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J'aimerais bien savoir comment écrire un bon programme électoral, surtout un programme électoral générique chrétien. Le mieux que je puisse faire pour l'instant est de mentionner quelques erreurs typiques qu'il faut éviter.
Idéalement, si ce texte était bien fait, vous pourriez le prendre, commencer à lire un programme électoral, et numéroter les erreurs dans ce programme en vous servant de la liste qui suit.
On pourrait penser que c'est trop bête pour arriver, mais malheureusement c'est une erreur fréquente.
Pourquoi éviter d'avoir un programme électoral? Pour certains mauvais partis politiques, NE PAS avoir de programme est leur manière de se faire élire! Ils vont s'en tenir à de belles images de leur chef et des discours chauds et doux. Ainsi, une fois au pouvoir, ils n'auront pas besoin de tenir leurs promesses, et ils pourront concentrer tous leurs efforts sur l'acharnement à rester au pouvoir!
Une autre cause d'absence de programme électoral est l'ignorance. Plusieurs personnes croient qu'une liste de slogans et de voeux pieux est la même chose qu'un programme électoral, alors ils ne se rendent peut-être même pas compte que leur propre parti n'a pas de programme électoral!
Petit test:
Si vous envoyez une trentaine de dollars à un parti, leur demandant de
vous envoyer leur programme électoral, recevez-vous quelque chose par
la poste?
La plupart des partis, comme la plupart des hommes, ont tendance à ne voir qu'une partie de la réalité. Par exemple, certains partis chrétiens voient très clairement que l'avortement est une très mauvaise chose, et ils ont toutes sortes de bonnes idées pour réduire le nombre d'avortements. Par contre, ils n'ont pas la moindre idée comment réparer l'économie, ou comment éliminer la pollution, ou comment rendre le pays plus accueillant pour les immigrants, etc.
Un État moderne est une entité complexe, et plusieurs choses peuvent aller de travers. Ainsi, un diagnostique détaillé et une ordonnance pour une thérapie ne peuvent pas tenir dans un petit dépliant.
Petit test:
Si vous échappez une copie papier d'un programme électoral sur votre
pied, et que vous ne vous faites pas mal, ce programme ne peut pas être
complet.
Après les programmes absents ou tronqués, l'erreur la plus fréquente est le manque de contact avec la réalité. Comme dit le bonhomme à cheval sur le tapis volant: «Si je n'ai pas besoin d'être en contact avec la réalité, je peux régler tous vos problèmes!» (Voir «Le développement durable, et la pollution par les voeux pieux».)
Oui, c'est vrai qu'on pourrait éliminer la Loi de la gravitation, et qu'on économiserait ainsi beaucoup de carburant pour les avions, et qu'on réduirait les émissions de gaz à effet de serre. Sauf que les lois physiques ne peuvent pas être changées par le Parlement. Dans les vrais programmes électoraux, les lois qui sont ignorées sont souvent sociologiques et économiques. Par exemple, certains programmes prétendent qu'on devrait augmenter les taxes pour les grosses compagnies et les banques. Le problème est que toute taxe qu'on impose à une compagnie va normalement être tout simplement transférée au consommateur, c'est-à-dire que les prix pour le produit vendu par cette compagnie vont probablement augmenter proportionnellement. (Je ne dis pas ici qu'il faut éviter de taxer les riches! Je dis que c'est parfois plus compliqué que certaines personnes le pensent.)
Ceci nous amène une fois de plus au sujet très important de l'éducation. Une fois de plus, si on veut régler les problèmes de notre pays, on doit acquérir une connaissance approfondie de l'économie, de l'éthique, de la géopolitique, etc. La réalité a ses lois, et on ne peut pas les changer. Le vieux dicton est: «Natura non vincitur nisi parendo», ou «On ne peut vaincre la Nature qu'en lui obéissant». Pour prendre l'exemple des avions, si on apprend l'aérodynamique, la relation entre la portance et la traînée pour un profil de voilure, le flux turbulent ou laminaire, etc., on pourra construire des avions. Mais on ne peut pas construire des tapis volants.
Petit test:
Pouvez-vous faire mourir de rire un économiste professionnel, en lui
montrant certaines prétentions faites par ce programme électoral?
Petit test:
Le programme électoral est-il vandalisé avec des expressions vagues comme
«Tous les moyens disponibles seront mis en oeuvre pour régler tel ou tel
problème», ou «Des actions urgentes et proactives seront prises pour
faire face à telle ou telle chose», etc.?
Petit test:
Pour chaque solution proposée par ce programme électoral, un avocat aurait-il
suffisamment de détails pour être capable de rédiger une nouvelle loi,
ou modifier une loi existante?
