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§348). Après avoir déterminé les deux groupes de propriétés qui caractérisent les corps (les propriétés quantitatives et les qualités physiques), il faut maintenant préciser la nature du sujet substantiel qui forme avec elle le «composé physique» ou le phénomène au sens large, tel qu'on le rencontre dans la nature. Et de même que nous avons étudié d'abord le phénomène corporel d'une façon générale, comme distinguant tout être matériel des esprits, nous rencontrons d'abord des problèmes d'allure générale, concernant tous les corps, depuis le minéral jusqu'à l'homme. Viendront ensuite des problèmes propres au règne minéral.
Un avantage de cette distinction est de fournir une base plus large aux inductions qui fondent les grandes thèses de notre cosmologie, en particulier celle de la composition des corps en matière et forme. Rien n'exige, en effet, de s'en tenir aux minéraux pour l'établir avec évidence, puisqu'elle s'applique à tout être corporel sans exception. Nous n'omettrons pas d'ailleurs de montrer que les preuves conviennent également au règne minéral.
D'où les deux articles de cette section:
Article 1: Nature de l'être corporel en général.
Article 2: Nature des substances minérales.
b28) Bibliographie spéciale (Nature de l'être corporel en général)
§349). L'étude des phénomènes comme propriétés accidentelles n'est qu'une introduction au véritable problème philosophique qui concerne la nature intime des substances; et si celles-ci nous restent inaccessibles quant aux dernières ramifications de leurs espèces infimes, nous pouvons en connaître la nature générique scientifiquement. Pour cela, il faut, comme nous l'avons dit [§250], en déterminer les quatre causes qui en sont les raisons d'être pleinement explicatives. Pour procéder avec ordre, nous remettrons à plus tard [°450] l'étude des causes finales qui supposent l'interaction des êtres selon leurs divers degrés de perfection. Reste à considérer d'abord les causes intrinsèques, en appliquant aux corps la théorie générale de l'acte et de la puissance: (théorie cosmologique de l'hylémorphisme ou de la matière et de la forme); puis la cause efficiente dans l'apparition des corps par changements substantiels, où s'exerce aussi la causalité dispositive.
Toutes ces thèses, comme beaucoup d'autres dans la suite du traité, se fondent d'abord sur les faits interprétés par un principe philosophique qui adapte à la matière de la cosmologie le principe de raison suffisante, à savoir: «Agere sequitur esse». «L'agir suit l'être»; il importe donc d'abord d'en établir et d'en préciser la valeur. D'où les trois paragraphes de cet article:
1. - Le principe «Agere sequitur esse».
2. - L'hylémorphisme.
3. - Cause efficiente et dispositive des changements
substantiels.
Thèse 24. Le principe «Agere sequitur esse» dans le sens: «Telles propriétés, telles substances» n'est qu'une explicitation du principe de raison suffisante, fondement valable des inductions philosophiques concernant les êtres corporels.
A) Explication.
§350). «L'agir suit l'être» peut se prendre en trois sens principaux:
1) Pour agir, il est nécessaire non seulement d'être en général mais de subsister, c'est-à-dire d'exister dans la réalité, indépendamment de la considération de l'esprit; et d'y exister comme un tout substantiel, en soi et par soi et non dans un autre. Sous tous ces aspects, le principe est déjà pleinement évident, découlant immédiatement des notions primitives d'être, d'acte et de substance analysées plus haut: ce qui agit, c'est ce qui existe; et ce qui existe proprement, c'est le composé subsistant [°451]. Ce premier sens n'a pas besoin d'autre preuve; il affirme simplement que tout fait d'expérience est un phénomène au sens large qui contient nécessairement un sujet substantiel.
2) La perfection de l'action ne peut dépasser celle de l'être: elle la suit comme l'effet suit sa cause. Nous passons ici du point de vue de l'existence, à celui de l'essence, ou de la perfection ontologique des natures, celle de l'action, et celle de l'être considéré comme agent; aussi la réalisation la plus claire du principe se trouvera dans les oeuvres extérieures dont la perfection est mesurée par celle de l'ouvrier, et en ce sens encore le principe est immédiatement évident, puisque «personne ne donne ce qu'il n'a pas». Si l'effet est spirituel, par exemple, il faut nécessairement que l'agent soit également une substance spirituelle. Mais la réciproque n'est pas immédiatement évidente: si la substance agissante est supposée spirituelle, il ne s'en suit pas que tous ses effets doivent être spirituels, car «qui peut plus, peut moins». Le principe; en ce deuxième sens, permet de remonter d'un effet donné à une cause ayant au moins une perfection égale; mais non de la cause à ses effets, ni d'établir entre l'agir et l'être une égalité de perfection. On pourrait sans doute faire appel au déterminisme de la nature pour établir cette correspondance bilatérale; mais, comme nous l'avons vu, le déterminisme ne règle que les phénomènes entre eux, et ne concerne proprement que les causes au sens large, en faisant abstraction de la perfection substantielle, dont il s'agit ici. Il faut donc pour résoudre le problème des natures, même pour les minéraux, comprendre le principe en un troisième sens.
