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«Et si je n'étais qu'un cerveau dans une cuve?»
De nos jours, je suis souvent forcé de me battre pour faire admettre les données les plus évidentes à des adversaires sceptiques. Un de leurs arguments typiques est le célèbre problème du «Cerveau dans une cuve», généralement assaisonné de références au non moins célèbre film «La Matrice», et même à «l'Allégorie de la caverne» de Platon.
Résumons ce problème:
«Supposons un cerveau qui baigne dans une cuve pleine d'une solution qui le nourrit et le protège. Autour de cette cuve, des scientifiques hyper-intelligents et maléfiques, dotés d'une très haute technologie, contrôlent tous les intrants et extrants de ce cerveau ("input and output"). Le cerveau pourrait croire qu'il est dans «la réalité», alors qu'il ne serait que dans une cuve où on manipulerait ses signaux neurologiques!»
Les sceptiques jubilent alors en nous demandant comment on peut prouver que nous sommes réellement dans la réalité, et non pas bêtement un cerveau dans une cuve.
Primo, bien sûr toutes les objections sceptiques sont les bienvenues! Un bon philosophe est comme un bon scientifique: il n'a pas peur des faits, et il est toujours empressé d'admettre ses erreurs. Les sceptiques peuvent faire des objections quand ils veulent, et pour les raisons qu'ils veulent. (Mais bien sûr les sceptiques ne devraient pas se plaindre si nous vérifions leur objection pour voir si elle est pertinente, logique, etc.)
Secundo, avant d'analyser en tant que tel ce problème du «cerveau dans une cuve», nous devons savoir qui est équipé pour aborder ce genre de problèmes, et de quoi les solutions ont l'air.
Le problème du «Cerveau dans une cuve», de même que de nombreux autres du même genre, relèvent de la métaphysique, plus précisément de la première partie de la métaphysique: la critériologie. Pourquoi? Les sciences supérieures défendent les principes des sciences inférieures. Par exemple: un arpenteur présume comme principe le théorème de Pythagore, et il s'en sert à longueur de journée pour borner les terrains. Mais si quelqu'un attaque ce principe, c'est une science supérieure (dans ce cas-ci la géométrie) qui seule pourra le défendre. Autre exemple: une infirmière accroche un sac de soluté intraveineux à une certaine hauteur à côté d'un patient. Si on attaque ce principe, c'est une science supérieure (dans ce cas-ci la physique) qui va le défendre, en montrant que le sac doit être à une certaine hauteur pour vaincre la pression intraveineuse, sinon c'est le sang qui remontrait dans le soluté, et non l'inverse.
Il faut qu'il y ait une science qui puisse défendre ses propres principes en plus des principes des autres sciences, pour éviter de remonter à l'infini. C'est une des tâches de la métaphysique (qu'Aristote appelait «la philosophie première»). Comme on peut s'y attendre, lorsque la science la plus haute défend ses propres principes, elle utilise une méthode un peu «bizarre». Elle ne peut que réduire son adversaire au silence, en montrant qu'il se contredit lui-même.
Pourquoi la métaphysique ne peut-elle pas donner une défense plus «robuste» ou «visible» de ses propres principes? Je vois deux raisons. Primo, comme les principes de la science la plus élevée sont les principes même de la raison, les attaquer est comme «scier la branche de la raison sur laquelle nous sommes assis». Secundo, puisque la philosophie se résout dans l'intellect et non dans les sens, lorsque quelqu'un «tombe en bas de l'arbre de la raison», vous n'entendrez pas un gros «boum» et vous ne verrez pas des feuilles et des brindilles revoler autour du point d'impact. La seule manière de «voir» quelqu'un «tomber en bas de l'arbre de la raison», c'est avec votre intellect, et pour empirer les choses, la personne qui tombe va rarement se taire ou admettre son erreur lorsqu'elle va frapper le «sol de l'absurdité»!
Si nous scions la branche de la raison, nous tombons sur l'absurdité.
