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Le 23 janvier 2006, j'ai tenté de me faire élire en tant que candidat du Parti de l'héritage chrétien, dans la circonscription de Louis-Hébert au Canada. Ce qui suit est presque 100% des aventures qui m'ont amené à 0,2% des votes.
À ma première visite au bureau local d'Élection Canada, on m'a remis les documents nécessaires pour poser ma candidature. J'y ai aussi appris que les gens avaient déjà commencé à voter! «Mais, Élections Canada ne devrait-il pas laisser les gens voter seulement après qu'on ait établi la liste des candidats?» Haussement d'épaules du Directeur du scrutin, gros plan sur les yeux globuleux de Mister Bean!
J'avais besoin de 100 signatures pour appuyer ma candidature. «Facile! Je suis le seul candidat pro-vie et pro-famille dans cette circonscription, alors tous les catholiques vont me sauter dessus pour m'appuyer!» Alors j'ai téléphoné à la maison de l'Opus Dei, et fièrement annoncé mon existence. «Excellent, je vais signer!», a dit le Directeur. J'ai ensuite suggéré: «Pourrais-je laisser la feuille de signatures à l'entrée, pour que les autres puissent signer?» Non, cela serait une activité politique, et on ne fait pas de politique à l'Opus Dei. OK, alors pourriez-vous envoyer des courriels à vos connaissances, pour leur dire que j'existe et comment me rejoindre? Non, pour les mêmes raisons. Après de longues tractations, le mieux que j'ai pu obtenir a été: «Si un autobus rempli de membres de l'Opus Dei tombe en panne sur l'autoroute, et que par hasard je passe par là, je pourrais arrêter pour les aider, et mentionner que je suis un candidat pro-vie, en ensuite les faire signer?» Oui, sauf qu'on ne voyage jamais tous dans le même autobus. Un autre gros plan sur mes yeux globuleux.
Ensuite, j'ai contacté une Soeur (une vraie religieuse à l'ancienne mode, avec un voile sur la tête, un crucifix pendu autour du cou, et la vraie Foi catholique dans son coeur). Elle était ravie à l'idée de contribuer à sauver des vies innocentes! Elle s'est sauvée avec une feuille de signatures, l'a fait photocopier, l'a passé à ses subordonnées pour recueillir des signatures, et m'a rapporté presque 50 signatures, comme ça. N'oubliez pas que l'Opus Dei n'est pas un ordre religieux, parce que ses membres sont des laïcs ordinaires qui participent à la vie séculière de leur pays pour y faire pénétrer l'esprit de l'Évangile. D'un autre côté, les religieuses ont prononcé des voeux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance, et ne sont donc pas complètement humaines (ou canadiennes) à cause de ça.
J'étais bien fier le jour où je suis devenu officiellement un candidat. Je pensais: «Maintenant, les journalistes vont se précipiter sur moi!» Zoom arrière alors que le candidat se prend les pieds dans les fleurs du tapis et se cogne la tête contre le cadre de porte.
Pour commencer, le site web d'Élections Canada a bel et bien la liste officielle des candidats, mais ils ne donnent que le nom et le numéro de téléphone. J'ai fini par mettre une liste correcte des candidats sur mon propre site web, avec photos, logos de partis, numéros de téléphone, adresses et sites web. Le pire, c'est que Élections Canada a déjà toute cette information, puisqu'on doit la fournir (sauf la photo, mais cela ne serait pas difficile à rajouter). Toute cette information est saisie électroniquement par un obscur commis à Ottawa, mais la connection n'est pas faite avec leur propre site web. Scène de restaurant, où la serveuse refuse de donner le menu à Mister Bean, tout en insistant pour qu'il commande son repas.
Si j'étais le Premier ministre, le site web d'Élections Canada fournirait toute cette information. De plus, tous les rappels et documents, envoyés à grand frais à chaque électeur dans la circonscription, diraient: «Voter est très bien, mais cela ne suffit pas! Vous devez étudier tous les programmes électoraux et les candidats, afin de choisir le meilleur pour le Bien commun. Et en passant, vous trouverez cette information ici sur le site web d'Élections Canada.» Aussi, les gens commenceraient à voter seulement après la «Rencontre avec les médias», organisée par Élections Canada dans chaque circonscription. Cet événement donnerait à chaque candidat l'occasion de se présenter et de faire connaître le programme électoral de son parti. À ce moment précis, un énorme véhicule VUS de campagne électorale, tapissée du visage et du logo d'un riche candidat, passe en trombe et asperge Mister Bean d'une énorme vague de gadoue, le réveillant brutalement de sa rêverie ministérielle.
Tout de même, j'ai produit ce qui me semblait être une belle petite brochure non-partisanne, avec la liste de candidats mentionnée ci-haut, de même que quelques textes comme La Vaisselle sale et la politique propre, Pourris, les politiciens? et Comment s'impliquer en politique?. Pas de réponse au courriel que j'ai envoyé à tous les autres candidats, les invitant à participer à un effort commun pour combattre le désengagement des électeurs. Désengagement des candidats?
J'ai envoyé des courriels à presque tous les journaux. Pas de réactions, sauf de deux journaux locaux (Michèle Thibeau du Quebec Chronicle and Telegraph et François Simard de L'Appel). D'autres quotidiens ont éventuellement couvert la course, mais seuls deux journalistes ont réussi à épeler mon nom correctement. Pouvez-vous deviner quels deux journalistes?