3) Tel agir, tel être («Qualis operatio, talis adaequate substantia»). La perfection des opérations mesure la perfection de la substance agissante, et d'une façon générale: «Les caractères des propriétés déterminent strictement les caractères du sujet substantiel qui en est doué». Il s'agit toujours des essences et non de l'existence; mais nous passons du point de vue de l'agent (cause efficiente) à celui d'une cause formelle produisant des effets formels; car ceux-ci, par définition [§220], découlent nécessairement de la forme, en sorte qu'ils trouvent en elle la mesure de leur perfection; réciproquement aussi leur perfection mesure celle de leur cause formelle. On trouve ici dans la réalité physique un lien comparable à celui qui relie les divers théorèmes géométriques aux définitions d'où ils découlent. Compris ainsi, le principe est beaucoup plus riche et plus efficace, mais il est moins évident et demande une démonstration.
Dans ce troisième sens du principe, l'agir ne désigne pas seulement le phénomène d'action, objet d'expérience immédiate, par exemple le fait physique de caléfaction, ou le fait psychologique d'audition, d'intellection, etc., mais aussi les substructures accidentelles analysées plus haut [§322]: à savoir, la puissance d'action, qualité stable requise comme sujet immédiat des qualités passagères; et s'il s'agit d'énergies corporelles, la figure ou structure spéciale de la partie agissante, comme celles des organes pour les fonctions vitales; et enfin l'extension elle-même avec toutes les conditions quantitatives qu'elle impose à l'exercice des diverses énergies. C'est principalement entre ces accidents stables, qui réalisent la notion logique de propriété, et le fond substantiel qu'il faut concevoir la relation de cause formelle à effet formel. Cependant, comme nous l'avons noté [§322], entre les activités comme qualités passagères et les puissances stables d'action qui leur sont immédiatement ordonnées, règne déjà le rapport d'effet formel à cause formelle, en sorte que la perfection de l'opération mesure celle de sa source et en est le principe de spécification.
En disant donc: «Tel agir, tel être», nous comprendrons par «l'agir», soit toute qualité stable ou passagère, celle-ci révélant celle-là; soit d'une façon générale toute propriété, quantitative ou qualitative, du moment qu'elle se manifeste à l'expérience comme caractérisant un sujet subsistant.
B) Preuve.
§351). Le degré de perfection du sujet substantiel est strictement déterminé par celui de ses propriétés, s'il ne peut être ni supérieur, ni inférieur, mais lui est pleinement adéquat.
Or, tel est le cas de la substance comme sujet d'inhésion des accidents propres:
a) Elle ne peut avoir une perfection inférieure: La substance, en effet, possédant en soi et par soi l'existence est pour ses propriétés accidentelles source d'être et d'existence [§209].
Or, il est impossible que la source et la raison d'être d'une perfection ait elle-même un moindre degré d'être; si «personne ne donne ce qu'il n'a pas», elle doit avoir au moins autant de perfection.
Donc la substance ne peut avoir un degré de perfection inférieur à ses propriétés.
b) Mais elle ne peut non plus avoir un degré de perfection supérieur.
La substance, en effet, comme nous l'avons montré [§208], joue par rapport à ses propriétés accidentelles, le rôle de puissance réceptrice, déterminable et perfectionnée par eux.
Or, la puissance passive ne peut être supérieure en perfection à l'acte qui la détermine.
Donc la substance ne peut avoir un degré de perfection supérieur à celui de ses propriétés; elle leur est plutôt, à ce point de vue, inférieure, en ce sens que, avant d'agir, elle n'est encore riche qu'en puissance; cela est visible, surtout pour les substances évolutives et vivantes chez qui la jeunesse est évidemment moins parfaite que la maturité.
Pourtant, dès qu'il existe, le sujet substantiel possède déjà virtuellement, et en un sens en «puissance active», toutes les déterminations accidentelles qui viendront le perfectionner, mais en en recevant l'existence; car elle n'est pas simple sujet récepteur, mais sujet d'inhésion, c'est-à-dire, un «subsistant qui n'est déterminable qu'en communiquant l'existence à ses déterminations» [§210]. Ce double rapport de puissance à acte entre l'accident et la substance, en tant que cette dernière est à divers points de vue; cause matérielle et cause efficiente (au sens large du moins) de ses accidents, exige donc entre eux une parfaite équivalence de perfection. Le principe «Agere sequitur esse», qui exprime cette équivalence, traduit simplement les divers aspects de l'expérience qui permet bien de concevoir la substance comme une cause formelle, dont les propriétés accidentelles sont les effets formels. Il est ainsi une détermination du principe de raison suffisante pour interpréter du point de vue philosophique les faits d'expérience du monde physique, que les savants modernes interprètent du point de vue mathématique.
C) Corollaires.
§352) 1. - Principe de spécification. Un principe de spécification est un critère capable d'établir une distinction réelle entre deux modes d'être définis comme essence, soit, au sens strict, comme essence complète, soit au sens large, comme essence incomplète ou générique. Ce critère, on le voit, sera pour les diverses substances corporelles, le principe «Agere sequitur esse», puisque ce n'est pas à priori, mais par induction fondée sur l'expérience qu'il s'agit d'établir scientifiquement la définition des êtres réels.