[Source]
Un vieux proverbe nous dit de «Ne pas chercher midi à quatorze heures». Un bon conseil, lorsqu'on discute avec des sceptiques, est de ne pas chercher la solution là on on est embourbé. Il faut revenir en arrière, et chercher les suppositions qu'ils ont réussi à nous faire passer en douce. En d'autres mots: «Quand vous êtes embourbés à midi, cherchez la supposition à 11 heures».
Essayons de clarifier le problème du «Cerveau dans la cuve»:
SI on s'arrange pour qu'un cerveau ne puisse pas savoir qu'il est dans une cuve, il ne pourra pas le savoir. OR, on s'arrange pour qu'un cerveau ne puisse pas savoir qu'il est dans une cuve DONC, le cerveau ne pourra pas le savoir!
Présenté ainsi, il devient clair que nos adversaires sceptiques peuvent bien rire de nous pendant qu'on s'embourbe dans leur piège! En effet, une fois l'hypothèse concédée, la conclusion («DONC, le cerveau ne pourra pas le savoir») est inévitable.
Le problème est avec le "OR". Si on présume que le cerveau ne peut pas savoir, alors bien sûr qu'il ne pourra pas savoir! Mais il ne sert à rien de débattre un problème, lorsque les «dés sont pipés», c'est-à-dire lorsque le résultat est décidé d'avance!
Dans ce temps-là, il faut ramener le débat sur l'hypothèse, et exiger qu'on prouve cette hypothèse au départ. Si le sceptique dit: «Mais supposons qu'elle est prouvée», on répond: «Bien sûr, si on suppose que l'hypothèse est prouvée, la conclusion s'ensuit. Mais je ne concède pas l'hypothèse sans preuves!»
Il y a des jours ou j'ai l'impression que le mot «sceptique» signifie «usine à pièges» en grec! En effet, les sceptiques arrêtent rarement après votre évitement de leur premier piège. Souvent, avec une apparente générosité, ils vont concéder que peu ou pas de gens sont convaincus d'être un cerveau dans une cuve. De plus, ils vont soigneusement éviter de se prononcer eux-mêmes avec certitude, déclarant qu'ils trouvent plus probable de ne pas être un cerveau dans une cuve, sans plus. Par contre, ils vont affirmer que, comme nous ne pouvons pas prouver que nous ne sommes pas des cerveaux dans une cuve, nous ne pourrons jamais savoir si nous disons la vérité.
Pour commencer, il faut examiner plus en profondeur ce qui se produirait si vraiment nous étions un cerveau dans une cuve. Pour cela, j'aime me servir de l'exemple d'un de mes copains informaticiens qui avait «cassé» un logiciel protégé. Ce logiciel demandait un code secret, et nous ne l'avions pas. Mon copain a utilisé un «débogueur», un logiciel spécial de très bas niveau qui s'interpose entre le «cerveau» de l'ordinateur ou UCT («CPU» en anglais) et un autre logiciel, dans notre cas le logiciel que nous voulions «casser». Le code ressemblait un peu à ceci (j'ajoute les commentaires, bien sûr):
; mettre le code secret fourni par l'usager dans le registre «EAX» MOV EAX, [EBP + 8] ; mettre le vrai code secret dans un autre registre, «EBX» MOV EBX, [EBP + 16] ; soustraire l'un de l'autre SUB EAX, EBX ; si les deux codes n'étaient pas égaux, afficher un message ; d'erreur JNE _errormessage ; sinon, laisser l'usager utiliser le logiciel! CALL _enter _errormessage: ; code pour dire à l'usager qu'il ne peut utiliser ce logiciel.
Le «débogueur» permet d'interrompre l'exécution d'un programme à n'importe quel moment, et examiner ou même modifier n'importe quoi dans l'UCT. Mon copain a donc interrompu le programme juste avant qu'il ne compare le vrai code secret avec le code bidon qu'on avait entré. Il a donc copié le vrai code secret de «EBX» à «EAX», et a ensuite laissé le programme continuer normalement. Bien sûr, le programme a constaté que les deux codes étaient identiques, alors il nous a laissé entrer!
