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Cher Olivier (Lettre à un cégepien)

Der Untermensch; le sous-homme
[Affiche de propagande Nazi. Der Untermensch; le sous-homme. Source]

1) Introduction

Cher Olivier,

Te voilà au Cégep. Fort probablement, tu seras à l'université dans un peu plus d'un an. Je m'excuse, mais je me sens obligé de te donner quelques conseils pour réussir tes études. J'essayerai d'être bref (et rigolo, si possible!).

2) Gare aux erreurs du Ministère de l'éducation

D'abord, fais attention aux erreurs du Ministère de l'éducation. Le Gouvernement décide, jusqu'à un certain point, de l'organisation de tes études. Alors, la moindre erreur du Gouvernement aura un effet négatif sur tout ton cheminement scolaire, à moins que tu ne compenses. Voici, selon moi, quelques-unes de ces erreurs:

- séparation des sciences «dures» et «molles»;
- confusion entre l'instruction et l'éducation;
- confusion entre l'université et l'assistance sociale;
- etc.

3) Séparation des sciences «dures» et du reste

Tu vois l'affiche horrible en haut de ce texte? Les Nazis méprisaient les autres en les traitant de «sous-hommes» («untermensch» en allemand). Malheureusement, le Ministère de l'éducation du Québec divise les étudiants universitaires en «sur-hommes» et «sous-hommes». Les sur-hommes sont tous ceux qui ont étudié les sciences pures au Cégep (mathématique, physique, chimie, biologie), et les autres sont considérés comme des untermensches.

Avant que tu te précipites pour mal me comprendre, SVP remarque que:

- Bien sûr, je ne suis pas d'accord avec le Gouvernement! Tous les étudiants ont la même dignité humaine.

- On pourra toujours trouver des gens stupides qui auront étudié les sciences «dures», et des gens futés qui ne l'auront pas.

- Je ne prétends pas que tout le monde devrait devenir mathématicien ou physicien!

- Si on prend mille étudiants au hasard, et qu'on fait suivre, à 500 d'entre eux, de mauvais cours de sciences «dures» donnés par de mauvais profs, et qu'à l'autre cohorte de 500 étudiants on fait suivre de bons cours donnés par de bons profs, mais en histoire, en poésie, en philosophie, etc., la cohorte des sciences «dures» va aboutir à un sous-développement intellectuel!

- etc.

Maintenant que j'ai essayé d'éviter d'être mal compris, voici mon affirmation. En ce moment, c'est possible d'obtenir un diplôme de Cégep sans avoir été exposé aux sciences «dures». Je ne sais pas trop comment t'expliquer jusqu'à quel point c'est mauvais, mais voici quelques arguments:

3.1) La culture générale est incompatible avec cette dichotomie. Un élève qui arrive à l'université est supposé avoir acquis une culture générale. Mais sans la mathématique, la physique, la chimie et la biologie, impossible d'avoir une culture générale. (Remarque que je ne dis absolument pas que la poésie, la littérature, l'histoire et la musique sont dénuées d'importance! Pas du tout!)

Pire encore, ce n'est pas comme si tu allais avoir «la moitié d'une culture générale» en obtenant un diplôme de cégep en sciences pures, et «l'autre moitié» si tu obtenais un autre genre de diplôme de cégep. En fait, tu as plutôt le choix entre la moitié d'une culture générale (les sciences pures) que tu peux compléter en lisant de bons livres par toi-même, ou la foutaise post-moderniste qu'on va te servir à l'université si tu évites les sciences pures au cégep.

3.2) Formation de ghettos à l'université et sur le marché du travail. Les «untermensches» sont les parias à l'université. Ils sont emprisonnés dans quelques facultés et quelques programmes (du genre sociologie, philosophie, journalisme, etc.). Une fois rendus sur le marché du travail, ils ont souvent plus de difficultés à se placer. Si on considère en plus jusqu'à quel point notre économie est de plus en plus dépendante de la haute technologie, c'est littéralement un vol économique à la nation que l'on commet, en permettant aux élèves d'éviter les sciences pures.

3.3) Les étudiants doivent choisir leur carrière trop tôt. Il y a quelques années, les gens qui obtenaient leur diplôme pré-universitaire étaient tous traités également; dès qu'ils mettaient le pied à l'université, toutes les portes de toutes les facultés et départements s'ouvraient devant eux. Ils avaient acquis la culture générale qui leur permettaient de s'adapter à tout domaine de connaissance. De plus, si un étudiant s'apercevait qu'il était mal orienté, il pouvait changer de domaine facilement. De nos jours, un adolescent mineur doit décider très tôt de sa carrière, sans même qu'il ait pu «goûter» sérieusement à tous les domaines du savoir. Et ses choix sont difficiles à changer (à moins qu'il fasse ses sciences pures au cégep).

3.4) Le dégoût acquis n'est pas la même chose que les capacités mentales. Les jeunes qui évitent les sciences pures au Cégep disent souvent que «j'aime pas ça», que «je ne suis pas bon en math», et que de toute façon «j'en aurai pas besoin». J'ai envie de dire que s'ils avaient eu de bons professeurs et de bons manuels de science au secondaire, ils auraient acquis le goût des mathématiques et des autres sciences. Et quand on a du goût pour quelque chose, on se découvre souvent des capacités inattendues! Et quand on a développé une nouvelle capacité, on est heureux et en plus, on découvre des applications pour nos nouvelles capacités!