Nos inductions seront particulièrement évidentes, lorsque nous rencontrerons des propriétés jouissant d'un degré de perfection supérieure, irréductible aux degrés inférieurs, comme nous le montrerons pour les grands règnes, des vivants, des connaissants, des hommes. Mais il faudra aussi examiner le cas moins favorable des distinctions spécifiques dans un même règne; et il ne semble pas impossible de le résoudre, au moins en principe.
§353) 2. - Rapport entre substance et accidents. D'après ce qui précède, on peut résumer les rapports entre substance et accidents par la formule suivante:
«Tandis que la substance est cause ou principe ontologique de ses accidents, les accidents propres sont principe ou cause logique de la substance».
En soi, c'est la substance qui existe avant l'accident; pour nous, c'est l'accident (ou phénomène) que nous connaissons avant la substance (le noumène, dira Kant).
Il est important de remarquer que, en ces formules, il ne s'agit pas de la substance et de l'accident en général, considérés comme premières notions déterminant celle d'être après les transcendentaux; car, à cette étape, la notion de substance a priorité sur celle d'accident, aussi bien dans l'ordre logique que dans l'ordre ontologique, comme l'absolu sur le relatif [§206 et §209]. C'est pourquoi le phénomène de bon sens, objet commun d'expérience pour le savant et le philosophe, n'est jamais un pur accident mais toujours une substance (au sens général) se manifestant par certaines propriétés accidentelles.
Mais lorsqu'il s'agit des espèces plus précises de substances, comme dans les problèmes de Philosophie naturelle que nous abordons, il devient nécessaire de faire appel aux propriétés accidentelles comme au critère de spécification dont nous venons d'établir la valeur; et c'est en cette nouvelle étape scientifique que se réalise la priorité mutuelle entre substance et accident.
Notons que la priorité logique appartient aux accidents propres et non aux accidents contingents. a) Les accidents propres sont ceux qui ont avec la substance un lien nécessaire d'effet formel à cause formelle. Ce sont donc les qualités stables, et les opérations ou qualités passagères dans la mesure où elles prolongent et manifestent au dehors les qualités stables: b) Les accidents contingents sont ceux qui n'ont pas de lien nécessaire avec le degré de perfection substantielle du sujet où ils inhérent. Ce sont avant tout les propriétés quantitatives; par exemple, pour deux hommes, telle stature déterminée, 1 mètre 50 ou 1 mètre 88; tel lieu, tel âge, etc.; ce sont aussi des qualités non irréductibles, quoique distinctes, et ne constituant que le plus ou le moins dans un même degré essentiel; par exemple, entre un savant et un ignorant, il n'y a qu'un degré différent d'exercice d'une même intelligence; les diverses sciences seront donc des accidents contingents; mais tout acte de raison, scientifique ou non, sera un accident propre en tant qu'il manifeste l'intelligence humaine. Les accidents contingents constituent les particularités individuelles dans une même espèce; les accidents propres fondent les distinctions spécifiques.
La détermination des propriétés en les distinguant des accidents contingents, est donc la condition nécessaire pour appliquer correctement le principe «Agere sequitur esse». Pour les espèces plus spéciales, elle pose souvent des problèmes délicats. Il est alors requis d'observer strictement les règles de la méthode expérimentale, pour obtenir des inductions évidentes, établissant de vraies définitions essentielles.
Thèse 25. Toute substance corporelle est composée de deux principes réellement distincts, mais ordonnés essentiellement l'un à l'autre comme puissance et acte: la matière première et la forme substantielle.
A) Explication.
§354). Nous avons ici une application de la thèse fondamentale de l'acte et la puissance [cf. Thèse 4, §187, sq.] que nous démontrerons inductivement à partir des mêmes observations: celles du changement et de la multiplicité, non plus considérés en général, mais d'une façon plus spéciale, comme engageant la substance elle-même. II s'agit de faits d'expérience qui ne se rencontrent que dans les êtres corporels. Tandis que les autres distinctions, d'acte et puissance, d'essence et d'existence, de substance et d'accident affectent tout être fini, même spirituel, si, par exemple, il change de pensée, ou s'il forme avec d'autres une pluralité, la distinction de matière et de forme rend raison de trois groupes de faits propres aux corps: les changements profonds ou substantiels; l'opposition des propriétés qualitatives et quantitatives; et la multiplicité des individus dans la même espèce. D'où nos trois arguments d'induction.
Il est clair que la nature des deux principes, matière première et forme substantielle, ne peut être établie à priori; nous devons les définir en fonction des faits, selon les exigences du principe de raison d'être. Or les faits nous obligent à admettre la matière première comme un élément substantiel en puissance pure, celle-ci étant, comme nous l'avons dit, la réalité qui ne comporte aucun acte [§194, N° 3]; tandis que la forme qui lui répond est l'acte premier du corps, c'est-à-dire l'élément déterminé fondamental qui donne au corps son degré d'être et de perfection substantielle propre. La théorie s'appelle hylémorphisme, des deux mots grecs: ὕλη, matière; et μορφή, forme.
B) Preuve inductive.
