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Argument typique du Gouvernement du Québec, concernant la religion à l'école.
Note: Cet article est une critique d'un article de Jean-Pierre Proulx, paru dans Le Devoir, 2007-novembre-26, concernant les déclarations récentes du Cardinal Marc Ouellet sur la religion à l'école. M. Proulx est professeur à la faculté des sciences de l'éducation de l'Université de Montréal, et il a présidé le Groupe de travail sur la place de la religion à l'école.
[Vert] Opiniâtre, le cardinal Ouellet est revenu à la charge pour réclamer de l'État qu'il offre un «espace aux Églises et aux groupes religieux reconnus afin qu'ils donnent des cours confessionnels qui soient conçus et rémunérés par eux».
[Jaune] Ses arguments, on le constatera, ne tiennent pas la route.
Distinguo. Certains arguments du Cardinal Ouellet, pas tous. De plus, parfois ses revendications sont bonnes, même si les arguments qu'il offre pour les justifier sont mauvais.
[Vert] Le cardinal invoque d'abord «le droit» des parents. Jusqu'en 2005, la Charte des droits et libertés du Québec leur reconnaissait effectivement «le droit d'exiger que, dans les établissements d'enseignement publics, leurs enfants reçoivent un enseignement moral religieux conforme à leurs convictions».
[Jaune] Or, elle a été modifiée en 2005 et dit maintenant autre chose.
Distinguo. Le Gouvernement respecte peut-être les bouts de papier. Par contre, les bouts de papier ne représentent pas nécessairement les droits réels. Les Cours suprêmes et les Parlements ne sont pas infaillibles. (Voir entre autres: Le Projet de loi C-666.)
Dans le cas précis des droits des parents et de l'Église, l'État outrepasse totalement ses droits en revendiquant un monopole sur l'éducation. Mais pour l'expliquer, il faudrait que le Cardinal explique que Dieu existe et qu'on peut le prouver, que l'homme a une destinée surnaturelle que ne connaît pas l'État, que Dieu a fondé une seule Église, et c'est à cette seule Église que revient la tâche d'orienter les hommes vers leur but surnaturel.
Est-il possible d'expliquer toutes ces choses dans un bref article? Non. Par contre, on peut facilement donner une esquisse du raisonnement, et ensuite donner les références vers les documents qui donnent tous les détails. Remarquez que c'est ce que j'essaie de faire dans le paragraphe précédent. Remarquez aussi que le Cardinal Ouellet fait presque toujours le contraire.
En fait, on pourrait dresser une longue liste en deux colonnes, comparant ce qui devrait être fait, avec ce que le Cardinal fait. Par exemple, pour convertir tout un peuple déchristianisé, il faut un solide site web ayant une forte proportion de contenu dogmatique et moral, alors que le site web du diocèse de Québec ressemble à celui d'une ligue de ringuette. Il faut référer copieusement et constamment à la Bible, au Catéchisme de l'Église catholique, et aux enseignements du Magistère, alors que souvent les documents du Cardinal n'ont aucune référence à ces trois sources essentielles! De plus, il faut se munir d'un Manuel de philosophie, afin de pouvoir appuyer ses affirmations non-théologiques, alors que ni le Cardinal, ni même le Grand séminaire de Québec n'ont rien de comparable, etc.
Pourtant, le Cardinal devrait savoir que lutter contre les athées et les anti-cléricaux, sans le bon véhicule, c'est une recette pour s'embourber rapidement!
Vehicule québécois
mieux adapté à la boue athée et anti-cléricale
[Vert] Nous y reviendrons.
[Vert] Aussi l'archevêque de Québec invoque-t-il plutôt un argument philosophique à l'appui de sa requête. Pour lui,
[Jaune] le fondement du droit à l'enseignement religieux à l'école découle de la responsabilité première des parents dans l'éducation de leurs enfants.
En partie. L'autre fondement, qui est totalement omis par le Cardinal, même s'il est clairement affirmé par le Magistère, est que l'Église a des droits inaliénables.
