelant au repentir. Malgré les sollicitations du monde et du démon, elles méditent sur la fragilité des faux biens de la terre, sur la mort qui viendra bientôt les en séparer. Alors elles aiment de plus en plus Celui dont elles reçoivent de si nombreux témoignages d'amour; elles comprennent qu'en dehors de lui elles ne peuvent trouver ni paix ni sécurité, et elles désirent éviter les égarements du prodigue. C'est donc un état de lutte, où elles souffrent beaucoup des tentations nombreuses qui les assaillent, mais où Dieu daigne aussi les consoler et les fortifier. En se conformant à la volonté de Dieu, qui est le grand moyen de perfection, elles finiront par sortir de ces demeures où circulent encore les bêtes venimeuses, pour arriver à cette région où elles sont à l'abri de leurs morsures [°374].
§640. Nous ne traiterons pas successivement de ces deux classes, parce que les moyens à leur suggérer sont en somme les mêmes. Mais le directeur en tiendra compte dans les cas particuliers qu'il leur donnera. Ainsi il attirera spécialement l'attention des âmes de la première classe sur la malice et les effets du péché, sur la nécessité d'en éviter les occasions, et excitera en elles un vif désir de prier, de faire pénitence et de se mortifier; aux âmes plus généreuses il conseillera en outre une méditation plus prolongée et la lutte contre les vices capitaux, c'est à dire contre ces tendances profondes qui sont la source de tous nos péchés.
§641. Nous avons dit [§309], que la perfection consiste essentiellement dans l'union à Dieu par la charité. Mais Dieu, étant la sainteté même, nous ne pouvons lui être unis que si nous possédons la pureté de coeur, qui comprend un double élément, l'expiation du passé et le détachement du péché et de ses occasions pour l'avenir.
La purification de l'âme est donc la première tâche qui s'impose aux commençants.
On peut même ajouter que l'âme s'unira d'autant plus intimement à Dieu qu'elle sera plus pure et plus détachée. Or il y a une purification plus ou moins parfaite selon les motifs qui l'inspirent et les effets qu'elle produit.
A) La purification demeure imparfaite, si elle est inspirée surtout par des motifs de crainte et d'espérance, crainte de l'enfer et espérance du ciel et des biens célestes. Ses résultats sont incomplets: on renonce sans doute au péché mortel, qui nous priverait du ciel, mais on ne renonce pas aux fautes vénielles, même délibérées, parce que celles-ci n'empêchent pas notre salut éternel.
B) Il y a donc une purification plus parfaite, qui, sans exclure la crainte et l'espérance, a pour motif principal l'amour de Dieu, le désir de lui plaire et par là même d'éviter tout ce qui l'offense, même légèrement. C'est alors que se vérifie la parole du Sauveur à la femme pécheresse: «Ses nombreux péchés lui sont pardonnés, parce qu'elle a beaucoup aimé» [Lc 7:47].
C'est à cette seconde purification que doivent viser les bonnes âmes; mais le directeur se souviendra que beaucoup de commençants ne sont pas capables de s'y élever au début, et, tout en parlant de l'amour de Dieu, il n'oubliera pas de proposer les motifs de crainte et d'espérance qui agissent plus fortement sur leurs âmes.
§642. Le but étant connu, il s'agit de déterminer les moyens nécessaires pour l'atteindre. Au fond ils se réduisent à deux: la prière, qui nous obtient la grâce, et la mortification par laquelle nous y correspondons. Mais la mortification prend différents noms suivant les aspects sous laquelle on la considère: elle s'appelle pénitence, quand elle nous fait expier les fautes passées; mortification proprement dite, quand elle s'attaque à l'amour du plaisir pour diminuer le nombre des fautes dans le présent et dans l'avenir; lutte contre les péchés capitaux, quand elle combat les tendances profondes qui nous portent au péché; lutte contre les tentations, quand elle résiste aux attaques de nos ennemis spirituels. De là cinq chapitres:
Chap. I. - La prière des commençants.
Chap. II. - La pénitence pour réparer le passé.
Chap. III. - La mortification pour assurer l'avenir.
Chap. IV. - La lutte contre les péchés capitaux.
Chap. V. - La lutte contre les tentations.
Tous ces moyens supposent évidemment la pratique des vertus théologales et des vertus morales dans leur premier degré: on ne peut prier, faire pénitence et se mortifier sans croire fermement aux vérités révélées, sans espérer les biens du ciel et sans aimer Dieu, sans s'exercer à la prudence, à la justice, à la force et à la tempérance. Mais nous ne traiterons de ces vertus que dans la voie illuminative, où elles atteignent leur plein développement.
§643. Nous avons déjà exposé [§499-521] la nature et l'efficacité de la prière. Après avoir rappelé ces notions aux débutants, il faudra: 1° leur inculquer la nécessité et les conditions de la prière; 2° les former peu à peu aux exercices spirituels qui leur conviennent; 3° leur apprendre à méditer.
Art. I. De la prière en général Nécessité. Conditions. Art. II. Des principaux exercices spirituels. Art. III De la méditation Notions générales. Avantages et nécessité. De la méditation des commençants. Méthodes principales.
§644. Ce que nous avons dit du double but de la prière, l'adoration et la demande [§503-509] nous montre bien sa nécessité. Il est évident en effet que, comme créatures et comme chrétiens, nous sommes tenus de glorifier Dieu par l'adoration, la reconnaissance et l'amour, et que, comme pécheurs, nous devons lui offrir nos devoirs de réparation [§506]. Mais il s'agit ici surtout de la prière comme demande, et de sa nécessité absolue comme moyen de salut et de perfection.
§645. La nécessité de la prière est fondée sur la nécessité de la grâce actuelle. C'est une vérité de foi que, sans cette grâce, nous sommes dans une impuissance radicale de nous sauver, et, à plus forte raison, d'arriver à la perfection [§126]. De nous-mêmes, quelque bon usage que nous fassions de notre liberté, nous ne pouvons ni nous disposer positivement à la conversion, ni persévérer pendant un temps notable, ni surtout persévérer jusqu'à la mort: «Sans moi, dit Jésus à ses disciples, vous ne pouvez rien faire; pas même avoir une bonne pensée, ajoute S. Paul, car c'est Dieu qui opère en nous le vouloir et le faire: sine me nihil potestis facere... Non quod sufficientes simus cogitare aliquid a nobis quasi ex nobis... operatur in vobis et velle et perficere» [Jn 15:5; 2Co 3:5; Ph 2:13].
Or, à part la première grâce qui nous est accordée gratuitement, sans que nous priions, puisqu'elle est le principe même de la prière, c'est une vérité constante que la prière est le moyen normal, efficace et universel par lequel Dieu veut que nous obtenions toutes les grâces actuelles. Voilà pourquoi Notre Seigneur nous inculque si souvent la nécessité de la prière pour obtenir la grâce: «Demandez, dit-il, et vous recevrez, cherchez et vous trouverez, frappez et l'on vous ouvrira; car quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, et l'on ouvrira à celui qui frappe» [Mt 7:7-8]. C'est comme s'il disait, ajoutent presque tous les commentateurs: si vous ne demandez pas, vous ne recevrez point, si vous ne cherchez pas, vous ne trouverez point. Cette nécessité de la prière, il la rappelle surtout quand il s'agit de résister à la tentation: «Veillez et priez, afin que vous n'entriez pas en tentation; l'esprit est prompt, mais la chair est faible: vigitate et orate ut non intretis in tentationem: spiritus quidem promptus est, caro autem infirma» [Mt 26:41]. S. Thomas en conclut que toute confiance qui n'est pas fondée sur la prière est présomptueuse; car Dieu, qui ne nous doit point sa grâce en justice, ne s'est engagé à nous la donner que dépendamment de la prière. Sans doute il connaît nos besoins spirituels sans que nous les lui exposions; mais il veut que nos prières soient le ressort qui remue sa miséricorde, afin que nous le reconnaissions comme l'auteur des biens qu'il nous accorde [°376].
§646. C'est bien ainsi que l'a compris la Tradition, le concile de Trente, faisant sienne la doctrine de S. Augustin, nous dit que Dieu ne nous commande rien d'impossible: car il nous commande de faire ce que nous pouvons, et de demander ce que nous ne pouvons pas faire, et il nous aide par sa grâce à le demander [°377]; il suppose donc manifestement qu'il y a des choses impossibles sans la prière; et c'est la conclusion qu'en tire le Catéchisme romain: «la prière nous a été donnée comme l'instrument nécessaire pour obtenir ce que nous désirons; il est des choses en effet que nous ne pouvons obtenir qu'avec son secours» [°378].