N'importe quel mauvais politicien peut promettre de donner de l'argent qu'il n'a pas. Voir entre autres «Un million de dollars, un coup de fouet». Cette erreur est une variation importante de l'erreur précédente, c'est-à-dire que si vous n'êtes pas en contact avec la réalité, vous allez promettre de donner de l'argent, sans expliquer d'où va venir cet argent.
Petit test:
Toutes les promesses accompagnées d'un signe «$» sont-elles aussi accompagnées
d'une note de bas de page expliquant d'où va venir cet argent?
Petit test:
Le programme électoral dit-il quelles sont nos dépenses actuelles? Quelle
est notre dette actuelle? Quelles sont nos sources de revenus?
Un exemple tordant que j'ai vu récemment était: «Nous allons augmenter l'immigration vers les régions». (Remarque pour les gens qui ne vivent pas ici: le Québec est géographiquement immense, mais peu densément peuplé. De plus, il y a un exode des jeunes des «régions» vers la plus grosse ville, Montréal, et à un moindre degré vers la ville de Québec.)
C'était tordant parce que tant de gouvernements successifs au Québec ont tenté sans succès de bloquer cet exode de la population rurale vers les grandes villes. Tout le monde est d'accord qu'il serait bien de revitaliser les villes-fantômes dans le Nord, sauf que nulconque a jamais réussi. Ceci ne signifie pas qu'on devrait arrêter d'essayer de régler un problème, si le problème est difficile à régler! Mais par contre, on devrait démontrer une connaissance des tentatives antérieures.
Petit test:
Pour chaque problème qui perdure, y a-t-il une liste des gouvernements précédents
qui ont tenté de régler ce problème? Y a-t-il, pour chaque gouvernement,
un résumé des mesures qu'ils ont tenté d'implanter, à quel moment, à quel
prix, et avec quels résultats?
Petit test:
Les causes fondamentales des échecs précédents sont-elles analysées?
Par définition, si on demande aux gens de voter pour notre parti, cela signifie qu'on a soigneusement analysé tous les programmes électoraux de tous les autres partis, afin d'en arriver à la conclusion qu'ils étaient insuffisants. Si un autre parti politique a déjà trouvé une solution pour tel ou tel problème, on ne devrait pas réinventer la roue (ou pire, ignorer la solution!). On devrait juste dire: «Pour ce problème, on pense que tel autre parti a une excellente solution, et nous l'appuyons à 100%».
En fait, une des étapes lorsqu'on rédige un programme électoral devrait être d'au moins tenter d'en arriver à une déclaration commune, énumérant ce sur quoi s'entendent tous les partis politiques. Ceci a plusieurs avantages, comme diminuer le cynisme des électeurs, augmenter l'appui pour les bonnes idées (pour qu'elles soient adoptées, quel que soit le parti qui se fasse élire), etc.
Petit test:
Si vous rendez visite à un candidat électoral, pouvez-vous trouver des copies
des programmes électoraux de tous les autres partis politiques dans sa
bibliothèque?
Petit test:
Le programme électoral réfère-t-il aux bonnes idées trouvées dans les
programmes des autres partis, en leur attribuant le mérite?
Un parti politique, par définition, n'inclut pas toute la populace. Mais un parti politique qui se fait élire doit gouverner tout le monde! En d'autres mots, votre projet de société doit être fondamentalement bon pour tous. (C'est pourquoi on appelle ça «le Bien commun»!)
Une des manières de se rapprocher de ce but est de demander à tout le monde (ou une approximation pratique de «tout le monde») ce qu'ils pensent être les problèmes et les solutions.
Un autre moyen, apparenté et complémentaire, est de rechercher l'intrant des «sociétés intermédiaires». Les politicologues nous disent que la plus petite société naturelle est la famille, et que la plus grande est «la Cité» (qui en théorie peut être le monde entier). Entre ces deux extrêmes, vous avez des «sociétés intermédiaires», comme la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation du Québec, ou l'Association du barreau canadien, ou l'Association du bleuet sauvage du Canada, etc.
Les sociétés intermédiaires sont une excellente source d'information. Plusieurs d'entre elles publient régulièrement un genre de «rapport annuel» qui décrit l'état actuel de leur industrie (ou secteur d'activité), les problèmes auxquels ils font face, leurs «prédictions» pour l'avenir rapproché, etc. Ces rapports incluent aussi souvent un genre de «liste de cadeaux», ou les choses qu'ils voudraient que le gouvernement fasse pour les aider. (Idéalement, ces rapports auraient aussi une liste des choses que cette association devrait faire pour aider notre pays!)
Petit test:
Avez-vous déjà reçu une circulaire dans votre boîte aux lettres vous
demandant votre intrant pour la rédaction du programme électoral d'un parti
politique?