§355) 1. - Par les changements substantiels. a) FAITS. On constate dans l'univers des changements substantiels où le composé physique passe d'une substance dans une autre [§252]. Le cas le plus clair est celui de la mort ou corruption des êtres corporels vivants; par exemple, la mort d'une plante, comme un cerisier que l'on coupe en pleine floraison; ou d'un animal comme un lièvre que l'on saigne. Entre le bois sec bientôt obtenu et l'arbre chargé de fleurs; ou entre la viande de venaison et l'animal agile qui s'enfuit, la différence de degré d'être et de perfection substantielle est si évidente que personne n'hésite à voir en ces faits des changements substantiels. D'ailleurs nous démontrerons plus loin scientifiquement la différence spécifique des degrés d'être minéraux, d'une part, végétaux et animaux, d'autre part [§386 et §507], entre lesquels se font par la mort des échanges perpétuels.
On pourrait aussi invoquer l'échange inverse, de la nutrition, par laquelle la substance minérale passe au règne supérieur du vivant, végétal ou animal; mais ici le terme d'arrivée n'est pas une nouvelle substance, en sorte que le phénomène convient moins pour la thèse présente que pour celle de la définition du vivant.
On peut encore citer les innombrables cas de combinaisons et d'analyses chimiques; mais ceux-ci, pour être admis comme changements substantiels, supposent démontrée la thèse de la distinction spécifique entre ce que l'on appelle les corps simples et les corps composés. Nous prendrons donc comme base d'induction le premier fait incontestable de changement substantiel, qui a d'ailleurs l'avantage d'embrasser pratiquement tous les corps, puisqu'il est le passage d'un vivant quelconque à l'ordre minéral.
b) PRINCIPE D'INTERPRÉTATION. Un changement substantiel n'est intelligible que si l'on reconnaît dans le composé physique qui le subit, deux éléments réellement distincts, mais essentiellement ordonnés l'un à l'autre comme êtres incomplets: un sujet, puissance pure; et un principe actuel, forme substantielle.
Il est clair, en effet, que ce changement, malgré son importance, n'est pas un anéantissement; on constate aux deux termes une même masse corporelle commune; par exemple, un lièvre vivant, ou mort (en tenant compte évidemment des déperditions éventuelles, par exemple, si on le saigne). Il y a donc un sujet commun potentiel. Mais ce sujet capable d'exister, d'abord avec la perfection substantielle du vivant, puis avec celle du minéral, ne peut posséder en propre ni l'une ni l'autre: il doit être indifférent ou en puissance à leur égard. Et l'on peut universaliser le cas, pour n'importe quel vivant et n'importe quel minéral. On retrouverait aisément dans les vivants capables de mourir les corps primitifs dont tous les autres sont composés; la tendance moderne à tout ramener à l'hydrogène le prouve bien. Le sujet commun de tous les changements substantiels capable d'exister avec la perfection de n'importe quel corps, ne peut donc posséder en propre la perfection substantielle d'aucun corps. Il n'a en soi aucune actualité substantielle et est dans cet ordre, puissance pure.
D'autre part, la perfection ou l'acte requis au terme de tout changement [§188 et §252] est évidemment ici d'ordre substantiel; et comme il n'y a avant lui qu'un sujet en pure puissance, il est le premier élément actuel, l'acte premier du corps ou forme substantielle. Entre ces deux éléments le lien essentiel (ou relation transcendentale) qui les unit comme deux êtres incomplets [§192 et §195], est requis par le caractère d'«être un par soi» des composés substantiels aux deux termes du changement; le lièvre vivant ne possède qu'une nature, et de même chacun des corps de la masse minérale du cadavre.
Bref, de même qu'une masse de cire (matière seconde) capable de prendre toutes les figures géométriques (formes accidentelles) (en devenant sphérique, oblongue, cubique, etc.), ne peut en posséder aucune et est pleinement en puissance à leur égard; de même la matière première capable de prendre toutes les formes substantielles en devenant n'importe quel corps ne peut en posséder aucune par soi et est pleinement en puissance (ou en puissance pure) à leur égard.
Cette preuve deviendra encore plus évidente lorsque nous aurons démontré qu'il n'y a jamais qu'une seule forme substantielle en chaque corps [§650]. Mais dès maintenant elle ne manque pas de valeur.
§356) 2. - Par l'opposition des propriétés. a) FAITS. On constate en tout être corporel une double série de propriétés, les unes quantitatives, les autres qualitatives, dont les caractères sont opposés, comme il ressort de la première section de ce chapitre. Depuis l'homme, où s'opposent, selon le langage du bons sens, les activités de l'âme et les passions du corps, jusqu'aux minéraux où s'opposent les énergies rayonnantes et aggressives, et l'étendue qui les soumet à la divisibilité et à l'inertie; partout les propriétés quantitatives manifestent un aspect d'imperfection, de passivité, de soumission; les propriétés qualitatives, un aspect de perfection, d'activité, de domination; et elles affectent toutes deux également le même composé physique, le même corps, vivant ou non, à la fois étendu et actif.
b) PRINCIPE D'INTERPRÉTATION. L'existence simultanée de deux séries opposées de propriétés, les unes actives, les autres passives, dans un même être, n'est intelligible que par l'existence en cet être de deux principes substantiels distincts, à la fois opposés et complémentaires, l'un potentiel, l'autre actuel, puisque, selon le principe «Agere sequitur esse», il y a correspondance parfaite entre propriétés et substance.
