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«Ça s'en vient! Ça s'en vient!»
(Grigory Gagarin. La Colonne d'Alexandre entouré d'échafaudages.
Source)
Certaines personnes (incluant tous les catholiques) prétendent que la Science peut prouver l'existence de Dieu. Je ne peux pas faire une telle démonstration dans ce bref essai, mais je peux faire un premier débroussaillage qui est presque inévitablement hautement nécessaire.
Un des obstacles importants auquel se heurtent les gens qui veulent examiner les preuves de l'existence de Dieu sont les nombreuses fausses idées qui circulent à leur sujet. Essayons d'en corriger quelques unes:
1.1) Ces preuves ne sont pas une sorte de déduction purement rationnelle de l'existence de Jésus-Christ, ou de la Trinité, etc. Les dogmes catholiques ne sont pas absurdes ou irrationnels, mais ils sont au-dessus de notre raison [Denzinger, N° 2776, etc.]. La raison peut vérifier l'authenticité de la Révélation [Denzinger N° 2756, etc.], mais elle ne peut pas «fabriquer» cette Révélation par elle-même.
1.2) Elles ne sont pas une sorte de «Deuxième Bible». Ce n'est pas comme si on pouvait croire à la Bible, ou croire à la philosophie. Par définition, si vous «croyez à la science», vous ne faites pas de la science. Voir entre autres: «N'est-il pas anti-scientifique de croire à la science?».
1.3) Il y a toutes sortes de «preuves» de l'existence de Dieu qui circulent, et qui sont fausses et inutiles. Si vous avez déjà dû prouver quelque chose dans un examen de mathématique, vous savez que ce n'est pas parce que quelqu'un essaie de prouver quelque chose, que la preuve est nécessairement bonne!
1.4) Elles ne sont pas accessibles à tous. Si vous n'avez pas assez d'intelligence, ou pas assez d'années de temps libre, ou pas assez d'argent pour aller à l'université, alors vous ne pouvez pas étudier sérieusement ces preuves. Oui, c'est injuste, mais on parle de science, pas de religion. L'idée que tout le monde peut être sauvé, s'ils se repentent de leur péchés et croient n'est pas une idée qui nous vient de la science, mais bien de notre culture judéo-chrétienne.
1.5) Elles ne sont pas miraculeuses ni dans leur démarche, ni dans leur résultat. Dans la Bible, Saul le persécuteur de l'Église tombe en bas de son cheval, et avant d'avoir frappé le sol, il est déjà devenu chrétien. De tels miracles ne se produisent pas en science, même si plusieurs étudiants aimeraient bien pouvoir se coucher complètement ignorants le soir, et se réveiller le matin de l'examen débordants de connaissances!
Pour que ces preuves puissent prouver quoi que ce soit, plusieurs pré-requis «intrinsèques» doivent être satisfaits, c'est-à-dire des choses exigées par la nature même du problème. Essayons d'en énumérer quelques-unes:
2.1) Pour faire quelque chose scientifiquement, il faut savoir ce qu'est la science. Si vous ne pouvez pas expliquer clairement ce qu'est la science, quelles sont les sciences principales, et pourquoi la Philosophie est aussi une science, vous perdez votre temps à tripoter des preuves scientifiques de l'existence de Dieu.
2.2) Pour prouver quoi que ce soit, il faut savoir ce qu'est une preuve. Vous devez savoir ce qu'est la Logique, ce qu'est l'induction, la déduction, quels sont les divers types de démonstration, etc.
2.3) Vous ne pouvez prouver l'existence de Dieu à partir de ses effets, si vous ignorez ses effets. Les preuves de l'existence de Dieu procèdent a posteriori, et non a priori, c'est-à-dire qu'ils procèdent des effets à leur cause [Denzinger, N° 3622]. Mais si vous n'avez pas étudié la philosophie de la nature (le changement, la puissance et l'acte, la causalité, le temps, l'espace, la matière, la vie, la finalité, etc.), vous n'aurez pas la base sur laquelle appuyer vos preuves.
2.4) Vous ne pouvez avoir la certitude de l'existence de Dieu, si vous n'avez pas la certitude de quoi que ce soit. À un moment donné dans votre formation scientifique, vous devez vous poser la question: «Pouvons-nous vraiment connaître la vérité?» En d'autres mots, vous devez étudier la partie de la philosophie qu'on appelle la critériologie.
Etc., etc.
Une autre manière de dire la même chose est qu'«une chaîne n'est pas plus solide que son maillon le plus faible». Si vous voulez qu'une preuve de l'existence de Dieu «fonctionne» pour vous, vous devez avoir en tête tous ces maillons. Si un vient à manquer, ou n'est pas solide, vous pourrez avoir de nombreux livres de science sur vos étagères, mais vous n'aurez pas la partie essentielle de la preuve, c'est-à-dire que votre raison ne sera pas entraînée nécessairement à la conclusion.