Quel rapport avec un cerveau dans une cuve? Et bien, si vraiment nous étions un cerveau dans une cuve, nous ne pourrions même pas être sûr de raisonner logiquement! Nous pourrions avoir une idée, par exemple «2+2», et ensuite une autre idée, comme «5», pour ensuite comparer ces deux idées. Juste au moment où on arriverait pour constater que 2+2 n'est pas égal à 5, notre manipulateur diabolique pourrait tripoter les «registres» de notre cerveau et nous faire conclure que 2+2=5!
En d'autres mots, l'objection d'un cerveau dans une cuve ne laisse rien d'intact. Non seulement nous ne pourrions pas savoir si oui ou non nous percevons une vraie table ou une vraie chaise devant nous, mais nous ne pourrions rien affirmer. Même une affirmation comme «Je pense, donc je suis» ne résiste pas en toute logique à cette objection. Un cerveau dans une cuve ne peut absolument rien affirmer. Il devient selon Aristote «comme un légume».
Ou nous sommes un cerveau dans une cuve, ou pas. Si nous sommes un cerveau dans une cuve, aucune conséquence logique ne s'ensuit. Quand un sceptique affirme que la vérité absolue n'existe pas, parce que nous ne pourrons jamais prouver que nous ne sommes pas un cerveau dans une cuve, il est en train lui-même d'utiliser la logique pour faire un raisonnement. Donc, il présume qu'il n'est pas un cerveau dans une cuve. Logiquement, il ne peut rien affirmer à moins de présumer comme certain qu'il n'est pas un cerveau dans une cuve.
Un autre piège des sceptiques est de détourner l'attention de certaines données du problème. En effet, le sceptique, comme vous et moi, est absolument certain d'être dans la vraie de vraie réalité!
Quand votre adversaire sceptique commence à déblatérer qu'il «considère comme seulement probable d'être dans la réalité», prenez son portefeuille! S'il se plaint, dites-lui que c'est un portefeuille imaginaire, que c'est seulement des signaux qu'on envoie de force dans son cerveau qui est dans une cuve! Bien sûr, il va tenter de récupérer son portefeuille! Vous pouvez aussi inviter votre adversaire sceptique à aller avec vous dehors, le long de la rue. Quand une auto viendra vers vous à toute vitesse, invitez votre adversaire à faire comme si cette auto n'était que des signaux neurologiques, et non pas une vraie auto!
Psychologiquement, nous sommes incapables de penser que nous ne sommes pas dans la réalité. Un sceptique peut nier ces choses du bout des lèvres, mais il ne peut pas vivre comme si lui-même était d'accord avec ses propres affirmations. Faites parler ses actions plus fort que ses paroles! Soyez sur vos gardes, car il va probablement inventer un mensonge tordu pour prétendre que ces faits ne sont pas importants pour le débat!
Cette certitude psychologique ne suffit pas pour résoudre tout le problème de la critériologie, mais elle est une des données essentielles qu'il faut constater humblement, et ensuite expliquer rationnellement.
Le «Cerveau dans la cuve» n'est qu'un des arguments des sceptiques, et les quelques pièges énumérés ci-haut ne sont qu'un petit échantillon de leur vaste arsenal. Parfois, les sceptiques vont nier le libre-arbitre. (Donnez-leur des petites tapes en disant que vous n'êtes pas capable de vous en empêcher!) Parfois, ils vont nier que les hommes sont doués d'intelligence, ou prétendre que les chats et les chiens sont aussi intelligents que nous. (Dites-leur d'inviter un chat à participer à la discussion!) Le foisonnement des âneries sceptiques est quasiment sans limites.
D'une certaine manière, ce foisonnement peut se résumer ainsi:
1) La seule vérité absolue, c'est qu'il n'y a pas de vérité absolue.
2) Toute personne, qui insinue qu'il y a une contradiction dans la Maxime
N° 1 ci-dessus, est une personne méchante (ou
islamophobe, ou
intolérante, ou
sexiste, ou
obscurantiste, ou
homophobe, ou
fondamentaliste, ou
créationniste, etc.).
Surtout, ne laissez pas cette personne parler!
Ne vous inquiétez pas, les seuls cerveaux qui baignent dans des cuves sont ceux des sceptiques, qui baignent dans la boue enivrante et aveuglante du Post-modernisme!
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