Petit test:
Est-ce que le programme électoral comprend une liste de toutes les
«sociétés intermédiaires» qui ont été contactées pour leur intrant?
D'après ce que je peux comprendre, les vrais problèmes politiques sont rarement simples. Ils impliquent souvent des groupes opposés (chacun composé d'une ou plusieurs personnes) qui se disputent à propos de quelque chose qu'ils prétendent leur appartenir. Le politicien doit trouver la réponse juste, qui est le juste milieu. Il semble vrai que dans tous les cas où il y a un juste milieu et des «positions extrêmes», alors toute solution doit d'abord décrire les positions «extrêmes», avant de proposer un juste milieu.
Comme il l'est dit dans le N° 4.6 de «La Révolution tranquille, et le pendule énervé», même notre avant-bras fonctionne d'une manière similaire. Nous avons des muscles qui tirent notre avant-bras vers nous, et d'autres qui le tirent loin de nous. Alors en variant la tension entre ces muscles, on peut placer notre avant-bras exactement au milieu.
Il va sûrement arriver qu'on ne sera pas tous d'accord sur un «juste milieu» quelconque, mais il serait impardonnable d'ignorer des «groupes de muscles» entiers, et de fournir une «solution» extrême et bancale.
Petit test:
Avant d'énoncer une politique spécifique, est-ce que les divers «groupes
d'intérêt» ou «positions extrêmes» ont été identifiées?
La politique n'est pas la religion. Les politiciens ne se rassemblent pas pour écrire un programme électoral, de la même manière que les Apôtres se réunissaient pour écouter la Révélation de Jésus-Christ. Nous ne sommes que des hommes. Nous n'avons pas toutes les réponses. Ceci devrait être manifeste avec le grand nombre de questions sans réponse contenues dans notre programme électoral.
Certaines personnes prétendent que ça nous fait mal paraître de ne pas avoir les solutions à tous les problèmes. Leur «solution» semble être d'éviter les sujets qu'on ne comprend pas pleinement, ou alors en rester avec des voeux pieux vagues, etc. Je prétend le contraire: si on ne le sait pas, alors on devrait formuler une question précise, et arrêter là. Peut-être que quelqu'un va nous contacter pour nous donner la réponse! Comment quelqu'un peut-il «remplir notre verre de vérité», si ce verre est déjà plein d'erreurs?
Petit test:
Combien de fois l'expression «Nous ne le savons pas» apparait-elle dans
ce programme?
Petit test:
Les auteurs donnent-ils leurs coordonnées, et demandent-ils à tous les
lecteurs de leur envoyer des corrections, des conseils, et des réponses
à leurs questions?
Apparemment, John Kenneth Galbraith aurait dit: «La politique n'est pas l'art du possible. Elle consiste à choisir entre le désastreux, et ce qui ne goûte pas bon». Sous cette bonne blague, il y a une leçon philosophique d'une grande profondeur. Comme il est dit dans le N° 4 de «Un Crucifix pour les païens?», si suivre l'attrait des plaisirs bas et immédiats était la meilleure manière de choisir les bonnes politiques, alors n'importe qui pourrait être un grand politicien!
Il est tout-à-fait possible que les citoyens d'un pays sont en ce moment prisonniers d'une erreur, et que de les guérir de cette erreur exigerait de lourds sacrifices et un long processus d'éducation pour la majorité des citoyens. (En fait, ce n'est pas un problème théorique. Au Canada par exemple, n'importe qui peut tuer n'importe quel enfant à naître pour n'importe quelle raison, de 0 a 9 mois. Un bébé n'est pas considéré comme une personne humaine par la Cour suprême!)
Lorsqu'une majorité de citoyens est prisonnière d'une telle erreur, les partis politiques ont le choix de soit mentir à la population afin de se faire élire, ou dire la vérité afin de commencer le processus d'éducation, et être forcés de perdre les élections tant que ce processus ne sera pas terminé. Je prétends qu'on doit dire la vérité, et expliquer les sacrifices que le peuple doit consentir.
Petit test:
Les expression comme «sacrifice», «abnégation», «long processus d'éducation
du peuple», etc., apparaissent-ils dans le programme?
Petit test:
Les candidats de ce parti vous disent-ils la même chose en privé qu'en public,
à propos des questions controversées?
Des livres entiers ont été écrits sur comment bien écrire. Disons au moins qu'il faut éviter:
- Le «catholais»;
- l'inflation verbale;
- le langage des «valeurs»;
- Etc., etc.
Petit test:
Voir les erreurs mentionnées dans les textes ci-haut.
Par définition, il n'y a pas de conclusion à ce texte. L'erreur, de par sa propre nature, est «infinie». Mais j'espère que cette brève liste d'erreurs typiques pourra aider des gens à rédiger leur programme électoral.
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