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(Pablo Picasso. Science et Charité.
[Source])
Normalement, cette section sur les «Sermons perdus» contient ce qui m'apparaît comme les bonnes vérités de dogme et de morale de l'Église catholique. Ce texte-ci est une exception notable. Il ne présente que mon opinion.
La réponse brève à la question «Un catholique devrait-il critiquer publiquement certaines décisions de ses supérieurs?» est:
Normalement non! Mais c'est parfois nécessaire dans certains cas graves.
Avant de tenter d'expliquer cette réponse brève, je dois d'abord réaffirmer certaines vérités fondamentales à propos de moi-même:
2.1) Je prie deux fois par jour pour notre Pape, et notre Évêque, afin que Dieu leur accorde sa Lumière et sa Force afin qu'ils puissent bien gouverner l'Église.
2.2) Je veux rester soumis à Jésus («Dieu premier servi!», disait sainte Jeanne d'Arc), et par conséquent rester soumis à la hiérarchie ecclésiastique. Voir entre autres ma Profession de foi.
2.3) Dès que je découvrirai quelqu'un qui fait grosso-modo ce que je fais, mais avec plus d'autorité que moi (comme par exemple un prêtre, ou un évêque), j'offrirai mes services à cette personne, et retirerai avec plaisir tout mon site web de l'Internet, si cette personne en fait la demande.
2.4) Je n'aime pas voir ou discuter des problèmes de notre Mère l'Église catholique dans les forum publics. J'aimerais beaucoup mieux être dans une Église où tous les membres sont parfaits!
2.5) D'une certaine manière, j'aimerais bien changer d'Église, ou fonder ma propre religion. Cela éliminerait le problème! Mais je suis convaincu que Dieu existe, et que Dieu a fondé l'Église catholique. Ma conscience m'ordonne donc de rester dans cette Église.
2.6) D'une certaine manière, j'aimerais bien être fou! Si j'étais fou, ou si toute cette histoire de «mauvaises décisions prises par des prêtres et des évêques» n'était qu'une illusion causée par mon orgueil, alors j'irais danser dans la rue! Cela serait une chose merveilleuse! Ma Mère l'Église ne serait pas en train de souffrir ici au Québec!
2.7) Je me sens mal à l'aise de critiquer mes supérieurs quand je relis la leçon 7 de «L'École des chefs».
Afin de comprendre pourquoi on peut avoir à critiquer publiquement un supérieur, il faut réfléchir sur ce qu'est un «supérieur».
Les hommes étant ce qu'ils sont, c'est-à-dire des animaux doués de raison et de liberté, ne peuvent pas atteindre leur fin sans se regrouper en société. Et «se regrouper en société» signifie mettre une unité morale (c'est-à-dire une unité dans les raisons et les volontés) dans une multiplicité. La production et l'entretien de cette unité morale est un sujet fascinant que je ne comprends pas encore parfaitement, mais essayons d'y réfléchir.
La métaphore standard, pour l'unité morale dans la multiplicité des hommes, est le groupe de gens qui veulent traverser le fleuve dans une barque. Si un seul homme dans cette barque avait un cerveau, et que tous les autres n'avaient que des muscles, le choix du capitaine serait évident, et il serait tout aussi évident que les matelots devraient ramer et se taire! Le problème de la critique des supérieurs existe pour deux raisons: (i) le capitaine de la barque n'a pas une raison et une volonté parfaite (en fait, tous les hommes sont blessés par l'ignorance, la malice, la faiblesse et la concupiscence), et (ii) même le dernier des matelots n'a pas que des muscles.
Les matelots doivent toujours respecter le capitaine, et normalement lui obéir, sinon la barque va couler ou ne jamais traverser le fleuve. Le capitaine doit trouver le meilleur trajet pour traverser le fleuve, l'expliquer aux matelots, et ensuite encourager tous les matelots à ramer en cadence dans la bonne direction. Le capitaine doit aussi punir les matelots qui jouent au poker sans ramer, ou qui donnent des coups de rame aux passagers, etc. Mais qu'arrive-t-il si le capitaine se met à boire du whiskey, à jeter des passagers par-dessus bord, ou même à diriger la barque vers des chutes mortelles?
Ici, il faut «débarquer de notre métaphore», car on parle de l'Église catholique, pas d'une barque et d'un fleuve. La solution à un cas grave où un supérieur mène ses subordonnés au désastre n'est pas toujours simple. Par contre, selon moi, au moins trois choses sont claires.
3.1) Premièrement, les fidèles laïcs aussi ont un cerveau:
Les fidèles ont la liberté de faire connaître aux Pasteurs de l'Église
leurs besoins surtout spirituels, ainsi que leurs souhaits.
[Code de droit canonique, Canon 212, §2]
Selon le savoir, la compétence et le prestige dont ils jouissent, ils ont
le droit et même parfois le devoir de donner aux Pasteurs sacrés leur
opinion sur ce qui touche le bien de l'Église et de la faire connaître
aux autres fidèles [...]
[Code de droit canonique, Canon 212, §3]
3.2) Deuxièmement, l'histoire nous enseigne que certaines personnes ont déjà critiqué publiquement le clergé, comme certains prophètes [Ez 34], un certain charpentier qui habitait à Nazareth [Lc 11:39-52], et même la Mère de ce simple charpentier (mais pour qui Elle se prend?):
Les prêtres [...] par leur mauvaise vie, par leur irrévérence et leur impiété à
célébrer les saints mystères [...] sont devenus des cloaques d'impureté. [...]