[Rouge] Mais ce raisonnement ne tient pas. En effet, si cette responsabilité parentale entraînait l'obligation corrélative des États d'offrir des enseignements confessionnels dans les écoles publiques, on devrait condamner la plupart des provinces du Canada, les États-Unis et la France et combien d'autres, qui ne le font pas.
L'argument de M. Proulx se résume à: «Si le droit X existait, il serait respecté. Or le droit X n'est pas respecté, donc il n'existe pas». Avec un tel argument, on peut justifier le racisme, l'esclavage, enfin, n'importe quoi!
Si on veut savoir si un droit existe ou pas, une enquête sociologique va nous donner un bon indice. Mais l'erreur est humaine (et les groupes humains aussi peuvent se tromper). C'est pourquoi l'argument final devra être fondé sur la nature même des droits des parents et de l'Église.
[Vert] En revanche, le droit international et le droit québécois reconnaissent aux parents «le droit d'assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs convictions [...]» (Art. 41 de la Charte québécoise des droits et libertés). Si l'État n'a pas l'obligation d'assurer lui-même l'exercice de ce droit, il doit cependant en permettre l'exercice. Soit qu'il le fasse lui-même, soit qu'il reconnaisse le droit des parents de choisir pour leurs enfants des écoles privées confessionnelles.
[Rouge] Or ce droit est pleinement reconnu. Le Québec satisfait donc pleinement à ses obligations.
Précisément pas. Le Cours du Gouvernement est imposé à tous, et l'État viole le droit de l'Église «de fonder et de diriger librement des écoles de tout ordre et de tout degré» [Gravissimum educationis, N° 8]. Pensez-y: même les écoles privées catholiques ne peuvent plus enseigner le catholicisme!
[Vert] Le cardinal invoque encore le respect de la «tradition québécoise relative à la transmission des connaissances religieuses à l'école». On quitte ici la sphère du droit. La réponse à cet argument a déjà été donnée dans le débat démocratique clos en 2005. Les importants changements qu'a connus le Québec depuis 50 ans, observables notamment à travers la sécularisation des citoyens et la diversité religieuse de sa population, justifiaient l'abandon de cette tradition ou plutôt son évolution.
Et ici, je suis à 100% d'accord avec M. Proulx! C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles je suis si fâché contre les maladresses du Cardinal Ouellet. En répétant continuellement (et faussement) que le Québec est majoritairement catholique, le Cardinal fournit un argument massue à nos adversaires! N'importe qui peut constater que la population québécoise, en grande majorité, se fout éperdument de l'élimination du catholicisme de nos écoles. Donc, si elle ne s'en plaint pas, c'est qu'elle est d'accord!
En fait, la population s'en fout, car la population a apostasié. Mais nul évêque au Québec n'ose parler de cet «éléphant dans la sacristie», comme on dit. C'est pourquoi je défends M. Proulx sur ce point. Il raisonne correctement à partir de l'information incorrecte que lui fournit le Cardinal.
[Vert] Non pas vers une négation de l'univers religieux, mais plutôt par sa réappropriation, cette fois dans une visée culturelle, plurielle et patrimoniale. Le nouveau programme propose effectivement ce que souhaite le cardinal, soit «transmettre des connaissances religieuses», mais autrement et en accordant de surcroît la priorité à la tradition chrétienne.
Encore ici, M. Proulx a conditionnellement raison. Si les affirmations du Cardinal sont vraies, alors M. Proulx raisonne correctement. Si l'école catholique a pour but de «transmettre des connaissances religieuses», alors rien n'empêche une école non-chrétienne de transmettre ces mêmes connaissances!
Par contre, si l'école catholique a pour but de transmettre la Foi catholique, alors il faut avoir la Foi, pour la transmettre! En effet:
l'Évangile n'est pas uniquement une communication d'éléments que l'on peut
connaître, mais une communication qui produit des faits et qui change la vie.