L'aspect d'imperfection qui caractérise la quantité [§265] s'enracine ainsi comme en sa source explicative, dans la matière première, puissance pure d'ordre substantiel, tandis que l'aspect de perfection qui définit la qualité [cf. Thèse 19, §314 sq.] trouve sa raison d'être dans la forme substantielle et réalise au sens plus strict la notion d'effet formel secondaire, principe de spécification des diverses substances.
On peut présenter le même argument à partir du fait incontestable du changement temporel qui affecte tout être corporel; car, d'un côté, tout être qui dure a une certaine détermination, un aspect de perfection; et d'autre part, en tant que soumis au changement successif, comme être temporel, il souffre d'une imperfection foncière. Ces deux aspects complémentaires et opposés trouvent leur raison d'être dans les deux éléments substantiels: matière et forme.
«Pour qu'une essence soit l'essence d'un être déterminé qui ne peut exister qu'en devenant [°452], il faut d'abord que cette essence ne soit pas détermination pure, sinon elle serait totalement ce qu'elle est, à savoir détermination, et elle ne serait pas source de devenir, c'est-à-dire unité d'une multiplicité; il faut ensuite que cette essence soit déterminée, puisqu'elle est l'essence d'un être existant, et donc déterminé. L'essence d'un être matériel comporte donc à la fois un principe de détermination et un principe de déterminabilité».
Ainsi, «forme substantielle et matière première sont les réalités nécessairement impliquées dans la possibilité d'un être matériel, c'est-à-dire d'une substance temporelle, c'est-à-dire d'une substance qui reste la même et est en devenir continu, c'est-à-dire d'une substance qui est essentiellement une et non simple, car tout ce qui est successif est non simple» [°453].
§357) 3. - Par la multiplicité numérique. a) FAITS. On constate chez les êtres corporels, dans la même espèce ou au même degré d'être substantiel, un grand nombre d'individus réellement distincts, par exemple, des hommes multiples; et de même, les individus en chaque espèce d'animaux, chiens, chats, hirondelles, etc., ou de plantes, ou même de minéraux, morceaux de fer, de cuivre, etc. Par application spontanée du principe: «Telles propriétés, tel être», on admet unanimement que ces individus sont pleinement équivalents comme perfection substantielle, tant leurs propriétés sont identiques. Ils sont pourtant avec une égale clarté distincts et réellement indépendants les uns des autres; mais ce qui les extériorise ainsi, ce sont des particularités quantitatives, avant tout, leur lieu propre qui n'affecte nullement leur degré de perfection; ou encore des variétés de situation, de grandeur; par exemple, Pierre est assis, Paul debout; l'un est plus grand que l'autre, etc.; ou même de vraies qualités, mais qui restent au rang d'accidents contingents sans être des propriétés distinctives [§353]. Nous pouvons d'ailleurs, comme base de notre induction, nous en tenir aux cas les plus favorables. Chez les minéraux où ce cas est fréquent, il n'est pas nécessaire de préciser quel est l'individu: qu'il soit l'atome ou le fragment cohérent, il y a multiplicité évidente dans la même espèce, or, fer, cuivre, etc., de composés physiques indépendants.
b) PRINCIPE D'INTERPRÉTATION. L'existence de plusieurs individus dans une même espèce n'est intelligible que par l'existence en eux de deux principes substantiels distincts et complémentaires, dont l'un est puissance pure et l'autre forme substantielle.
D'abord, tout être subsistant qui nous manifeste sa perfection par ses activités, le minéral par ses énergies, l'animal par ses instincts, etc. possède évidemment un principe actuel qui mesure son degré de perfection substantielle, selon l'adage «Agere sequitur esse». Il a une forme substantielle, en sorte que, par définition, toute diversité de perfection dans la forme substantielle constitue une différence spécifique.
Mais toute multiplicité, avons-nous dit [§189], exige pour être intelligible une puissance passive distincte de l'acte qu'elle reçoit en le limitant.
Donc, pour qu'une forme substantielle puisse, dans un même degré de perfection spécifique (deux hommes, deux chiens, etc.) se réaliser en plusieurs individus distincts, il faut en ces individus un principe potentiel qui la limite et la multiplie en la recevant comme la puissance reçoit l'acte. Ce principe doit être d'ordre substantiel, puisqu'il constitue des individus qui subsistent chacun indépendamment; mais il ne peut avoir aucune actualité substantielle, puisqu'il se contente de diviser et multiplier une perfection qu'il laisse intacte comme perfection. Il est donc un principe «puissance pure» d'ordre substantiel: c'est la matière première.
D'ailleurs le comportement des individus comme «êtres uns par soi» exige que ces deux éléments, matière et forme, soient en relation transcendentale mutuelle, comme deux êtres incomplets faits essentiellement l'un pour l'autre.
C) Corollaires.