§647. Avis au directeur. Il importe d'insister sur cette vérité pour les commençants; beaucoup, imprégnés, sans le savoir, de pélagianisme ou de semi-pélagianisme, s'imaginent qu'avec de la volonté et de l'énergie ils peuvent arriver à tout. Bientôt, il est vrai, l'expérience vient leur montrer que les meilleures résolutions demeurent souvent inaccomplies, malgré leurs efforts; le directeur en profitera pour leur rappeler, sans jamais se lasser, que ce n'est que par la grâce et la prière qu'ils pourront arriver à les observer; cette démonstration expérimentale confirmera singulièrement leurs convictions sur la nécessité de la prière; il leur exposera aussi les conditions de son efficacité.
§648. Ayant déjà prouvé la nécessité de la grâce actuelle pour tous les actes nécessaires au salut [§126], nous en pouvons conclure que cette grâce est nécessaire pour bien prier. C'est ce que déclare nettement S. Paul: «L'Esprit vient en aide à notre faiblesse, car nous ne savons pas ce que nous devons demander dans nos prières; mais l'Esprit lui-même prie pour nous par des gémissements ineffables: quid oremus sicut oportet, nescimus, sed ipse spiritus postulat pro nobis gemitibus inenarrabilibus» [Rm 8:26]. Ajoutons que cette grâce est offerte à tous, même aux pécheurs, et qu'ainsi tous peuvent prier.
Bien que l'état de grâce ne soit point nécessaire pour prier, il augmente singulièrement la valeur de nos prières, puisqu'il fait de nous les amis de Dieu et les membres vivants de Jésus Christ.
Nous allons examiner les conditions que requiert la prière: 1° du côté de l'objet; 2° du côté de celui qui prie.
§649. La condition la plus importante du côté de l'objet est de ne demander que les biens qui nous conduisent à la vie éternelle, avant tout les grâces surnaturelles, et secondairement, dans la mesure ou ils sont utiles à notre salut, les biens de l'ordre temporel. Telle est la règle posée par Notre Seigneur lui-même: «Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît: Quaerite primum regnum Dei et justitiam ejus, et haec omnia adjicientur vobis» [Mt 6:33]. Nous l'avons dit en effet [§307-308], le bonheur, comme la perfection de l'homme, consiste dans la possession de Dieu, et par là même dans les grâces nécessaires à cette fin. Nous ne devons donc rien demander qu'en rapport avec cette fin.
1° Les biens temporels en eux-mêmes sont trop au-dessous de nous, trop incapables de satisfaire les aspirations de notre coeur, et de nous rendre heureux pour qu'ils puissent être l'objet principal de nos prières. Cependant, comme nous avons besoin d'une certaine mesure de ces biens pour vivre et assurer notre salut, il nous est permis de demander le pain quotidien, celui du corps comme celui de l'âme, en subordonnant le premier au second. Il arrive parfois en effet que tel bien particulier, qui nous paraît désirable, comme la richesse, serait dangereux pour notre salut; on ne peut donc le demander que par subordination aux biens éternels.
§650. 2° Même quand il s'agit de telle ou telle grâce particulière, il importe de ne la demander qu'en conformité à la volonté divine. Dieu sait mieux que nous, dans son infinie sagesse, ce qui convient à chaque âme, selon sa condition et son degré de perfection. Comme le fait remarquer avec raison S. François de Sales, nous devons vouloir notre salut comme Dieu le veut, et, par suite, vouloir et embrasser d'une résolution absolue les grâces qu'il nous départit: car il faut que notre volonté corresponde à la sienne [°379]; mais lorsqu'il s'agit de grâces particulières, comme de telle ou telle forme d'oraison, de consolations ou de sécheresses, etc, il ne faut rien demander d'une façon absolue, il faut tout subordonner au bon plaisir de Dieu [°380]. Il distribue les grâces de consolation ou de sécheresse, de repos ou de combat, selon les desseins de son infinie sagesse et les besoins de notre âme. Nous n'avons donc qu'à nous abandonner à lui pour le choix des grâces qui nous sont les plus utiles. Sans doute il nous est bien permis de formuler un désir, mais avec une humble soumission à la volonté de notre Père céleste: il nous exaucera toujours, si nous prions comme il faut; mais parfois il nous accordera plus et mieux que nous ne demandons, et, loin de nous en plaindre, nous ne pouvons que le bénir [°381].
Les conditions les plus essentielles pour assurer l'efficacité de nos prières sont: l'humilité, la confiance et l'attention, ou du moins l'effort sérieux pour être attentif.
§651. 1° L'humilité découle de la nature même de la prière. Puisque la grâce est essentiellement gratuite, que nous n'y avons aucun droit, nous sommes, dit S. Augustin, des mendiants par rapport à Dieu, et nous devons implorer de sa miséricorde ce que nous ne pouvons obtenir en justice. C'est bien ainsi que priait Abraham, qui en présence de la majesté divine, se regardait comme un peu de poussière et de cendre: «Loquar ad Dominum Deum, cum sim pulvis et cinis» [Gn 18:27]; ainsi que priait Daniel, quand il demandait la délivrance du peuple juif en s'appuyant, non sur ses mérites et vertus, mais sur l'abondance des miséricordes divines: «Neque enim in justificationibus nostris prosternimus preces ante faciem tuam, sed in miserationibus tuis multis» [Dn 9:18]; c'est ainsi que priait le publicain, qui fut exaucé: «Deus, propitius esto mihi peccatori» [Lc 18:13], tandis que l'orgueilleux pharisien vit sa prière repoussée. Jésus lui-même nous en donne la raison: «Quiconque s'exalte sera humilié, et qui s'humilie sera exalté: quia omnis qui se exaltat humiliabitur, et qui se humiliat exaltabitur». Ses disciples l'ont bien compris, et S. Jacques nous dit avec insistance: «Dieu résiste aux superbes, et donne sa grâce aux humbles: Deus superbis resistit, humilibus autem dat gratiam» [Jc 4:6]. Ce n'est que justice: le superbe s'attribue à lui-même l'efficacité de sa prière, tandis que l'humble l'attribue à Dieu. Or voulons-nous que Dieu nous exauce aux dépens de sa propre gloire, pour nourrir et entretenir notre vanité? L'humble au contraire avoue sincèrement qu'il tient tout de Dieu: en l'exauçant, Dieu travaille donc pour sa gloire en même temps que pour le bien du suppliant.
§652. 2° Aussi la vraie humilité engendre la confiance, cette confiance qui se base non sur nos mérites, mais sur l'infinie bonté de Dieu et sur les mérites de Jésus-Christ.
a) La foi nous enseigne que Dieu est miséricorde, et qu'à ce titre il s'incline avec d'autant plus d'amour vers nous que nous reconnaissons davantage nos misères: car la misère appelle la miséricorde. L'invoquer avec confiance, c'est au fond l'honorer, c'est proclamer qu'il est la source de tous les biens, et ne désire rien tant que de nous les accorder. Aussi, dans la Sainte Écriture, il nous déclare maintes et maintes fois qu'il exauce ceux qui espèrent en lui: «Quoniam in me speravit, liberabo eum: clamabit ad me, et ego exaudiam eum» [°382] Notre Seigneur nous invite à prier avec confiance, et, pour inculquer cette disposition, a recours non seulement aux exhortations les plus pressantes mais encore aux paraboles les plus touchantes. Après avoir affirmé que qui demande reçoit, il ajoute: «Qui de vous, si son fils lui demande du pain, lui donnera une pierre?... Si donc vous, tout méchants que vous êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il ce qui est bon à ceux qui le prient?» [Mt 7:7-11]. Il y revient à la dernière Cène: «En vérité, en vérité, je vous le dis... tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je vous le ferai» [Jn 14:13-14]... «En ce jour-là, vous demanderez en mon nom, et je ne vous dis point que je prierai le Père pour vous. Car le Père lui-même vous aime, parce que vous m'avez aimé» [Jn 16:26-27]. Ce serait donc se défier de Dieu et de ses promesses, ce serait mésestimer les mérites infinis de Jésus et sa toute puissante médiation que de ne pas avoir une absolue confiance en la prière.
