Pas facile de voir le Visage de Jésus durant une Messe québécoise typique!
(Source)
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Pas facile de voir le Visage de Jésus durant une Messe québécoise typique!
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De nos jours, de quoi a l'air une Messe dominicale typique, au Québec? Voici, pour la postérité, ma tentative de décrire les odeurs, les sons, les couleurs et les émotions d'un tel événement.
Vous arrivez bien sûr un peu en avance. Si vous êtes très chanceux, il y aura un prêtre dans le confessional. Après vous être signé avec l'eau bénite en entrant, et avoir fait une bonne génuflexion (genoux à terre le temps de dire: «Jésus-Eucharistie, je Vous adore!»), vous vous assoyez. Les bancs devant vous se remplissent avec des têtes grises et blanches, un peu comme de gros flocons de neige qui arrivent en marchant très lentement. Derrière vous, le vrombissement de la souffleuse à neige (c'est-à-dire des gens qui jacassent bruyamment et constamment à l'entrée) rend difficile votre recueillement.
La Messe commence avec le chant d'entrée, inévitablement insipide dans son contenu et laid dans son interprétation. Vous vous consolez en vous disant que d'endurer un tel chant vaut sûrement plusieurs années au Purgatoire. L'animatrice de la chorale n'est jamais à sa place, en arrière dans le jubé, mais toujours en avant, haut et presque en plein milieu, de manière à compenser l'absence de chanteurs par ses gesticulations.
En fait, ce n'est pas seulement l'animatrice, mais toute la ribambelle de citoyens de l'âge d'or qui arrivent en procession à l'avant, qui vont tout faire pour attirer votre attention durant la cérémonie religieuse. Derrière eux, il y a très souvent un superbe maître-autel surmonté d'un magnifique Tabernacle (normalement vide de la Présence Réelle, qui est reléguée dans un coin ailleurs dans l'église). Vous connaissez l'histoire du niais qui regardait le doigt, alors qu'on tentait de lui montrer la Lune? Eh bien, cette ribambelle en avant va tenter de transformer la Sainte Messe en une longue cérémonie en honneur du Doigt.
(À bien y penser, il y avait une grande sagesse dans la vieille tradition de mettre le prêtre face à Dieu, plutôt que face au peuple.)
Dès que le prêtre s'ouvre la bouche, vous savez si vous allez souffrir pendant une heure. En effet, il y a deux sortes de prêtres: les deux vitesses, et les une vitesse. Les prêtres à une seule vitesse disent la Messe solennellement et correctement.
Les prêtres à deux vitesses, comme leur nom l'indique, passent leur temps à faire grincer la transmission en changeant d'une vitesse à l'autre: «vitesse Jésus», et «vitesse Têtes-à-claques». Ils sont convaincus que tout le monde dans l'église a autant perdu la Foi qu'eux-mêmes, et donc ils essaient «d'agrémenter» la liturgie. Ils font un petit bout de liturgie officielle de l'Église catholique, et changent de vitesse pour faire un autre petit bout de leur cru, pour revenir à la vraie liturgie, et ainsi de suite. Même la qualité du français n'est pas la même d'une vitesse à l'autre:
Salut le monde! Ah ben là, y'a encore en masse de place en avant! J'vais pas vous mordre!
[crrrraque... grince... scrountch...]
Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit...
[crrrraque... grince... scrountch...]
Ben aujourd'hui not' frère Jésus y va nous dire encore que tous nos péchés sont pardonnés automatiquement...
[crrrraque... grince... scrountch...]
Dieu qui peut mettre au coeur de tes fidèles un unique désir, donne à ton peuple d'aimer ce que tu commandes, et d'attendre ce que tu promets...
Etc., etc.
Vous essayez tant bien que mal de vous laisser élever et nourrir par la liturgie que Jésus essaie de vous donner par la bouche de son Église, mais les bruits métalliques de meulage, de fraisage et de concassage venant de la transmission vous font grincer des dents.
L'homélie devrait expliquer les lectures bibliques qu'on vient de faire. En d'autres mots, l'homélie est supposée nous expliquer la Parole de Dieu au point de vue dogmatique (ce qu'il faut croire pour être un bon chrétien), et au point de vue moral (ce qu'il faut faire ici et aujourd'hui pour aller au Ciel).