[Spe salvi, N° 2]
Mais trop d'évêques du Québec semblent se ficher éperdument de la transmission de la Foi. En effet, le dernier sondage dont j'ai entendu parler révélait que plus de la moitié des gens qui donnaient des cours de catéchèse étaient athées ou non-catholiques! De plus, les rares fois où j'ai pu examiner les cours de religion donnés aux jeunes dans les écoles «catholiques» du Québec, ce n'était même pas de vrais cours de catéchèse. Alors ici aussi, on peut comprendre que M. Proulx soit mêlé!
Plus profondément, ceci nous mène à une réflexion sociologique. Un peuple ne change pas radicalement du jour au lendemain. La disparition des cours de catéchèse de nos écoles n'est pas un évènement soudain. Il a été préparé par plus de quarante ans de schisme à peine voilé, causé par les évêques «catholiques» du Québec. Ce qu'on observe, c'est simplement un réalignement des lois avec les réalités sociologiques sous-jacentes.
[Vert] M. Ouellet pousse toutefois plus loin sa requête. Il voudrait «qu'au nom de la liberté religieuse de chacun, le cours d'éthique et de culture religieuse soit optionnel».
[Rouge] Pourtant, la liberté religieuse n'est en rien en cause ici, car le cours dont il est question n'a aucune visée confessionnelle. Il ne prend parti ni en faveur d'une religion ni contre une religion. Il vise essentiellement à faire «comprendre le phénomène religieux».
Encore une fois, si un cours de catéchèse a pour but de transmettre une «culture», une «connaissance», comme le répète constamment le Cardinal, M. Proulx a raison. Sauf que si on veut transmettre la Foi catholique, se faire imposer un cours qui ne transmet pas la Foi catholique, c'est grave!
[Vert] Ce faisant, le Québec satisfait aussi à ses obligations internationales. Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, je le rappelle, reconnaît aux parents «le droit de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants, conformément à leurs propres convictions» (l'article 41 de notre charte en est la réplique). Or le Bureau du haut-commissaire des droits de l'homme des Nations unies, chargé d'en formuler l'interprétation officielle, écrit que cette disposition «permet l'enseignement dans les établissements [Rouge] publics [Fin Rouge] de sujets tels que [Rouge] l'histoire générale des religions et la morale [Fin Rouge], à condition qu'il soit dispensé d'une manière impartiale et objective, respectueuse des libertés d'opinion, de conviction et d'expression». C'est très exactement la visée du programme québécois.
Primo, ce Bureau parle des écoles publiques, pas des écoles privées.
Secundo, un cours de catéchèse n'est pas un cours d'histoire des religions. Nous revendiquons, entre autres, le droit de donner des cours de catéchèse, pas des cours d'histoire.
Tertio, le Cours du Gouvernement n'est précisément pas un cours de Morale! Le Cours lui-même l'affirme, et on peut le constater en le lisant. C'est un cours de religion, la religion de la Théorie des valeurs. Voir une fois de plus: Comment empoisonner vos enfants avec un cours d'éthique et de culture religieuse.
[Rouge] Aussi faut-il rejeter comme irrecevable l'accusation du cardinal selon laquelle l'Assemblée nationale abuserait en imposant un programme d'éthique et de culture religieuse. Elle a plutôt bien fait son devoir en voulant former des citoyens cultivés en matière religieuse, tolérants et capables de dialogue.
Quand l'État empêche les écoles privées catholiques d'enseigner le catholicisme, il faut être embourbé intellectuellement pour prétendre que l'État respecte les droits des parents et de l'Église!
[Vert] Cela dit, il n'est pas impossible que des parents prétendent de bonne foi que ce programme porte atteinte à leur liberté religieuse, mais ils conservent le droit de tenter d'en convaincre un tribunal. S'ils devaient obtenir gain de cause, il appartiendrait de trouver un accommodement, telle l'exemption.