§653. b) Sans doute le Bon Dieu semble parfois faire la sourde oreille à nos prières, parce qu'il veut que notre confiance soit persévérante, afin que nous sentions mieux la profondeur de notre misère et le prix de la grâce; mais il nous montre, par l'exemple de la Chananéenne [Mt 15:24-28], que, même lorsqu'il semble nous rebuter, il aime à se laisser faire une douce violence. Une femme de Chanaan vient supplier Jésus de guérir sa fille tourmentée par le démon. Le Maître ne lui répond pas; elle s'adresse alors aux disciples, et les importune de ses cris, si bien que ceux-ci le prient d'intervenir. Il répond que sa mission ne s'étend qu'aux fils d'Israël. Sans se décourager, la pauvre femme se prosterne à ses pieds, en disant: «Seigneur, secourez-moi». Jésus réplique, avec une apparente dureté, qu'il n'est pas bien de prendre le pain des enfants pour le jeter aux petits chiens. - Il est vrai, Seigneur, dit-elle, mais les petits chiens mangent au moins les miettes qui tombent de la table de leur maître. - Vaincu par une confiance si constante et si humble, Jésus accorde enfin la faveur demandée, et guérit à l'heure même sa fille. Pouvait-il mieux nous faire comprendre que, si, malgré nos insuccès, nous persévérons dans une humble confiance, nous sommes sûrs d'être exaucés?
§654. 3° Mais à cette confiance persévérante il faut joindre l'attention, ou du moins un effort sérieux pour penser à ce que nous disons à Dieu. Les distractions involontaires, quand nous essayons de les repousser et d'en diminuer le nombre, ne sont pas un obstacle à la prière, parce que notre âme, en vertu même des efforts que nous faisons, demeure orientée vers Dieu. Mais les distractions volontaires, que nous acceptons de propos délibéré, ou que nous ne repoussons que mollement, ou dont nous ne voulons pas supprimer les causes, sont, dans les prières de précepte, des fautes vénielles, et, dans les autres, des négligences, des manques de respect envers Dieu, qui ne le prédisposent guère à nous exaucer. La prière est une audience que notre Créateur veut bien nous accorder, une conversation avec notre Père du ciel, où nous le supplions de vouloir bien écouter nos paroles, et faire attention à nos requêtes: «Verba mea auribus percipe, Domine... intende voci orationis meae» [Ps 5:2-3]; et, au moment même où nous lui demandons de nous écouter et de nous parler, nous ne ferions pas un effort sérieux pour comprendre ce que nous disons et pour être attentifs aux suggestions divines! Ne serait-ce pas là une inconséquence en même temps qu'un manque de religion? Ne mériterions-nous pas le reproche que Notre Seigneur adressait aux Pharisiens: «Ce peuple m'honore du bout des lèvres, mais son coeur est loin de moi: Populus hic labiis me honorat, cor autem eorum longe est a me» [Mt 15:8].
§655. Il faut donc faire des efforts sérieux pour repousser promptement et énergiquement les distractions qui se présentent à nous, savoir nous en humilier, et en profiter pour renouveler notre union avec Jésus et prier avec lui; il faut aussi diminuer le nombre de nos distractions, en combattant vigoureusement contre leurs causes, la dissipation habituelle de l'esprit, l'habitude de la rêverie, les préoccupations, et attaches qui captivent l'esprit et le coeur, et s'accoutumer peu à peu au souvenir fréquemment renouvelé de la présence de Dieu par l'offrande de ses actions et de pieuses oraisons jaculatoires. Quand nous avons pris ces moyens, il n'y a pas lieu de s'inquiéter des distractions involontaires qui traversent notre esprit ou troublent notre imagination: ce sont des épreuves, non des fautes, et, quand nous savons en profiter, elles augmentent nos mérites et la valeur de nos prières.
§656. L'attention que nous pouvons apporter à nos prières, est triple: 1) quand nous nous appliquons à bien prononcer les paroles, l'attention est verbale et suppose déjà un certain effort pour penser à ce qu'on dit; 2) si on s'applique de préférence à bien comprendre le sens des paroles, l'attention s'appelle littérale ou intellectuelle; 3) si, laissant de côté le sens littéral, l'âme s'élève vers Dieu pour l'adorer, le bénir, s'unir à lui, ou pour entrer dans l'esprit du mystère qu'on honore, ou pour demander à Dieu tout ce que l'Église, tout ce que Jésus lui demande, l'attention est spirituelle ou mystique. Cette dernière ne convient guère aux débutants, mais plutôt aux âmes avancées. Ce qu'il faut donc recommander à ceux qui commencent à goûter la prière c'est l'un ou l'autre des deux premiers genres d'attention, selon le caractère de chacun, ses attraits, et les circonstances où il se trouve.
§657. La prière étant un des grands moyens de salut, le directeur initiera peu à peu les débutants à la pratique de ces exercices spirituels qui forment la trame d'une vie sérieusement chrétienne, en tenant compte de leur âge, de leur vocation, de leurs devoirs d'état, de leur caractère, de leurs attraits surnaturels et de leurs progrès.
§658. 1° Le but à poursuivre, c'est d'arriver progressivement à former les âmes à l'habitude, ou pratique habituelle de la prière, de telle sorte que leur vie soit, dans une certaine mesure, une vie de prière [§522]. Mais il est évident qu'il faut un temps notable et des efforts prolongés pour se rapprocher de cet idéal qui n'est pas à la portée des commençants, mais que le directeur doit connaître pour mieux guider ses pénitents.
§659. 2° Les principaux exercices qui servent à transformer notre vie en une prière habituelle, sont, outre les prières du matin et du soir, que ne manquent pas de faire les bons chrétiens:
A) La méditation du matin, sur laquelle nous allons bientôt revenir, et la sainte messe, avec la sainte communion qui nous montrent l'idéal à poursuivre et nous aident à le réaliser [§524]. Mais il est des personnes qui, à cause de leurs devoirs d'état, ne peuvent assister à la messe chaque jour; elles y suppléeront par une communion spirituelle qui pourra se faire à la fin de la méditation, ou même en vaquant à des occupations manuelles. En tout cas, il faudra leur apprendre à bien profiter de la messe et de la communion, quand elles pourront y assister, en adaptant à leur capacité ce que nous avons dit [§271-289], et surtout à suivre avec intelligence les offices liturgiques des dimanches et des fêtes: la sainte liturgie bien comprise est une des meilleures écoles de perfection.
§660. B) Dans le courant de la journée, il faudra conseiller, outre l'offrande fréquemment renouvelée des actions principales, quelques oraisons jaculatoires, quelques bonnes lectures en rapport avec leur état d'âme, sur les vérités fondamentales, la fin de l'homme, le péché, la mortification, la confession et les examens de conscience, en y ajoutant quelques biographies de saints, célèbres par la pratique de la vertu de pénitence: ce sera une lumière pour l'intelligence, un stimulant pour la volonté et un excellent moyen de faciliter la méditation. La récitation de quelques dizaines de chapelet, en méditant sur les mystères du Rosaire, augmentera la dévotion à la Ste Vierge et l'habitude de s'unir à Notre Seigneur. La visite au S. Sacrement, dont la durée variera avec les occupations, ranimera l'esprit de piété: on pourra se servir avec profit de l'Imitation, surtout du quatrième livre, et des Visites au S. Sacrement de S. Alphonse de Liguori.
§661. C) Le soir, un bon examen de conscience, complété par l'examen particulier, aidera les débutants à constater leurs défaillances, à prévoir les remèdes, à remettre la volonté dans la ferme résolution de mieux faire, et les empêchera ainsi de tomber dans le relâchement ou la tiédeur. Ici encore il sera nécessaire de se rappeler ce que nous avons dit sur les examens [§460-476], et sur la confession [§262-269], en se souvenant que les commençants doivent s'examiner principalement sur les fautes vénielles de propos délibéré, cette vigilance étant le meilleur moyen d'éviter ou de réparer immédiatement les fautes mortelles qui pourraient leur échapper dans un moment de surprise.
§662. 3° Conseils au directeur. A) Le directeur veillera à ce que ses pénitents ne se chargent point d'exercices de piété trop nombreux, qui nuiraient à l'accomplissement de leurs devoirs d'état, ou qui seraient un obstacle à la vraie dévotion. Mieux vaut assurément réciter moins de prières et y mettre plus d'attention et de piété. C'est ce que nous dit N. Seigneur lui-même: «Dans vos prières, ne multipliez pas les paroles, comme font les païens qui s'imaginent être exaucés à force de paroles. Ne leur ressemblez pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous ne le lui demandiez» [Mt 6:7-8]. Et c'est alors qu'il leur enseigne cette courte et substantielle prière du Pater, qui contient tout ce que nous pouvons demander, [§515-516]. Or il y a des commençants qui s'imaginent volontiers que plus ils font de prières vocales et plus ils sont pieux; leur rappeler la parole du Maître, et leur montrer qu'une prière attentive de dix minutes vaut mieux que celle qui en dure vingt, quand elle est parsemée de distractions plus ou moins volontaires, sera leur rendre un grand service. Et pour les aider à fixer leur attention, on leur rappellera que quelques secondes employées à se mettre sous le regard de Dieu et à s'unir à Notre Seigneur, assureront singulièrement l'efficacité de la prière.