§358) 1. - Propriétés de la matière première. Aristote définissait la matière première négativement comme «ce qui n'est ni une essence déterminée, ni une qualité, ni une quantité spéciale, ni aucune détermination de l'être» («Neque quid, neque quale, neque quantum, neque aliquid aliud per quod ens determinatur»). On peut la définir positivement par ses fonctions mises en évidence par l'expérience:
La matière première est, en tout être corporel, l'élément substantiel, puissance pure, principe de changement substantiel et de multiplicité numérique.
La note de puissance pure synthétise d'ailleurs tous les aspects de la définition négative d'Aristote; car en la dépouillant de tout acte, on en nie toute détermination.
Il est clair qu'un tel élément ne peut être expérimenté ni tomber sous les sens. Il réalise la notion de cause profonde découverte par notre intelligence seule dans l'être corporel, parce que cet être, sans cet élément, serait inintelligible, et donc, impossible. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire pour être réel, d'être déterminé, et par conséquent d'être actuel, même pas comme «acte incomplet»; car la notion d'être et d'être réel, étant analogue [§164 et §190] peut exprimer vraiment des réalités diverses purement et simplement, dont les degrés de perfection sont disparates et irréductibles, comme la puissance et l'acte. Mais le caractère de puissance pure que l'expérience nous oblige à reconnaître à la matière première entraîne quatre conséquences importantes qu'on peut appeler les propriétés de la matière première.
1. Il est impossible que la matière première existe seule sans forme substantielle; car l'existence lui donnerait une détermination et elle ne serait plus puissance pure. En fait, c'est le composé de matière et forme qui existe ou subsiste; et en lui, la matière est réelle, mais comme réel principe d'imperfection seulement. À ce point de vue, elle a une affinité évidente avec la quantité; et comme elle est, en tant que sujet de tous les changements substantiels, le dernier fond permanent et universel des êtres corporels, elle explique très bien le principe de la conservation de la matière ou de l'énergie, base de la science moderne.
2. La matière première n'a de soi ni bonté ni perfection, puisque la perfection comme la bonté est proportionnelle à l'acte qui lui manque totalement. C'est pourquoi elle n'est, pour le composé physique, qu'un principe de changement et de corruption. Nous éviterons néanmoins de parler de son «désir insatiable de formes toujours nouvelles» [cf. ch. 6, De l'appétit, §691], formule imagée, incapable d'exprimer la nature d'un principe purement intelligible.
3. La matière première n'a pas d'unité positive au sens propre; celle-ci n'étant que l'indistinction interne donnée par la perfection même de l'être, d'où découle sa distinction d'avec les autres [§169, et §178, définition de l'unité]. Car la matière étant puissance pure, elle est privée de toute détermination positive qui la rendrait apte à une telle distinction. Mais on peut la dire une, d'une unité négative universelle, en ce sens qu'aucune de ses réalisations en n'importe quel corps n'a rien en soi qui la distingue des autres. On ne pourrait concevoir plusieurs espèces de matières sans la doter de quelque actualité.
Par cette privation d'unité positive, la matière première devient principe ou raison d'être intrinsèquement explicative de divisibilité et de multiplicité dans son ordre substantiel, puisque ces propriétés se définissent précisément par la privation d'unité. Cette équation est une autre façon de dire que la puissance est principe de limite et de multiplicité [§189].
4. La matière première en soi échappe à notre intelligence; nous n'en avons qu'une vue indirecte et analogique par ses fonctions. Notre intelligence, en effet, comme nous le montrerons [§548], doit recevoir l'influence des objets pour les connaître. Mais ceux-ci n'agissent pas par leur aspect matériel qui est pure passivité, mais uniquement par leur aspect actif on de perfection. D'où le caractère abstractif de notre intellection qui doit laisser de côté les conditions matérielles pour saisir directement la nature intelligible des essences. C'est là évidemment pour nos sciences une grave imperfection, absente de la science créatrice de Dieu ou des idées innées des anges. Mais, comme nous l'avons dit, la raison humaine est au dernier degré des intelligences [§8 et §10].
§359) 2. - Propriétés de la forme substantielle. La forme étant l'aspect d'acte, est plus accessible à nos sciences. Elle jouit de cinq propriétés principales.
1. La forme substantielle est pour le corps principe d'être, dans le double sens essentiel et existentiel. «Forma dat esse». Quant à l'essence, elle constitue le corps dans son degré d'être spécifique. Quant à l'existence, elle ne la constitue pas intrinsèquement, car tout corps est un être fini et contingent où l'existence est réellement distincte de l'essence et de la forme [§199]. Elle ne la produit pas non plus par une sorte de causalité efficiente au sens large, comme elle est source active de ses propriétés; car, pour agir, il faut d'abord exister. Mais elle fait exister le corps en ce sens qu'elle est en lui l'élément directement et immédiatement proportionné à l'existence. C'est le composé total qui existe [°454]; mais la matière première ne reçoit l'existence que par l'intermédiaire de la forme substantielle; celle-ci la reçoit par soi, en vertu de son actualité, et selon la mesure de sa perfection.
2. La forme substantielle est principe d'action; car nul n'agit que dans la mesure où il est en acte [§197, 2e principe]; et c'est par sa forme que le corps possède son actualité foncière, sources de toutes ses manifestations opératives. C'est à elle que s'applique spécialement le principe: «Agere sequitur esse».