Les droits des parents et de l'Église en matière de transmission de la Foi catholique sont inviolables. Ils ne dépendent pas des décisions humaines (tribunaux, parlements, etc.). Mais le Cardinal affirme précisément le contraire, alors je comprends la confusion de M. Proulx.
[Vert] J'ouvre ici une parenthèse. L'indignation scandalisée du cardinal suscitée par le fait que le cours d'éthique et de culture religieuse sera aussi obligatoire dans les établissements privés catholiques n'a pas ému ceux-ci. En effet, dans une récente publication intitulée L'Aspect confessionnel du projet éducatif de l'école privée dans le contexte d'application du programme éthique et culture religieuse, la Fédération des établissements d'enseignement privés conclut que «loin d'être une cause de repli, ce virage donne accès à un défi extraordinaire d'ouverture et d'engagement».
Une fois de plus, M. Proulx a raison quant aux effets observables, et tort quant à la cause profonde de ces effets. La cause profonde n'est pas l'accord des vrais catholiques avec cette loi injuste. La cause profonde est l'apostasie généralisée du Québec, les écoles pseudo-catholiques, et les évêques hérétiques. Tant que le Cardinal va pudiquement refuser de parler de l'éléphant dans la sacristie, les gens comme M. Proulx ne pourront pas voir leur erreur.
[Vert] Enfin, le cardinal se retranche derrière un ultime argument. L'espace (et le temps) qu'il réclame aux écoles pour que les confessions puissent y dispenser «des cours confessionnels qui soient conçus et rémunérés par elles», constitue, a-t-il répété, un «accommodement très raisonnable». L'argument ici est pure rhétorique. En effet, il ne s'agit pas d'un accommodement raisonnable, car le fait de ne pas offrir d'enseignement confessionnel à l'école publique ne constitue pas une norme.
[Rouge] On ne porte atteinte à aucun droit ni à aucune liberté.
Si l'État respectait le droit de l'Église «de fonder et de diriger librement des écoles de tout ordre et de tout degré», M. Proulx aurait raison. Sauf que c'est exactement le contraire qui se produit.
[Vert] Ce que réclame l'archevêque est plutôt un arrangement. Il lui apparaît en effet plus commode que les enfants puissent recevoir l'enseignement confessionnel à l'école plutôt qu'à la paroisse. On n'est plus ici dans l'ordre des principes, mais sur le terrain de la pratique comme deux voisins de bonne foi négocient l'usage de leur parking commun.
Encore ici, si le Cardinal a raison, l'interprétation de M. Proulx «tient la route». Sauf que le Cardinal ne présente pas la position de l'Église.
[Vert] Je signale pour mémoire que le Groupe de travail sur la place de la religion avait recommandé en 1999 que la «Loi sur l'instruction publique précise que les conseils d'établissement peuvent mettre, en dehors des heures d'enseignement, les locaux de l'école à la disposition des groupes religieux désireux d'organiser un enseignement ou des services à l'intention de leurs membres qui fréquente l'école, et ce, à la charge de ces groupes». Il invoquait à l'appui de cette recommandation la mission communautaire de l'école.
[Vert] La plupart des diocèses ont choisi d'assumer la formation religieuse des jeunes dans le cadre paroissial. Sans doute ont-ils jugé que cela valait mieux en vue de former de futurs chrétiens pleinement engagés dans leur communauté. Mais c'est là une question pastorale à régler en Église.
Encore ici, M. Proulx a conditionnellement raison. Si les sottises proférées par la plupart de nos évêques et nos curés sont vraies, alors l'interprétation de M. Proulx «tient la route». J'ai moi-même personnellement entendu mon curé beugler en chaire contre les gens qui tentent de défendre les droits de l'Église! Il a comparé ces gens, de façon méprisante, aux Israélites qui murmuraient contre Moïse et qui s'ennuyaient du «bon vieux temps» en Égypte! Mais mon curé cite aussi rarement les enseignements du Magistère, que son propre évêque, le Cardinal Marc Ouellet!
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