§663. B) Quand les mêmes prières sont souvent répétées, il est utile, pour éviter la routine, d'enseigner une méthode simple et facile pour fixer plus parfaitement l'attention. Ainsi en est-il, par exemple, pour le Rosaire; si on a soin de méditer sur les mystères, avec la double intention d'honorer la Ste Vierge et d'attirer en nous la vertu spéciale qui correspond au mystère, on en profite beaucoup mieux; la récitation devient alors une petite méditation. Mais alors il ne sera pas inutile de faire remarquer qu'on ne peut à la fois, généralement du moins, faire attention au sens littéral de l'Ave Maria et à l'esprit du mystère, et qu'il suffit d'avoir en vue l'un ou l'autre.
Nous exposerons: 1° Les notions générales sur la méditation; 2° ses avantages et sa nécessité; 3° les caractères distinctifs de la méditation des commençants; 4° les méthodes principales.
§664. 1° Notion et éléments constitutifs. Nous avons dit [§510], qu'il y a deux sortes de prière: la prière vocale, qui s'exprime par des paroles ou des gestes, et la prière mentale, qui se fait dans l'intérieur de l'âme. Celle-ci se définit: une élévation et une application de notre âme à Dieu, pour lui rendre nos devoirs et en devenir meilleurs pour sa gloire.
Elle comprend cinq éléments principaux: 1) les devoirs de religion qu'on rend à Dieu, ou à Notre Seigneur Jésus Christ ou aux Saints; 2) des considérations sur Dieu et nos rapports avec lui, pour nourrir et fortifier nos convictions sur les vertus chrétiennes; 3) des retours sur soi-même pour constater où nous en sommes dans la pratique des vertus; 4) des prières proprement dites pour demander la grâce nécessaire pour mieux pratiquer telle ou telle vertu; 5) des résolutions pour mieux faire à l'avenir. Il n'est pas nécessaire que ces actes se suivent dans l'ordre que nous venons d'indiquer, ni que tous ces actes se rencontrent dans la même oraison; mais, pour que la prière mérite le nom de méditation, il faut qu'elle se prolonge un certain temps, et se distingue ainsi des oraisons jaculatoires.
Quand les âmes avancent en perfection, et ont acquis des convictions qu'il leur suffit de renouveler rapidement, leur oraison se simplifie et consiste parfois en un simple regard affectueux, comme nous l'expliquerons plus tard.
§665. 2° Origine. Il faut bien distinguer entre l'oraison elle-même et les méthodes d'oraison.
A) La méditation, sous une forme ou sous une autre, a existé de tout temps: les livres des prophètes, les Psaumes, les livres Sapientiaux sont remplis de méditations qui alimentaient la piété des Israélites; et Notre Seigneur, en insistant sur le culte en esprit et en vérité, en passant des nuits en prières, en faisant une longue oraison au jardin des Oliviers et sur le Calvaire, préparait la voie à ces âmes intérieures qui devaient, à travers les âges, se retirer dans la cellule de leur coeur pour y prier Dieu en secret. Les livres de Cassien et de S. Jean Climaque, sans parler des ouvrages des Pères, traitent explicitement de la méditation ou de l'oraison, et même des formes les plus élevées, comme la contemplation. On peut dire que le traité de S. Bernard De Consideratione est au fond un traité sur la nécessité de la réflexion et de la méditation. L'École de S. Victor insiste beaucoup sur la pratique de la méditation pour arriver à la contemplation [°384]. On sait combien S. Thomas recommande la méditation comme un moyen de croître dans l'amour de Dieu et de se donner à lui [°385].
§666. B) Quant à la méditation ou oraison méthodique, elle date du quinzième siècle; on la trouve exposée dans le Rosetum de Jean Mauburnus [°386] et dans les auteurs bénédictins de la même époque. S. Ignace, dans ses Exercices spirituels, donne plusieurs méthodes de méditation très précises et très variées; Ste Thérèse décrit mieux que personne les divers genres d'oraison; et ses disciples tracent les règles d'une oraison méthodique [°387]; S. François de Sales ne manque pas de tracer une méthode d'oraison à sa Philothée, et l'École française du XVIIe siècle aura bientôt la sienne, que M. Olier et M. Tronson perfectionneront, et qui aujourd'hui s'appelle la méthode de S. Sulpice.
§667. Différence entre la méditation et l'oraison. Les mots de méditation et d'oraison se prennent souvent l'un pour l'autre; quand on les distingue, le premier nom est réservé à cette forme de prière mentale où domine la considération ou le raisonnement, et qui, pour cette raison, s'appelle méditation discursive; la seconde appellation s'applique surtout à ces formes de prière mentale où dominent les pieuses affections ou les actes de volonté. Mais la méditation discursive elle-même contient déjà des affections et l'oraison affective est généralement précédée ou accompagnée de quelques considérations, sauf quand l'âme est saisie par la lumière de la contemplation.
§668. Le genre d'oraison qui convient généralement aux débutants est celui de la méditation discursive, qui leur est nécessaire pour acquérir ou fortifier leurs convictions. Toutefois il est des âmes affectives qui, presque dès le début, font une large part aux affections; et tous doivent être avertis que la meilleure partie de l'oraison consiste dans les actes de volonté.
§669. La méditation telle que nous l'avons décrite, est très utile au salut et à la perfection.
1° Elle nous détache du péché et de ses causes. Si nous péchons en effet, c'est par irréflexion et faiblesse de volonté. Or la méditation corrige ce double défaut.
a) Elle nous éclaire en effet sur la malice du péché et ses redoutables effets, en nous les montrant à la lumière de Dieu, de l'éternité et de ce qu'a fait Jésus pour expier le péché. «C'est elle, nous dit le P. Crasset [°388], qui nous conduit (par la pensée) dans ces sacrés déserts, où l'on trouve Dieu seul, dans la paix, dans le repos, dans le silence et dans le recueillement. C'est elle qui nous mène spirituellement en enfer pour y voir notre place; au cimetière pour y voir notre demeure; au ciel, pour y voir notre trône, à la vallée de Josaphat, pour y voir notre juge; en Bethléem, pour y voir notre Sauveur; au Thabor, pour y voir notre amour; au Calvaire, pour y voir notre exemple». -- Elle nous détache aussi du monde et de ses faux plaisirs: elle nous rappelle la fragilité des biens temporels, les soucis qu'ils nous apportent, le vide et le dégoût qu'ils laissent dans l'âme; elle nous prémunit contre la perfidie et la corruption du monde, et nous fait comprendre que Dieu seul peut faire notre bonheur. -- Elle nous détache surtout de nous-mêmes, de notre orgueil, de notre sensualité, en nous mettant en face de Dieu, qui est la plénitude de l'être, et de notre néant, et en nous montrant que les plaisirs sensuels nous abaissent au-dessous de la brute, tandis que les joies divines nous ennoblissent et nous élèvent jusqu'à Dieu.
b) Elle fortifie notre volonté non seulement en nous donnant des convictions, comme nous venons de le dire, mais en guérissant peu à peu notre inertie, notre lâcheté et notre inconstance: seule en effet la grâce de Dieu, aidée de notre coopération, peut guérir ces faiblesses. Or l'oraison nous fait solliciter cette grâce avec d'autant plus d'ardeur que par la réflexion nous avons mieux senti notre impuissance; et les actes de regret, de contrition et de ferme propos que nous formons pendant l'oraison, avec les résolutions que nous y prenons, sont déjà une coopération active à la grâce.
§670. 2° Elle nous fait aussi pratiquer toutes les grandes vertus chrétiennes: 1) elle éclaire notre foi, en nous remettant sous les yeux les vérités éternelles, soutient notre espérance en nous donnant accès auprès de Dieu pour obtenir son secours, stimule notre charité, en nous manifestant la beauté et la bonté de Dieu; 2) elle nous rend prudents par les considérations qu'elle nous suggère avant d'agir, justes en conformant notre volonté à celle de Dieu, forts en nous faisant participer à la puissance divine, tempérants en calmant l'ardeur de nos désirs et de nos passions. Il n'est donc pas de vertu chrétienne que nous ne puissions acquérir avec l'oraison quotidienne: par elle nous adhérons à la vérité, et la vérité, en nous délivrant de nos vices, nous fait pratiquer la vertu: «cognoscetis veritatem, et veritas liberabit vos» [Jn 8:32].