Déjà avec ce qui précède, on est devant plusieurs années de labeur intellectuel. Mais ce n'est pas tout! C'est plusieurs années de dur travail dans le cas idéal où votre raison et votre volonté sont en bonne condition. En d'autres mots, si (presque par miracle) vous avez été préservé de toutes les erreurs intellectuelles et perversions morales qui circulent de nos jours, vous pourrez ramasser un bon livre de philosophie et commencer à apprendre.
Commençons avec la raison. Malheureusement, la plupart des gens ont été «contaminés» plus ou moins consciemment avec de sérieuses erreurs philosophiques. Ces erreurs doivent être éliminées, autrement essayer de prouver l'existence de Dieu est une perte de temps. La liste de ces erreurs est sans fin, mais en voici quelques-unes:
3.1) Le matérialisme. Si vous êtes convaincu que seule la matière existe, bien entendu on peut oublier Dieu! Mais d'un autre côté, vous pouvez aussi vous oublier vous-mêmes, puisque vos pensées ne sont qu'un épiphénomène de la matière!
3.2) Le scepticisme. Si vous avez été piégés par les philosophes corrompus qui enseignent que «nos sens nous trompent», et qu'«on ne peut rien connaître avec certitude», alors on sait tous avec une certitude absolue que vous ne serez pas capable de prouver l'existence de Dieu!
3.3) Le positivisme. Si vous êtes convaincus que la philosophie n'est pas une science, alors vous n'êtes pas en train de faire ce que vous êtes en train de faire, puisque ce que vous êtes en train de faire de la philosophie, et que la philosophie n'existe pas.
Etc., etc.
Bien sur, la réfutation sérieuse de ces erreurs et des autres prend du temps, et de l'aide professionnelle. Pour l'instant, ma recommandation est le Précis d'histoire de la philosophie de Thonnard.
Deuxièmement, il y a les perversions morales. C'est encore plus difficile à guérir que les erreurs de la raison. Voir entre autres «Nul n'est plus aveugle que celui qui ne veut pas voir».
Si vous êtes vraiment intéressés aux preuves de l'existence de Dieu, vous aurez besoin de livres de philosophie sérieux. Mon préféré, en ce moment, est le Précis de philosophie de Thonnard (ce n'est pas la même chose que son Précis d'histoire de la philosophie, même s'il est bon aussi). J'essaie aussi de trouver quelque chose de mieux, avec le projet «MaPhiThoSO».
En attendant, étudier une preuve scientifique n'est pas comme aller au cinéma. On ne peut pas «gâcher tout l'effet» en disant à quelqu'un comment se termine l'histoire. Alors voici une version brève de ces preuves:
4.1) La première et la plus manifeste est celle qui se prend du mouvement. Il est évident, nos sens nous l'attestent, que dans ce monde certaines choses se meuvent. Or, tout ce qui se meut est mû par un autre. En effet, rien ne se meut qu'autant qu'il est en puissance par rapport au terme de son mouvement, tandis qu'au contraire, ce qui meut le fait pour autant qu'il est en acte; car mouvoir, c'est faire passer de la puissance à l'acte, et rien ne peut être amené à l'acte autrement que par un être en acte, comme un corps chaud en acte, tel le feu, rend chaud en acte le bois qui était auparavant chaud en puissance, et par là il le meut et l'altère. Or il n'est pas possible que le même être, envisagé sous le même rapport, soit à la fois en acte et en puissance; il ne le peut que sous des rapports divers ; par exemple, ce qui est chaud en acte ne peut pas être en même temps chaud en puissance; mais il est, en même temps, froid en puissance. Il est donc impossible que sous le même rapport et de la même manière quelque chose soit à la fois mouvant et mû, c'est-à-dire qu'il se meuve lui-même. Il faut donc que tout ce qui se meut soit mû par un autre. Donc, si la chose qui meut est mue elle-même, il faut qu'elle aussi soit mue par une autre, et celle-ci par une autre encore. Or, on ne peut ainsi continuer à l'infini, car dans ce cas il n'y aurait pas de moteur premier, et il s'ensuivrait qu'il n'y aurait pas non plus d'autres moteurs, car les moteurs seconds ne meuvent que selon qu'ils sont mus par le moteur premier, comme le bâton ne meut que s'il est mû par la main. Donc il est nécessaire de parvenir à un moteur premier qui ne soit lui-même mû par aucun autre, et un tel être, tout le monde comprend que c'est Dieu.