3. La forme substantielle est principe d'intelligibilité dans les corps, car en constituant leur être, elle constitue aussi leur degré de vérité ontologique, auquel répond la vérité logique de nos sciences.
4. La forme substantielle est principe de bonté et de finalité dans les corps. Mesure de perfection, elle est par le fait, mesure du bien qui n'est que l'être en tant que parfait [§171]. Et si l'on appelle finalité cette inclination par laquelle un être agit pour sa propre perfection, soit pour l'acquérir, soit pour la conserver, soit pour la communiquer, il faut dire que la forme en déterminant la perfection de chaque être détermine en même temps son activité et sa finalité naturelle [§684, et §863].
Ainsi la forme substantielle est ce qui constitue intrinsèquement le degré de perfection substantielle; mais on l'appellera spécialement «essence» en tant que principe de spécification et d'intelligibilité (quiddité); et «nature» en tant que principe d'opérations et de finalité.
5. La forme substantielle est principe d'unité dans les corps; car l'unité est proportionnelle à l'être. Ce qui donne la perfection essentielle donne aussi l'unité substantielle. C'est pourquoi chaque composé physique vraiment un par soi ne possède jamais qu'une forme substantielle, comme nous le montrerons [§652].
§360) 3. - Diverses opinions. L'hylémorphisme, déjà très élaboré par Aristote [PHDP, §77] fut généralement admis par les philosophes scolastiques, et dans son sens authentique par l'école albertino-thomiste [PHDP, §235 et §268]. Mais un certain nombre de penseurs reculèrent devant l'acceptation de la réalité d'une puissance pure, et ils dotèrent la matière première réelle d'un acte incomplet. Telle fut l'opinion de saint Bonaventure [PHDP, §276, I], de Duns Scot [PHDP, §289], de Suarez [PHDP, §308, (b)]. Comme conséquence logique, ils pouvaient concevoir plusieurs matières, l'une corporelle, l'autre spirituelle, et adopter l'hylémorphisme généralisé d'Avicebron [PHDP, §192] qui définit tout être créé distinct de Dieu, comme matériel. Mais nous avons montré que les fonctions essentielles à la matière première sont incompatibles avec ces théories.
Thèse 26. L'apparition d'une nouvelle substance sous l'influence d'un agent proportionné, par changement substantiel, requiert une cause dispositive, c'est-à-dire une matière déterminée, ordonnée à la réception d'une forme nouvelle par l'altération des propriétés de l'ancien corps et la réception des propriétés du nouveau.
A) Explication.
§361). Seuls les êtres corporels ou matériels subissent des changements substantiels. Pour les expliquer, il faut d'abord une cause efficiente ou un agent proportionné, c'est-à-dire un composé physique doué d'une perfection substantielle au moins égale à celle du corps produit, ou même qui lui est supérieure; car au point de vue de la cause efficiente, s'il est absurde de tirer le plus du moins, il est pleinement raisonnable d'expliquer le moins par le plus. On trouve en fait divers cas spéciaux que nous aurons à examiner plus loin: par exemple, celui des analyses et combinaisons chimiques, où il y a plusieurs causes d'espèces différentes, mais sur le même plan minéral; - celui des générations d'êtres vivants, où le nouvel individu produit, a le même degré de perfection que sa cause efficiente; - celui de la corruption ou mort des vivants, où l'effet est moins parfait que sa cause. Mais quel que soit le mode spécial de ces changements substantiels, on y trouve l'intervention nécessaire des causes dispositives dont il s'agit ici.
La notion de «disposition» concerne proprement le rapport des divers facteurs d'un phénomène de causalité. On appelle «disposition» en général, tout ce qui dans l'agent ou le patient favorise la production de l'action ou s'y oppose. Ainsi, on dira que Pierre a de «bonnes dispositions» à l'égard de Paul, s'il est prêt à l'aider. La cause instrumentale introduit, par exemple, dans le marbre des dispositions nécessaires pour qu'il devienne statue; la maladie est une mauvaise disposition pour étudier, etc. Dans le changement substantiel, les dispositions se prennent dans le patient; elles désignent l'ensemble des propriétés caractéristiques de la nouvelle substance à obtenir par le changement; par exemple, si l'eau est obtenue par changement substantiel, les dispositions seront le groupe des propriétés chimiques et physiques spécifiant le corps nouveau H20, qu'il faut introduire dans telle masse matérielle pour en faire de l'eau; dans le germe (ou cellule primitive) fruit de l'action génératrice d'un vivant, les dispositions à introduire dans les matériaux physiologiques fournis par les aliments, seront les propriétés fonctionnelles et structurelles caractéristiques du nouvel individu vivant.
Parmi ces dispositions, on en distingue deux sortes:
1. Les dispositions éloignées, sont les dispositions introduites peu à peu et par mouvement continu dans la masse substantielle destinée à changer et perdant successivement les siennes. Ce changement constitue l'altération au sens strict, c'est-à-dire, non seulement le passage d'une qualité à une autre en général, mais à d'autres qualités incompatibles avec les premières; par exemple, pour que la masse gazeuse se change en eau, il faudra la comprimer, la chauffer, l'électriser, ce qui demande un certain temps; et de même, la préparation du germe vivant peut demander un certain temps.