§671. 3° Ainsi elle prépare notre union et même notre transformation en Dieu. C'est en effet une conversation avec Dieu, qui devient chaque jour plus intime, plus affectueuse et plus prolongée: car elle se continue, au milieu même de l'action tout le long du jour [§522]. Or, à force de fréquenter l'auteur de toutes les perfections, on s'en imbibe, on s'en pénètre, comme l'éponge se remplit du liquide dans lequel elle est plongée, comme le fer placé dans la fournaise s'embrase, s'assouplit et prend les qualités du feu.
§672. 1° Pour les simples chrétiens [°389]. A) La méditation méthodique est un moyen de sanctification très efficace, mais n'est pas cependant nécessaire au salut pour l'ensemble des chrétiens. Ce qui est nécessaire, c'est de prier pour rendre ses devoirs à Dieu et en recevoir des grâces: ce qui ne peut se faire évidemment sans une certaine attention de l'esprit et un désir du coeur. Sans doute il faut ajouter à la prière des réflexions sur les grandes vérités et les principaux devoirs chrétiens, et les accompagner de retours sur soi-même; mais tout ceci peut se faire sans méditation méthodique, en écoutant les instructions paroissiales, en faisant de bonnes lectures, et en examinant sa conscience.
§673. B) Elle est cependant très utile et salutaire à tous ceux qui veulent progresser et sauver leur âme, aux débutants comme aux âmes plus avancées; on peut même dire que c'est le moyen le plus efficace d'assurer son salut [§669]. C'est l'enseignement de S. Alphonse; et il en donne cette raison: avec les autres exercices de piété, comme le rosaire, le petit office de la Ste Vierge, le jeûne, on peut malheureusement continuer de vivre dans le péché mortel; mais avec l'oraison on ne peut demeurer longtemps dans le péché grave: ou l'on abandonnera l'oraison ou on renoncera au péché [°390]. Comment en effet se présenter chaque jour devant Dieu, auteur de toute sainteté, avec la conscience nette qu'on est en état de péché mortel, sans prendre, avec le secours de la grâce, la ferme résolution de détester son péché et d'aller se jeter aux pieds d'un confesseur pour obtenir le pardon dont on voit l'absolue nécessité? Si au contraire on n'a pas un moment fixe et une méthode déterminée pour réfléchir sur les grandes vérités, on se laisse entraîner par la dissipation, les exemples du monde, et on glisse insensiblement dans le péché.
§674. 2° Nécessité morale de l'oraison pour les prêtres du ministère. Nous ne parlons pas ici des prêtres qui, étant religieux, et récitant l'office divin lentement et pieusement, peuvent trouver dans cette récitation et dans les lectures et prières qu'ils font un équivalent à l'oraison. Toutefois nous remarquons que, même dans les Ordres où l'on psalmodie l'office, la règle prescrit au moins une demi-heure d'oraison, précisément parce qu'on est persuadé que la prière mentale est l'âme des prières vocales et en assure la fervente récitation. Nous ajoutons que les Congrégations fondées depuis le XVIe siècle insistent plus encore sur l'oraison, et que le Code de Droit Canon prescrit aux Supérieurs de veiller à ce que tous les religieux, non légitimement empêchés, consacrent chaque jour un certain temps à l'oraison mentale [°391].
Mais nous parlons des prêtres du ministère, absorbés dans les travaux apostoliques, et nous disons que la pratique habituelle de l'oraison, à une heure réglée, est moralement nécessaire à leur persévérance et à leur sanctification. Ils ont en effet des devoirs nombreux et importants à remplir sous peine de faute grave, et par ailleurs ils sont parfois soumis à des tentations obsédantes au milieu même de l'exercice de leur ministère.
§675. A) Or, pour résister à ces tentations et accomplir fidèlement et surnaturellement tous leurs devoirs, il faut qu'ils aient des convictions profondes et des grâces de choix qui soutiennent leur volonté chancelante; et de l'aveu de tous, c'est dans l'oraison quotidienne que l'on acquiert les unes et les autres.
Et qu'on ne dise pas qu'eux aussi peuvent trouver dans la sainte messe et l'office divin des équivalents à l'oraison. Assurément la messe et le bréviaire dits avec attention et dévotion sont des moyens efficaces de persévérance et de progrès. Mais l'expérience montre qu'un prêtre, absorbé dans les travaux du ministère, ne s'acquitte bien de ces deux devoirs si importants qu'à la condition de puiser dans l'oraison habituelle l'esprit de recueillement et de prière. S'il néglige ce saint exercice, comment trouvera-t-il au milieu des occupations et des tracas qui l'assiègent, le temps de se recueillir sérieusement et de se retremper dans l'esprit surnaturel? Et s'il ne le fait pas, il est bientôt envahi par des distractions nombreuses, même au milieu des occupations les plus saintes, ses convictions s'affaiblissent, son énergie diminue, ses négligences et ses défaillances augmentent, la tiédeur survient; et quand la tentation se présente, grave, persistante, obsédante, il n'a plus présentes à l'esprit les fortes convictions nécessaires pour repousser l'ennemi, et il est exposé à succomber [°392]. «Si je fais oraison, dit Dom Chautard [°393], je suis comme revêtu d'une armure d'acier, et invulnérable aux flèches ennemies. Sans l'oraison, elles m'atteindront sûrement... Oraison ou très grand risque de damnation pour le prêtre en contact avec le monde, déclarait sans hésiter le pieux, docte et prudent P. Desurmont, l'un des plus expérimentés prédicateurs de retraites ecclésiastiques. Pour l'apôtre, pas de milieu entre la sainteté sinon acquise, du moins désirée et poursuivie (surtout par l'oraison quotidienne), et la perversion progressive, dit à son tour le Card. Lavigerie».
§676. B). Il ne lui suffit pas d'ailleurs d'éviter le péché; pour accomplir ses devoirs de religieux de Dieu et de sauveur d'âmes, il faut qu'il soit habituellement uni à Jésus le Souverain Prêtre, qui seul glorifie Dieu et sauve les âmes. Or comment s'unira-t-il à lui, au milieu des occupations et préoccupations du ministère, s'il n'a pas un temps réglé et suffisamment prolongé pour se retremper dans cette union, pour penser longuement et affectueusement à ce divin Modèle, et par la prière attirer en lui son esprit, ses dispositions, sa grâce? Par cette union ses énergies sont centuplées, sa confiance considérablement augmentée, et la fécondité de son ministère assurée: ce n'est pas lui qui parle, c'est Jésus qui parle par sa bouche, tanquam Deo exhortante per nos; ce n'est pas lui qui agit, il n'est qu'un instrument entre les mains de Dieu; et parce qu'il s'efforce d'imiter les vertus de Notre Seigneur, son exemple entraîne les âmes encore plus que ses paroles. Qu'il cesse de faire oraison, il perdra l'habitude du recueillement et de la prière, et ne sera plus qu'un airain sonore et une cymbale retentissante.
§677. Aussi le Pape Pie X, de sainte mémoire, a proclamé nettement la nécessité de l'oraison pour le prêtre [°394]; et le Code de Droit Canon prescrit aux Evêques de veiller à ce que les prêtres consacrent chaque jour quelque temps à l'oraison mentale «ut iidem quotidie orationi mentali per aliquod tempus incumbant» (can. 125, 2°); et que les élèves du Séminaire fassent de même: «ut alumni Seminarii singulis diebus... per aliquod tempus mentali orationi vacent» (can. 1367, 1°). N'est-ce pas là proclamer équivalemment la nécessité morale de l'oraison pour les ecclésiastiques?
C'est donc manquer de psychologie que de conseiller aux prêtres, absorbés dans la vie paroissiale, de laisser de côté la méditation pour dire plus pieusement la messe et le bréviaire. L'expérience montre que, quand on ne fait plus oraison, la récitation pieuse de l'office divin est presque impossible et on le dit quand on le peut et comme on le peut, avec de nombreuses interruptions, l'esprit tout occupé de ce qu'on a entendu ou de ce qu'on va dire. En réalité c'est l'oraison du matin qui assure la pieuse célébration de la messe et qui permet de se recueillir avant de commencer le bréviaire [°395].
§678. Ce que nous disons des prêtres, ne peut-on pas le dire aussi, dans une certaine mesure, de ces généreux laïques qui consacrent une partie de leur temps à l'apostolat? S'ils veulent que cet apostolat soit fécond, il faut qu'il soit vivifié par l'esprit intérieur et l'oraison. Qu'on ne dise pas que le temps donné à cet exercice est retranché aux oeuvres de zèle. Ce serait friser l'erreur pélagienne, en s'imaginant que l'action est plus nécessaire que la grâce et la prière, tandis qu'en réalité l'apostolat est d'autant plus fécond qu'il est inspiré par une vie intérieure plus profonde, alimentée elle-même par l'oraison.