De nos jours, l'homélie est souvent réduite à une longue paraphrase de la lecture de l'Évangile, saupoudrée de canonisations automatiques de tous et chacun. En effet, le prêtre ne veut déplaire ni aux loups, ni aux brebis. Il évite donc comme la peste de contredire l'esprit du monde, ou s'il le fait, il utilise un langage codé.
Moi, d'habitude je sors dehors dire deux dizaines de chapelet (trois pour les plus coriaces), ou je lis un bon livre comme l'Imitation du Christ. Bien sûr, si je voulais lire le TV Hebdo (la petite revue qui résume tous les programmes de télévision de la semaine), je pourrais aussi écouter l'homélie...
Après la longue prière Eucharistique (qui heureusement est la partie la moins vandalisée de la liturgie), c'est la première ruée du bétail. Pour comprendre ce moment, il faut vous rappeler la course à relais aux Olympiques: un athlète doit passer le bâton au prochain athlète, pendant que les deux courent de toutes leurs forces. Dès que le deuxième coureur a empoigné le bâton, il ne doit surtout pas s'arrêter mais au contraire courir encore plus vite en tenant le bâton bien serré dans sa main!
Régulièrement, après que le ministre extraordinaire de la Sainte Communion m'ait donné le Corps du Christ, il s'en va et laisse en plan les autres fidèles qui sont derrière moi. En effet, mes souliers restent boulonnés au sol pendant une fraction de seconde, entre le moment ou je reçois l'Hostie, et où je consomme l'Hostie. Cette fraction de seconde d'immobilité suffit pour les convaincre qu'il n'y a plus de coureurs sur la piste. Souvent en revenant à ma place j'entends les «Holà! Hey!» des gens qui tentent de rappeler le ministre, qui pensait avoir fini sa journée de travail.
(Ici aussi, à bien y penser, il y avait une grande sagesse dans la vieille tradition de faire agenouiller les gens à la balustrade, plutôt que de les faire rester debout.)
Immédiatement après la Communion, il faut endurer les ongles qui grincent sur le tableau noir du feuillet paroissial. Ensuite, quand la Messe est terminée, il faut endurer la troisième ruée, le temps que l'autre moitié de l'église se vide (la première est sortie avant la fin de la Messe). Enfin! On peut prier et rendre grâce à Dieu pour toutes les grâces qu'Il nous a accordées! (Mais malheureusement, la souffleuse à neige grise recommence souvent à vrombir à l'arrière.)
Le fait qu'il reste quelques jeunes au Québec qui vont encore à la Messe dominicale, malgré tous les efforts des mauvais membres du clergé, est manifestement une preuve de l'existence de Dieu et de la catholicité de Son Église!
Contenu de la Trousse de survie EOO: bouchons d'oreilles couleur peau, un
bon livre, et une aumône.
De nos jours, je souffre beaucoup moins durant les Messes québécoises typiques, grâce à la «Trousse de survie EOO». L'acronyme EOO signifie «Ex Opere Operato»; c'est la très importante doctrine catholique qui dit que lorsque le prêtre fait ce que l'Église veut qu'il fasse, le Sacrement est valide car c'est Jésus qui agit. Ainsi, quand le prêtre dit au confessionnal: «je vous pardonne tous vos péchés», c'est Jésus qui pardonne. Quand le prêtre dit au moment de la Consécration: «ceci est Mon Corps», c'est Jésus qui transforme un petit morceau de pain en Lui, corps, sang, âme et divinité. C'est la belle doctrine du «Ex Opere Operato» qui me fait aller à la Messe, malgré les mauvais prêtres.
La Trousse de survie EOO contient d'abord de bons bouchons d'oreille cotés au moins 25 décibels de réduction de bruit. Ils sont essentiels pour atténuer les mauvais sermons et les mauvais chants, mais aussi les cris des enfants de parents mal élevés, qui s'imaginent qu'une église est un terrain de jeu. Comme un vir ne peut pas mettre de chapeau dans une église, et que mes cheveux sont courts, je les prends couleur peau, pour qu'ils soient moins voyants.
La Trousse contient aussi une pieuse lecture pour être édifié malgré le sermon. Je ne saurais trop recommander l'Imitation du Christ. Enfin, un don pour la quête est important: c'est bien beau «Ex Opere Operato», mais ces prêtres ont donné leur vie pour nous, et ils méritent de pouvoir manger et s'habiller.
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