J'ai essayé de téléphoner aux stations radio. La dame de Radio-Canada ne voulait rien savoir de moi. «Mais, n'est-ce pas mes impôts qui paient vos factures? Radio-Canada ne devrait-il pas travailler pour améliorer notre démocratie?» Non. «Mais si le Parti de l'héritage chrétien déclenchait une émeute, Radio-Canada nous donnerait-il de la couverture médiatique?» Oui. Hum, je ne suis pas en faveur de brûler le Coran ou de fouetter les femmes habillées impudiquement, mais j'aurais peut-être dû lui demander: «Portez-vous en ce moment une mini-jupe?»
Éventuellement, M. Yves Houde de Radio-Galiée (une station radio locale dans le secteur privé) m'a contacté pour une gentille entrevue de 12 minutes. Gros plan sur le visage horrifié de Mister Bean qui regarde brûler ses dollars d'impôts.
Je me suis rapidement rendu compte que mes alliés théoriques étaient mes ennemis en pratique. En théorie, presque tous les Canadiens-français sont catholiques, et les enseignements officiels de l'Église sont clairement pro-vie et pro-famille. En plus, le Pape a récemment répété que tous les catholiques doivent participer à la vie démocratique de leur pays, et que voter pour un politicien pro-avortement est gravement erroné. Mais il n'y a qu'un problème: Au Québec, «catholique» signifie «protestant libéral». Scène de déjeuner avec Mister Bean qui ouvre une immense boîte flambant neuve de «Céréales Catholiques», mais lorsqu'il tente d'en verser dans son bol, il n'obtient qu'un peu de poussière. Grognements frustrés de Mister Bean.
Pas d'attention des médias. Pas d'argent pour acheter du temps d'antenne ou de l'espace publicitaire dans les journaux. Pas d'aide de la plus grosse Église. Mister Bean fronce les sourcils, puis tout-à-coup, un grand sourire illumine son visage: les Centres d'achats! Il y en a trois, immenses, en plein milieu de la circonscription, droit devant le plus gros hôpital à Québec, et juste à côté de l'université. Une grande partie de la population doit passer au travers de ces centres d'achats à chaque jour!
J'ai rendu visite aux trois Administrations des Centres, avec ma proposition pour un Centre d'éducation non-partisan pour les électeurs (en gros, juste une petite table dans le corridor où tous les partis pourraient empiler leurs dépliants et leurs programmes électoraux, et où les candidats pourraient rencontrer les électeurs). Non, dans un temple religieux consacré au Matérialisme, on ne tolère pas d'activités profanes comme s'occuper de notre démocratie. Scène à l'entrée d'un Centre d'achats, avec les gardiens de sécurité qui jettent dehors des clochards, des quêteux, et des politiciens.
J'allais donc devoir rester à l'extérieur pour passer mes circulaires.
Je me souviendrai toujours du jour suivant, le mercredi le plus pluvieux dans l'histoire des janviers. J'ai marché jusqu'au Centre d'achat, avec mon genou droit qui me faisait mal, les pieds trempés, et mes circulaires dans mon sac-à-dos. Arrivé au Centre d'achat, j'ai supplié Dieu de me pardonner, puis j'ai fait demi-tour et je suis revenu à la maison. Dans un tout autre département de ma vie, la seule femme que, jusqu'ici, j'aurais osé épouser, me laissa tomber le lendemain.
J'ai réussi à sortir de mon appartement quelques jours plus tard, pour aller voter. Scène avec un Mister Bean complètement sonné, qui marche au ralenti au travers de la foule au bureau de scrutin, sans aucun son, sinon le Concerto N° 21 en do majeur K.467, par Wolfgang Amadeus Mozart. Mister Bean est dans un autre Univers. Nulconque le voit passer.
À notre dernier voyage aux bureaux d'Élection Canada, mon Agent officiel a demandé au Directeur de scrutin quoi faire avec un surplus de campagne. Il n'avait pas la moindre idée. «Ils finissent toujours dans le rouge», a-t-il dit. Mon Agent officiel a dû téléphoner à Élections Canada et se faire renvoyer d'un numéro à l'autre pendant environ 10 minutes avant d'obtenir la réponse (faire un chèque à son parti politique ou à son Association de comté).
Pendant ce temps, je jasais avec le Directeur du scrutin et son Adjoint. Pour une raison ou une autre, on a commencé à parler de l'avortement. Les deux ont insisté qu'ils étaient des catholiques en bonne et due forme, et les deux ont insisté pour dire que l'avortement était tout-à-fait acceptable, en utilisant l'argument classique de la fille violée de 13 ans. Le Directeur a même vomi avec une loquacité remarquable à peu près toutes les calomnies anti-catholiques dans la recette. J'avoue avoir manqué une bonne occasion d'être charitable, parce que j'ai dit à l'Adjoint: «Regarde-moi dans les yeux, et dis-moi si tu peux détecter si oui ou non je suis une grossesse non-désirée. Ma mère légale est-elle la même personne que ma mère biologique, ou ma vraie mère a-t-elle été violée à 13 ans?» Je fais 1 mètre 88 et 107 kilos, et mon ton de voix peut devenir assez hostile, assez rapidement. L'Adjoint s'est soudainement souvenu qu'il avait des choses à faire ailleurs.
En gros, les médias traditionnels sont contre vous, le clergé catholique est contre vous (ou terrorisé et donc silencieux), le système d'éducation est contre vous, le Gouvernement est contre vous, la majorité de la population est contre vous, et le temps et l'argent sont contre vous.
Ça, c'est mon genre de défi!
Près de 15 années plus tard, la bravoure apparente étalée dans la conclusion ci-haut s'est avérée apparente seulement, du moins pour l'instant. Voir: Mon dernier testament politique.
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