Nous avons déjà dit que la méditation des débutants est surtout discursive, et que le raisonnement y domine, tout en laissant une certaine place aux affections de la volonté. Il nous reste à exposer: 1° sur quels sujets ils méditent ordinairement; 2° quelles difficultés ils rencontrent.
§679. Ils doivent méditer, d'une façon générale, sur tout ce qui peut leur inspirer une horreur croissante du péché, sur les causes de leurs fautes, sur la mortification qui y porte remède, sur leurs principaux devoirs d'état, sur le bon usage et l'abus de la grâce, sur Jésus modèle des pénitents.
§680. 1° Afin de concevoir une horreur croissante pour le péché, ils méditeront: a) sur la fin de l'homme et du chrétien, par conséquent sur la création et l'élévation de l'homme à l'état surnaturel, la chute et la rédemption [§59-87]; sur les droits de Dieu, créateur, sanctificateur et rédempteur; sur certains attributs divins qui peuvent les éloigner du péché, comme son immensité qui le rend présent à toute créature et surtout à l'âme en état de grâce, sa sainteté qui l'oblige à haïr le péché; sa justice qui le châtie; sa miséricorde qui l'incline à pardonner. Toutes ces vérités en effet tendent à nous faire fuir le péché, le seul obstacle à notre fin, l'ennemi de Dieu, le destructeur de la vie surnaturelle que Dieu nous a donnée comme la grande marque de son amour, et que le Rédempteur nous a restituée au prix de son sang.
b) Sur le péché lui-même: son origine, son châtiment, sa malice, ses redoutables effets [§711-735]; sur les causes qui nous portent au péché, la concupiscence, le monde et le démon [§193-227].
c) Sur les moyens d'expier et de prévenir le péché, la pénitence [§705], et la mortification de nos diverses facultés, de nos tendances vicieuses, et surtout des sept péchés capitaux, en tirant cette conclusion pratique qu'on n'est pas en sûreté, tant qu'on n'a pas extirpé ou du moins maîtrisé toutes ces inclinations vicieuses: nous traiterons bientôt de toutes ces questions.
§681. 2° Il faut aussi méditer successivement sur tous les devoirs positifs du chrétien: 1) devoirs généraux de religion envers Dieu, de charité à l'égard du prochain, de légitime défiance de soi-même, à cause de notre impuissance et de nos misères: ce qui frappera les débutants, ce sera surtout le côté extérieur de ces vertus, mais ce sera une préparation aux vertus plus solides qu'il pratiquera dans la voie illuminative; -- 2) devoirs particuliers, en rapport avec l'âge, la condition, le sexe, l'état de vie: la pratique de ces devoirs est en effet la meilleure des pénitences.
§682. 3° Comme le rôle de la grâce est capital dans la vie chrétienne, il sera nécessaire d'initier peu à peu les commençants à ce qu'il y a de fondamental dans la vie chrétienne, en transposant pour eux ce que nous avons dit de l'habitation du Saint Esprit dans notre âme, de notre incorporation au Christ, de la grâce habituelle, des vertus et des dons. Sans doute, ils ne saisiront d'abord que les premiers éléments de ces grandes vérités, mais le peu qu'ils en comprendront aura une très grande influence sur leur formation et leur progrès spirituel; c'est quand on médite sur ce que Dieu a fait et ne cesse de faire pour nous qu'on se sent porté à être plus généreux à son service. N'oublions pas que saint Paul et saint Jean prêchaient ces vérités aux païens convertis, qui eux aussi ne faisaient que débuter dans la vie spirituelle.
§683. 4° C'est alors qu'on pourra plus facilement leur proposer Jésus comme modèle des vrais pénitents: Jésus se condamnant à la pauvreté, à l'obéissance, au travail pour nous donner l'exemple de ces vertus; Jésus, faisant pénitence pour nous dans le désert, au jardin des Oliviers, dans sa douloureuse passion; Jésus mourant pour nous sur la croix. Cette série de méditations, que l'Église nous présente chaque année dans sa liturgie, aura l'avantage de faire pratiquer la pénitence en union avec Jésus-Christ avec plus de générosité et d'amour, et par là même avec plus d'efficacité.
Les difficultés spéciales que les commençants trouvent dans la méditation viennent de leur inexpérience, de leur manque de générosité et surtout des nombreuses distractions auxquelles ils sont sujets.
§684. A) À cause de leur inexpérience, ils sont exposés à transformer leur méditation en une sorte de thèse philosophique ou théologique, ou en une sorte de sermon qu'ils se font à eux-mêmes. Sans doute ce n'est pas là du temps perdu, puisque malgré tout cette façon de méditer les fait penser aux grandes vérités et affermit leurs convictions. Toutefois ils en retireraient plus de profit, s'ils procédaient d'une façon plus pratique et plus surnaturelle.
C'est ce que leur enseignera un bon directeur. Il leur fera remarquer: a) que ces considérations, pour être pratiques, doivent être plus personnelles, s'appliquer à eux-mêmes, être suivies d'un examen pour voir où ils en sont de la pratique de ces vérités, et ce qu'ils peuvent faire pour en vivre dans le courant de la journée; b) que ce qu'il y a de plus important dans l'oraison, ce sont les actes de la volonté, actes d'adoration, de reconnaissance et d'amour à l'égard de Dieu, actes d'humiliation, de contrition et de bon propos par rapport à leurs péchés, actes de demande pour obtenir la grâce de se réformer, résolutions fermes et fréquemment renouvelées de mieux faire pendant toute la journée.
§685. B) Leur manque de générosité les expose à se décourager quand ils ne sont plus soutenus par les consolations sensibles que Dieu leur avait gracieusement octroyées pour les attirer à lui au début; les difficultés, les premières sécheresses les rebutent, et, se croyant abandonnés par Dieu, ils se laissent aller au relâchement. Il faut donc leur montrer que ce que Dieu nous demande, c'est l'effort et non pas le succès, qu'il y a d'autant plus de mérite à prier qu'on persévère dans la prière, malgré les difficultés qu'on y éprouve, et que Dieu, se montrant si généreux à notre égard, c'est une lâcheté que de reculer devant l'effort. Ce langage sera tempéré par beaucoup de douceur dans la manière dont on rappellera ces vérités, par des encouragements très paternels.
§686. C) Mais le plus grand obstacle vient des distractions: comme au début, l'imagination, la sensibilité, et les attaches sont loin d'être maîtrisées, les images profanes et parfois dangereuses, les pensées inutiles, et les divers mouvements du coeur envahissent l'âme au moment de la méditation. Ici encore le rôle du directeur est capital.
a) Il rappellera tout d'abord la distinction entre les distractions volontaires [°396], et celles qui ne le sont pas, et invitera son dirigé à ne s'occuper que des premières, pour en diminuer le nombre. Pour y réussir: 1) il faut repousser promptement, énergiquement et constamment les distractions, dès qu'on en a conscience; quand même elles seraient nombreuses ou dangereuses, elles ne sont coupables que si on s'y arrête volontairement; faire effort pour les repousser est un acte très méritoire: si vingt fois elles reviennent à l'assaut et si vingt fois nous les repoussons, ce sera une excellente oraison, beaucoup plus méritoire que celle où, soutenus par la grâce de Dieu, nous en avons eu fort peu.
§687. 2) Pour les mieux repousser, il importe d'avouer humblement son impuissance, de s'unir positivement à Notre Seigneur et d'offrir à Dieu ses adorations et ses prières. -- Au besoin on utilisera un livre pour mieux fixer son attention.
b) Ce n'est pas assez de repousser les distractions; pour en diminuer le nombre, il importe de s'attaquer à la cause. Or beaucoup de distractions viennent du manque de préparation ou de la dissipation habituelle. 1) On les invitera donc à mieux préparer leur oraison la veille au soir, à ne pas se contenter d'une simple lecture, mais à y ajouter un élément personnel en voyant comment le sujet est pratique pour eux en particulier, et en pensant au sujet avant de s'endormir, au lieu de se laisser aller à des rêveries inutiles ou malsaines. 2) Mais surtout on leur indiquera ces moyens de discipliner l'imagination et la mémoire, dont nous parlerons bientôt. Plus en effet l'âme avance dans la pratique du recueillement et du détachement habituel, et plus les distractions diminuent. C'est du reste ce que nous fera mieux comprendre l'étude des méthodes d'oraison.