4.2) La seconde voie part de la notion de cause efficiente. Nous constatons, à observer les choses sensibles, qu'il y a un ordre entre les causes efficientes; mais ce qui ne se trouve pas et qui n'est pas possible, c'est qu'une chose soit la cause efficiente d'elle-même, ce qui la supposerait antérieure à elle-même, chose impossible. Or, il n'est pas possible non plus qu'on remonte à l'infini dans les causes efficientes; car, parmi toutes les causes efficientes ordonnées entre elles, la première est cause des intermédiaires et les intermédiaires sont causes du dernier terme, que ces intermédiaires soient nombreux ou qu'il n'y en ait qu'un seul. D'autre part, supprimez la cause, vous supprimez aussi l'effet. Donc, s'il n'y a pas de premier, dans l'ordre des causes efficientes, il n'y aura ni dernier ni intermédiaire. Mais si l'on devait monter à l'infini dans la série des causes efficientes, il n'y aurait pas de cause première ; en conséquence, il n'y aurait ni effet dernier, ni cause efficiente intermédiaire, ce qui est évidemment faux. Il faut donc nécessairement affirmer qu'il existe une cause efficiente première, que tous appellent Dieu.
4.3) La troisième voie se prend du possible et du nécessaire, et la voici. Parmi les choses, nous en trouvons qui peuvent être et ne pas être la preuve, c'est que certaines choses naissent et disparaissent, et par conséquent ont la possibilité d'exister et de ne pas exister. Mais il est impossible que tout ce qui est de telle nature existe toujours ; car ce qui peut ne pas exister n'existe pas à un certain moment. Si donc tout peut ne pas exister, à un moment donné, rien n'a existé. Or, si c'était vrai, maintenant encore rien n'existerait ; car ce qui n'existe pas ne commence à exister que par quelque chose qui existe. Donc, s'il n'y a eu aucun être, il a été impossible que rien commençât d'exister, et ainsi, aujourd'hui, il n'y aurait rien, ce qu'on voit être faux. Donc, tous les êtres ne sont pas seulement possibles, et il y a du nécessaire dans les choses. Or, tout ce qui est nécessaire, ou bien tire sa nécessité d'ailleurs, ou bien non. Et il n'est pas possible d'aller à l'infini dans la série des nécessaires ayant une cause de leur nécessité, pas plus que pour les causes efficientes, comme on vient de le prouver. On est donc contraint d'affirmer l'existence d'un Être nécessaire par lui-même, qui ne tire pas d'ailleurs sa nécessité, mais qui est cause de la nécessité que l'on trouve hors de lui, et que tous appellent Dieu.
4.4) La quatrième voie procède des degrés que l'on trouve dans les choses. On voit en effet dans les choses du plus ou moins bon, du plus ou moins vrai, du plus ou moins noble, etc. Or, une qualité est attribuée en plus ou en moins à des choses diverses selon leur proximité différente à l'égard de la chose en laquelle cette qualité est réalisée au suprême degré; par exemple, on dira plus chaud ce qui se rapproche davantage de ce qui est superlativement chaud. Il y a donc quelque chose qui est souverainement vrai, souverainement bon, souverainement noble, et par conséquent aussi souverainement être, car, comme le fait voir Aristote dans la Métaphysique, le plus haut degré du vrai coïncide avec le plus haut degré de l'être. D'autre part, ce qui est au sommet de la perfection dans un genre donné, est cause de cette même perfection en tous ceux qui appartiennent à ce genre: ainsi le feu, qui est superlativement chaud, est cause de la chaleur de tout ce qui est chaud, comme il est dit au même livre. Il y a donc un être qui est, pour tous les êtres, cause d'être, de bonté et de toute perfection. C'est lui que nous appelons Dieu.
4.5)
La cinquième voie est tirée du gouvernement des choses. Nous voyons que
des êtres privés de connaissance, comme les corps naturels, agissent en vue
d'une fin, ce qui nous est manifesté par le fait que, toujours ou le plus
souvent, ils agissent de la même manière, de façon à réaliser le meilleur ; il
est donc clair que ce n'est pas par hasard, mais en vertu d'une intention
qu'ils parviennent à leur fin. Or, ce qui est privé de connaissance ne peut
tendre à une fin que dirigé par un être connaissant et intelligent, comme la
flèche par l'archer. Il y a donc un être intelligent par lequel toutes choses
naturelles sont ordonnées à leur fin, et cet être, c'est lui que nous appelons
Dieu.
[Summa
Theologica, Ia, q. 2, a. 3]
La théodicée (partie de la science philosophique qui étudie Dieu) ne s'arrête pas là. Après avoir prouvé l'existence de Dieu, elle en déduit certains «attributs», comme la Simplicité, la Bonté, l'Infinité, l'Ubiquité, l'Éternité, l'Unité, la Justice, la Sagesse, la Personnalité (le fait que Dieu est quelqu'un), etc.
Mais il n'est pas sage de vouloir trop en faire dans un seul petit essai de débroussaillage!
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