Il n'y a aucune raison pour laquelle un élève, qui termine ses études pré-universitaires, devrait avoir évité les sciences mathématique, physique, chimique et biologique. Le Gouvernement devrait changer le programme d'études pour instaurer une culture véritablement générale. Tant qu'il ne l'aura pas fait, je te conseille, cher Olivier, de faire tes sciences pures au cégep, et de compenser cette demi-culture par tes lectures personnelles en littérature, en poésie, en histoire, etc.

4) Confusion entre l'instruction et l'éducation

Il y a quelques années, le Ministère de l'éducation s'appelait le «Ministère de l'instruction publique». Pourquoi? Certainement pas parce que les gens de ce Ministère méprisaient l'éducation, ou qu'ils s'imaginaient que l'université ne pouvait jamais contribuer à l'éducation des jeunes! Mais c'est parce qu'ils étaient vivement conscients de la différence fondamentale entre l'instruction, c'est-à-dire l'assimilation de connaissances et d'habiletés, et l'éducation, qui comprend les vertus morales. D'une certaine manière, le jour où tu as quitté la maternelle pour mettre le pied en première année, ton éducation était presque terminée.

L'éducation donnée par les parents aux jeunes enfants est irremplaçable, et si elle n'est pas bien faite, elle est presque irrécupérable. Nos prisons sont pleines de preuves que l'éducation première donnée par les parents est essentielle pour la santé de notre société.

Bien sûr, pas besoin de changer le nom du Ministère pour réussir tes études, mais c'est bon de garder en tête que le mot «éducation» dans ce contexte est en partie causé par l'inflation verbale.

5) Confusion entre l'université et l'assistance sociale

Le Gouvernement a intérêt à bien paraître, pour se faire réélire. C'est pourquoi certaines parties des universités, au Québec, ont tendance à être transformées en stationnements humains pour faire diminuer les statistiques de chômage. Indépendamment de la valeur de cette approche de «création d'emplois», fais attention de ne pas te ramasser dans un de ces stationnements. Bien sûr, ce n'est pas aussi évident que ça! Il n'y a pas de lignes blanches et de parcomètres dans les salles de cours!

La meilleure manière d'éviter ce piège est de faire tes sciences pures au cégep (voir le N° 3 ci-haut), même si tu n'as pas la moindre intention de devenir mathématicien ou ingénieur, etc.

Méfie-toi aussi si on exige peu d'efforts de toi. Si tu n'as pas besoin de te forcer pour avoir de bonnes notes, c'est pas nécessairement parce que tu es un génie! C'est peut-être que tu n'es pas assez futé pour t'apercevoir que tu t'es fait «stationner» ailleurs que dans une vraie salle de cours!

Enfin, méfie-toi de la facilité déconcertante avec laquelle on distribue des diplômes universitaires à droite et à gauche. Les politiciens comparent souvent leurs taux de diplomation, un peu comme les joueurs de baseball comparent leur moyenne au bâton. L'égalité entre tous les hommes est une très bonne chose, mais l'égalitarisme exagéré n'est qu'un mensonge. Tous les hommes ont une dignité humaine égale, mais leurs talents (et surtout leur acharnement au travail!) peuvent être très inégaux.

6) Gare aux possibles erreurs de tes parents

Je ne sais pas ce que tes parents te disent, concernant ta carrière, mais je connais plusieurs adolescents qui se sont fait dire par leurs parents: «Fais ce que tu aimes, c'est ça le plus important!»

C'est vrai en partie. Oui, le goût est un bon indicateur de nos capacités, mais le goût, ça se développe, et même ça se fausse! Malheureusement, on peut s'habituer à presque n'importe quoi, et une fois habitué, on trouve ça agréable. C'est une des raisons pour lesquelles Aristote a dit que l'éducation, c'est d'apprendre à trouver son plaisir là où on devrait le trouver!

L'autre mise-en-garde concernant cette histoire de «faire ce qu'on aime» est que ce n'est pas la seule chose à considérer. Tu te souviens sûrement qu'une droite géométrique est composée d'une infinité de points. Eh bien, Aristote aurait dit que notre métier se trouve à l'intersection de deux droites: la droite de toutes les choses qu'on aime faire, et l'autre droite composée des besoins de la société. N'oublie pas l'existence de cette deuxième droite, et n'oublie pas que la première droite peut avoir une infinité de points!

7) Gare à tes propres erreurs; demeure un chercheur de Vérité et de Sagesse

Eh oui! Le temps est maintenant venu de te parler de boisson, de drogues et de filles! Même si on t'a sûrement amplement raboté les oreilles avec ces sujets, je te les rabote une fois de plus. En bref:

Niet!

C'est très important. Non seulement pour aller au Paradis, mais même pour réussir tes études! En effet, notre raison n'est pas indépendante de notre volonté. C'est un peu comme si ta volonté était la lentille de ton appareil-photo intellectuel. Si ta lentille est sale (dévoyée par les vices), tu ne pourras jamais prendre de bonnes photos de la science avec ta raison.

Je te recommanderais en plus un excellent livre sur «comment être un bon étudiant»: La vie intellectuelle de Sertillanges.

8) Conclusion

Cher Olivier, j'ai tenté de te mettre en garde contre les erreurs du Gouvernement et contre les erreurs possibles de tes parents et de toi-même. (Mais n'oublie pas de te méfier aussi de mes erreurs!)

Cela étant dit, je vais prier pour que Dieu t'accorde le courage de réussir tes études, afin que tu puisses servir la Société et l'Église!

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