§688. L'oraison étant un art difficile, les Saints se sont toujours plu à donner divers conseils sur les moyens d'y réussir: on en trouve d'excellents dans Cassien, S. Jean Climaque et les principaux écrivains spirituels. Toutefois ce n'est que vers le XVe siècle qu'ont été élaborées les méthodes proprement dites qui depuis lors ont guidé les âmes dans les voies de l'oraison.
Comme ces méthodes paraissent un peu complexes de prime abord, il est bon d'y préparer les commençants par ce qu'on peut appeler la lecture méditée. On leur conseille de lire quelque livre de piété, comme le premier livre de l'Imitation, le Combat spirituel, ou un livre de méditations courtes et substantielles; et on leur suggère de se poser, après la lecture, les trois questions suivantes: 1° Suis-je bien convaincu que ce que je viens de lire est utile, nécessaire au bien de mon âme, et comment puis-je fortifier cette conviction? 2° Ai-je bien pratiqué jusqu'ici ce point si important? 3° Comment ferai-je pour le mieux pratiquer aujourd'hui? Si on y ajoute une prière ardente pour bien pratiquer la résolution qu'on a prise, on aura tous les éléments essentiels d'une véritable oraison.
Dans les diverses méthodes, on retrouve un certain nombre de traits communs, qu'il importe de signaler, parce qu'ils sont évidemment les plus importants.
§689. 1° Il y a toujours une préparation éloignée, une préparation prochaine et une préparation immédiate.
a) La préparation éloignée n'est autre chose qu'un effort pour mettre sa vie habituelle en harmonie avec l'oraison. Elle comprend trois choses: 1) la mortification des sens et des passions; 2) le recueillement habituel; 3) l'humilité. Ce sont là en effet d'excellentes dispositions pour bien prier: au début, elles n'existent qu'imparfaitement, mais cela suffit pour qu'on puisse méditer avec quelque fruit; plus tard elles se perfectionneront au fur et à mesure qu'on fera des progrès dans l'oraison.
b) La préparation prochaine comprend trois actes principaux: 1) lire ou écouter le sujet de méditation la veille au soir; 2) y penser à son réveil et exciter dans son coeur des sentiments qui y soient conformes; 3) se mettre à la méditation avec ardeur, confiance et humilité, avec le désir de glorifier Dieu et de devenir meilleur. Ainsi l'âme se trouve toute disposée à converser avec Dieu.
c) La préparation immédiate, qui n'est au fond que le commencement de l'oraison, consiste à se mettre en la présence de Dieu, présent, partout et surtout en notre coeur, à se reconnaître indigne et incapable de méditer, et à implorer le secours du Saint Esprit pour suppléer à notre insuffisance.
§690. 2° Dans le corps de l'oraison, les diverses méthodes contiennent aussi, plus ou moins explicitement, les mêmes actes fondamentaux:
a) Des actes pour rendre à la divine majesté les devoirs de religion qui lui sont dus;
b) des considérations pour se convaincre de la nécessité ou de la très grande utilité de la vertu qu'on veut acquérir, afin de prier avec plus de ferveur pour obtenir la grâce de la pratiquer et de déterminer la volonté à faire les efforts nécessaires pour coopérer à la grâce;
c) des examens ou retours sur soi-même pour constater ses défaillances sur ce point; et le chemin qui reste à parcourir;
d) des prières ou demandes pour obtenir la grâce de progresser en cette vertu et de prendre les moyens nécessaires à cet effet;
e) des résolutions, par lesquelles on se détermine à pratiquer, dès le jour même, la vertu sur laquelle on a médité.
§691. 3° La conclusion, qui termine la méditation, embrasse à la fois: 1) une action de grâces pour les bienfaits reçus; 2) une revue de la manière dont on a fait sa méditation, en vue de la perfectionner le jour suivant; 3) une dernière prière pour demander la bénédiction de notre Père céleste; 4) et le choix d'une pensée ou maxime frappante qui nous rappelle pendant la journée l'idée maîtresse de notre méditation, et qu'on appelle le bouquet spirituel.
Les différentes méthodes se ramènent aux deux types principaux qu'on appelle: méthode de S. Ignace et méthode de S.-Sulpice.
§692. Dans les Exercices spirituels, S. Ignace propose successivement plusieurs méthodes d'oraison, selon les sujets sur lesquels on médite et les résultats qu'on veut obtenir. La méthode qui généralement convient le mieux aux commençants est celle qui est dite des trois puissances, parce qu'on y exerce les trois principales facultés, la mémoire, l'entendement et la volonté. Elle se trouve exposée dans la première semaine, à propos de la méditation sur le péché.
§693. 1° Commencement de la méditation. Elle débute par une oraison préparatoire, où l'on demande à Dieu que toutes nos intentions et actions soient dirigées uniquement au service et à la louange de sa Divine Majesté: excellente direction d'intention.
Viennent ensuite deux préludes: a) le premier, qui est la composition de lieu, a pour but de fixer l'imagination et l'esprit sur le sujet de la méditation, pour écarter plus facilement les distractions: 1) si l'objet est sensible, comme un mystère de Notre Seigneur, on se le représente aussi vivement que possible non pas comme un fait accompli depuis longtemps, mais comme si on était soi-même témoin des faits, comme si on y prenait part: ce qui est évidemment de nature à saisir davantage; 2) si l'objet est invisible, comme le péché, «la composition de lieu sera de voir des yeux de l'imagination et de considérer mon âme emprisonnée dans ce corps mortel, et moi-même c'est-à-dire mon corps et mon âme, dans cette vallée de larmes, comme exilé parmi les animaux privés de raison»; en d'autres termes, on considère le péché dans quelques-uns de ses effets, pour en concevoir déjà l'horreur.
b) Le second prélude consiste à demander à Dieu ce que je veux et ce que je désire, par exemple, la honte et la confusion de moi-même à la vue de mes péchés. -- Comme on le voit, le but pratique, la résolution s'affirme nettement dès le début: in omnibus respice finem.
§694. 2° Le corps de la méditation consiste dans l'application des trois puissances de l'âme (la mémoire, l'entendement et la volonté) à chacun des points de l'oraison. On applique successivement chacune des puissance à chacun des points, à moins qu'un seul ne fournisse une matière suffisante pour toute la méditation. Mais il n'est pas nécessaire de faire dans chaque méditation tous les actes indiqués: il est bon de s'arrêter aux affections et sentiments suggérés par le sujet.
a) L'exercice de la mémoire se fait en se rappelant le premier point à méditer, non pas en détail, mais dans son ensemble; ainsi, dit S. Ignace, «cet exercice de la mémoire sur le péché des anges consiste à se remettre dans la pensée comment ils furent créés dans l'état d'innocence; comment ils refusèrent de se servir de leur liberté pour rendre à leur Créateur et Seigneur l'hommage et l'obéissance qui lui étaient dus; comment l'orgueil venant à s'emparer de leur esprit, ils passèrent de l'état de grâce à un état de malice, et furent précipités du ciel en enfer».
b) L'exercice de l'entendement consiste à réfléchir plus en détail sur le même sujet. S. Ignace n'entre pas dans plus de développements; mais le P. Roothaan y supplée, en expliquant que le devoir de l'entendement est de faire des réflexions sur les vérités que la mémoire a proposées, de les appliquer à l'âme et à ses besoins, d'en tirer des conséquences pratiques, de peser les motifs de nos résolutions, de considérer comment jusqu'ici nous avons conformé notre conduite aux vérités que nous méditons, et comment nous devons le faire dans la suite.
c) La volonté a deux devoirs à remplir: s'exciter à de pieuses affections et former de bonnes résolutions. 1) Les affections doivent sans doute être répandues dans toute la méditation; elles doivent du moins être très fréquentes, puisque ce sont elles qui font de la méditation une vraie prière; mais c'est surtout vers la fin de la méditation qu'il faut les multiplier. On ne doit pas se mettre en peine de la manière de les exprimer: les façons les plus simples sont encore les meilleures. Lorsqu'un bon sentiment s'impose à nous, il est bon de le nourrir le plus longtemps possible jusqu'à ce que notre dévotion soit satisfaite. 2) Les résolutions seront pratiques, propres à perfectionner notre vie, et par là même particulières, appropriées à notre état présent, susceptibles d'être mise à exécution le jour même, fondées sur des motifs solides, humbles et par conséquent accompagnées de prières pour obtenir la grâce de les mettre en pratique.
§695. 3° Vient enfin la conclusion, qui comprend trois choses: la récapitulation des diverses résolutions déjà prises; -- de pieux colloques avec Dieu le Père, Notre Seigneur, la Ste Vierge ou quelque saint; enfin la revue de la méditation ou l'examen sur la manière dont on a médité, pour constater ses imperfections et y remédier.