Malheur aux prêtres, et aux personnes consacrées à Dieu [...]! Les péchés des
personnes consacrées à Dieu crient vers le Ciel et appellent la vengeance, et
voilà que la vengeance est à leurs portes [...].
[Message
de la Sainte Vierge à Mélanie Calvat à la Salette, 1846-sept-19]
3.3) Troisièmement, nous avons parfois le devoir de parler contre nos supérieurs religieux:
Remarquons toutefois que, s'il y avait danger pour la Foi, les supérieurs
devraient être repris par les inférieurs, même en public.
[Somme théologique, IIa-IIae, q. 33, a. 4, ad. 2]
c'est charité de crier au loup quand il est entre les brebis, et même
où qu'il soit.
[Saint François de Sales,
L'Introduction
à la vie dévote, 3e partie, ch. 29.]
Voici certaines des (possiblement plus nombreuses) conditions qui doivent toutes être satisfaites pour qu'un inférieur puisse critiquer publiquement son supérieur religieux:
4.1) «Pas touche» au Pape, en tant que Pape. À un moment donné, il faut des limites. Par exemple, un simple soldat peut critiquer une décision de son capitaine ou de son colonel, si cette décision est contraire aux ordres explicites du général. Mais on ne doit pas critiquer le général publiquement.
D'un autre côté, lorsque le Pape ne parle pas en tant que Pape, mais donne son opinion personnelle, il y a certaines exceptions.
4.2)
Les problèmes doivent être très graves. Si les erreurs faites par
vos supérieurs sont mineures, vous pouvez les ignorer sans causer un tort
sérieux!
(Dans mon cas, je prétends que certains chefs religieux participent, au moins
par leurs
péchés d'omission,
à la destruction de l'Église catholique au Québec. Ce n'est pas exactement un
détail!)
4.3) Les problèmes doivent avoir directement rapport au Bien commun. Si, par exemple, vous savez que tel évêque sodomise régulièrement tel séminariste, cela est un problème très grave. Mais il ne concerne pas directement le bien commun. Un contre-exemple serait un évêque qui enseigne publiquement quelque chose qui est contraire aux enseignements de l'Église, ou qui omet de défendre les enfants innocents qu'on massacre, etc.
4.4) La critique doit viser la mauvaise décision. Seul Dieu peut juger de l'intention. (Par contre, il faut parfois nommer l'auteur de cette mauvaise décision, sinon la dénonciation devient tellement abstraite et «encryptée» que les fidèles ne la comprennent pas.)
4.5)
Il faut avoir essayé de tout faire en privé. Si vos supérieurs
commettent des erreurs sérieuses, vous ne pouvez pas «vous adresser au public»
tout de suite.
(Dans mon cas, j'ai en personne donné deux lettres au Cardinal Marc Ouellet, la
première, quelques semaines après qu'il ait été nommé évêque du diocèse de
Québec, la suivante, presque un an et demi après. J'ai aussi personnellement
livré au Services diocésains au moins trois lettres au Cardinal Ouellet, entre
les deux qu'il a reçues en mains propres. Je n'ai jamais eu ne serait-ce qu'un
Accusé de réception.)
4.6)
Le subordonné ayant le rang le plus élevé devrait faire la
critique. Si notre supérieur fait une erreur, alors c'est le supérieur de
notre supérieur qui devrait lui faire remarquer. Si seul des subordonnés voient
cette erreur, alors le subordonné ayant le rang le plus élevé devrait élever la
voix.
(Dans mon cas, même si plusieurs prêtres ont signalé leur approbation au
moins partielle de ce site web, aucun n'a voulu parler publiquement,
apparemment par peur «des loups» au diocèse. J'ai aussi envoyé une lettre au
Nonce Apostolique à Ottawa, au Canada, ce qui n'a rien donné.)
4.7) Les règles habituelles pour la Correction fraternelle s'appliquent. La Charité, la Modération, etc. Voir entre autres: Canon 212 au complet, IIa-IIae, q. 33 au complet, «Comment condamner une oeuvre mauvaise», etc.
Il y a vingt ans, j'étais pas mal au courant de tout ce que je sais aujourd'hui, concernant le triste état de l'Église au Québec. Mais j'étais jeune et peu sûr de moi, alors lorsqu'un membre du clergé me disait quelque chose de bizarre, je reculais, intimidé par son rang. Je savais que quelque chose ne tournait pas rond, mais je ne savais pas quoi faire.
Vingt ans plus tard, j'ai vu tout le dommage que les loups peuvent faire, et tous les trucs qu'ils utilisent pour se cacher. J'ai lu de nombreux livres décrivant exactement ce que je vois, j'ai parlé à de nombreuses personnes qui confirment mes intuitions, etc. Je sais aussi d'expérience que la vingtaine d'années pendant lesquelles j'ai gardé le silence n'ont pas aidé l'Église. Aussi, comme le vieil Éléazar [2M 6:24], je suis vieux et je n'ai plus rien à perdre, alors il n'y a pas de danger que je me taise maintenant!
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