Pour mieux faire comprendre la méthode, nous donnons le tableau synoptique des préludes, du corps de l'oraison et de la conclusion.
I. Préludes: 1° Souvenir rapide de la vérité à méditer. 2° Construction du lieu par l'imagination. 3° Demander une grâce spéciale conforme au sujet. II. Corps de la méditation, on exerce: 1° la mémoire: on se représente en gros le sujet à son esprit avec les principales circonstances. 2° l'entendement: J'examine: 1° ce que je dois considérer dans ce sujet. 2° quelles conclusions pratiques je dois en tirer. 3° quels en sont les motifs? 4° comment ai-je observé ce point? 5° que dois-je faire pour le mieux observer? 6° quels obstacles dois-je écarter? 7° quels moyens employer? 3° la volonté 1° par des affections produites dans tout le cours de la méditation, surtout à la fin. 2° par des résolutions prises à la fin de chaque point: pratiques personnelles, solides, humbles, confiantes. III. Conclusion: 1° colloques : avec Dieu, Jésus-Christ, la Ste Vierge, les Saints. 2° revue: 1° comment ai-je fait la méditation? 2° en quoi et pourquoi l'ai-je bien ou mal faite? 3° quelles conclusions pratiques en ai-je tirées, quelles demandes faites, quelles résolutions prises, quelles lumières reçues? 4° recueillir une pensée pour bouquet spirituel.
§696. Utilité de cette méthode. Comme on le voit, cette méthode est très psychologique et très pratique. a) Elle saisit toutes les facultés, y compris l'imagination, les applique successivement au sujet de la méditation, et introduit ainsi un élément de variété qui permet de considérer la même vérité sous ses aspects divers, de la tourner et de la retourner dans notre esprit, pour nous en pénétrer, acquérir des convictions et surtout en tirer des conclusions pratiques pour le jour même.
b) Tout en insistant sur le rôle important de la volonté, qui se détermine à bon escient, après avoir longuement considéré les motifs, elle ne néglige pas le rôle de la grâce: on la demande avec instance dès le début, et on y revient dans les colloques.
c) Elle est tout particulièrement adaptée aux commençants; car elle précise jusque dans les moindres détails ce qu'il faut faire depuis la préparation jusqu'à la conclusion, et sert de fil conducteur qui empêche nos facultés de s'égarer. Par ailleurs elle ne suppose pas une connaissance approfondie du dogme, mais seulement celle que le catéchisme nous en donne, et s'adapte ainsi aux simples fidèles.
d) Cependant elle convient aussi, quand on la simplifie, aux âmes plus avancées; si on se contente en effet des grandes lignes tracées par S. Ignace, sans entrer dans tous les détails ajoutés par le P. Roothaan, on peut facilement la transformer en une oraison affective qui laissera une large part aux inspirations de la grâce. Le tout est de savoir s'en servir d'une façon intelligente, sous la sage conduite d'un directeur expérimenté.
e) On lui a parfois reproché de ne pas faire la place assez large à N. S. Jésus-Christ. Sans doute il n'en est question qu'incidemment dans la méthode des trois puissances; mais il est d'autres méthodes enseignées par S. Ignace, en particulier la contemplation des mystères et l'application des sens ou Notre Seigneur devient l'objet principal de la méditation [°398].
Or rien n'empêche les débutants d'utiliser l'une et l'autre. L'objection n'est donc pas fondée quand on suit les méthodes ignatiennes jusqu'au bout.
§697. A) Origine. Cette méthode, venue après plusieurs autres, s'en est inspirée pour le détail; mais l'idée-mère et les grandes lignes viennent du Cardinal de Bérulle, du P. de Condren et de M. Olier; les détails complémentaires de M. Tronson.
a) L'idée-mère, c'est l'union, l'adhérence au Verbe Incarné pour rendre à Dieu les actes de religion qui lui sont dus, et reproduire en soi les vertus de J.-C.
b) Les trois actes essentiels sont: 1) l'adoration, par laquelle nous considérons un attribut ou une perfection de Dieu, ou une vertu de N. S. Jésus-Christ comme le modèle de la vertu que nous devons pratiquer, et rendons ensuite nos devoirs de religion (adoration, admiration, louange, remerciement, amour, joie ou compassion) à l'un ou à l'autre, ou à Dieu par Jésus-Christ: en rendant ainsi nos hommages à l'auteur de la grâce, nous le disposons à nous écouter favorablement; 2) la communion, par laquelle nous attirons en nous, grâce à la prière, la perfection ou la vertu que nous avons adorée et admirée en Dieu ou en Notre Seigneur; 3) la coopération, où, sous l'influence de la grâce, nous nous déterminons à pratiquer cette vertu, en prenant au moins une résolution que nous nous efforçons de mettre à exécution pendant la journée.
Telles sont les grandes lignes qu'on retrouve dans Bérulle, Condren et Olier.
§698. B) Les compléments de M. Tronson. Mais il est évident que ces grandes lignes qui suffisent aux âmes avancées, eussent été insuffisantes pour des débutants. On s'en aperçut vite au Séminaire de S. Sulpice, et, tout en conservant l'esprit, et les éléments essentiels de la méthode primitive, M. Tronson ajouta au deuxième point (communion) les considérations et les retours sur soi-même si indispensables à ceux qui commencent; quand on est convaincu de l'importance et de la nécessité d'une vertu, et quand on voit clairement qu'elle nous manque, on la demande, avec beaucoup plus de ferveur, d'humilité et de constance. Il reste donc que, dans cette méthode, on insiste, même pour les débutants, sur la prière comme sur l'élément principal. C'est pour cela que le troisième point s'appelle coopération, afin de nous rappeler que nos résolutions sont l'effet de la grâce encore plus que de notre volonté, mais que par ailleurs la grâce ne fait rien en nous sans notre coopération, et que, tout le long du jour, nous devons collaborer avec Jésus-Christ en faisant des efforts pour reproduire la vertu sur laquelle nous avons médité.
§699. C) Résumé de la méthode. Le tableau synoptique suivant donnera une idée suffisante de la méthode. Nous laissons de côté la préparation éloignée, qui est la même que celle que nous avons exposée [§689].
I. Préparation Prochaine 1° La veille au soir, faire le choix du sujet d'oraison et déterminer d'une façon précise ce qu'il faudra considérer en N.-S., -- les considérations et les demandes qu'il faudra faire, -- les résolutions qu'il faudra prendre; 2° Se tenir ensuite dans un grand recueillement et s'endormir en pensant au sujet d'oraison; 3° Après son lever, prendre le premier moment libre pour vaquer à ce saint exercice. Immédiate 1° Se mettre en la présence de Dieu qui est partout, et surtout en notre coeur; 2° S'humilier devant Dieu au souvenir de ses péchés. Contrition. Récitation du Confiteor; 3° Se reconnaître incapable de prier comme il faut. Invocation au Saint-Esprit: récitation du Veni, Sancte Spiritus. II. Corps de l'oraison 1er point: Adoration: Jésus devant les yeux 1° Considérer en Dieu, en N.-S. ou en quelque Saint le sujet que l'on va méditer: les sentiments de son coeur, ses paroles, ses actions; 2° Lui rendre nos devoirs: adoration, admiration, louanges, actions de grâces, amour, joie ou compassion. 2e point: Communion: Jésus attiré dans le coeur 1° Se convaincre de la nécessité ou utilité de la vertu considérée, par des motifs de foi, par raisonnement ou par simple analyse. 2° Faire réflexion sur soi avec des sentiments de contrition pour le passé, de confusion pour le présent, de désir pour l'avenir; 3° Demander à Dieu la vertu sur laquelle on médite (c'est surtout par cette demande que nous entrons en participation des vertus de Notre-Seigneur). -- Demander aussi tous nos autres besoins, ceux de l'Église et des personnes pour lesquelles nous devons prier. 3e point: Coopération: Jésus dans les mains 1° Prendre une résolution particulière, présente, efficace, humble. 2° Renouveler la résolution de son examen particulier. III. Conclusion 1° Remercier Dieu de nous avoir accordé tant de grâces dans l'oraison; 2° Lui demander pardon de nos fautes et de nos négligences dans ce saint exercice; 3° Le prier de bénir nos résolutions, la journée présente, notre vie, notre mort; 4° Former un bouquet spirituel, c'est à dire choisir une des pensées qui nous ont frappé davantage, pour nous en souvenir dans la journée et rappeler les résolutions; 5° Confier le tout à la Très Sainte Vierge. Sub tuum praesidium.
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