2. Les dispositions prochaines sont les dispositions qui, au terme de l'altération, exigent une nouvelle forme substantielle, en sorte qu'elles se réalisent au moment précis du changement substantiel. C'est d'elles qu'il s'agit proprement dans la cause dispositive.
Cette cause n'est donc pas une nouvelle espèce de cause. Elle se rattache, soit à la cause efficiente, parce que les nouvelles dispositions ne s'expliquent que par l'influence de l'agent; soit surtout à la cause matérielle, parce qu'elle ordonne la matière, de soi indifférente, à recevoir, telle forme substantielle déterminée, à savoir, celle dont les nouvelles propriétés sont le principe de spécification [§352]. Sans doute, la matière première prise en soi selon sa définition abstraite, ne comporte aucune disposition spéciale, puisqu'elle est puissance pure. Mais concrètement, elle n'existe jamais sans une forme, comme nous l'avons noté [§358]. Elle est l'élément potentiel d'un composé physique déterminé qui joue son rôle dans le changement en permettant ou refusant l'arrivée des dispositions, d'abord éloignées, puis prochaines. Si donc nous considérons la matière première à l'instant précis où se produit la nouvelle substance [°455], lorsqu'elle n'a plus l'ancienne forme incompatible avec les nouvelles propriétés et n'a pas encore la nouvelle, elle n'est plus concrètement indifférente à n'importe quelle forme; mais elle est ordonnée à recevoir seulement celle qui correspond à ces nouvelles propriétés. Les anciens caractérisaient cet état concret de la matière en cet instant; comme une privation, c'est-à-dire l'absence en elle d'une forme qui lui est due, à laquelle en ce sens elle est disposée.
La cause dispositive en changement substantiel se définira donc «la matière première en tant que, par l'introduction de nouvelles propriétés dans le composé physique, elle est ordonnée à être informée par une forme substantielle nouvelle déterminée».
B) Preuve d'induction.
§362). a) FAITS. 1) D'une façon générale, on n'obtient pas n'importe quel corps à partir de n'importe quelle matière. «Non fit quodlibet ex quocumque», remarquait déjà saint Thomas [°456]. Il y a des antécédents précis que les sciences chimiques et physiologiques déterminent; donnant toujours les mêmes substances selon des lois démontrables.
2) Ces antécédents apparaissent toujours comme une exclusion et un choix imposés, à l'égard de la matière destinée à fournir la nouvelle substance.
3) Quand la masse matérielle est apte au changement, par exemple si tel aliment convient à telle plante, quand il est le même pour plusieurs espèces, chêne, prunier, etc., on constate que le résultat final, ici tel fruit, gland ou prune, est déterminé par l'introduction de propriétés caractéristiques toujours les mêmes.
b) PRINCIPE. Or on appelle cause dispositive, ce dont dépend du côté de la matière l'apparition de telle forme substantielle déterminée.
II y a donc, en tout changement substantiel, une cause dispositive indispensable. Son intervention réduit à néant le rêve de la transmutation de la matière au gré de l'homme. Elle complète le rôle général de la matière première commune à tous les corps, et soumet aux règles et à l'harmonie des lois scientifiques, les multiples phénomènes des changements substantiels.
C) Corollaires.
§363) 1. - Priorité mutuelle. Comme toute cause doit précéder son effet, puisqu'elle en est le principe, il faut placer la causalité dispositive en cet instant où l'ancienne forme n'est plus dans le composé, avant l'arrivée de la nouvelle. À ce premier point de vue, comme jouant le rôle de cause dispositive, les propriétés nouvelles (dispositions prochaines) ont une priorité vis-à-vis de la forme de la nouvelle substance.
Mais comme ces propriétés sont précisément les accidents qui découlent de cette nouvelle forme substantielle, comme des effets formels de leur cause formelle, à ce deuxième point de vue, c'est la forme qui a une priorité vis-à-vis de ces dispositions. Mais il s'agit dans les deux cas d'une priorité de nature et non de temps, car au même instant où la matière première cesse d'être informée par l'ancienne forme, par exemple, celle d'H et d'O, elle est informée par la nouvelle, par exemple, celle de l'eau, puisqu'elle ne peut exister seule sans forme. D'ailleurs, l'instant où se produit le changement doit être conçu comme une limite [§279 et §305], pur aspect négatif qui appartient à la fois aux deux séries continues de temps qui se rejoignent en lui, comme le point où se rejoignent deux lignes supposées distinctes (parce qu'elles appartiennent, par exemple, à deux corps distincts, mais en contact) fart partie à la fois des deux, de la première comme l'endroit où elle finit, de la seconde comme l'endroit où elle commence. Ainsi l'instant du changement substantiel est le moment où finit la durée de la première substance et c'est le même instant où commence la durée de la deuxième. C'est pourquoi il est possible de concevoir en ce même instant une priorité mutuelle dans l'ordre de la nature et à deux points de vue différents, entre la nouvelle forme substantielle et les dispositions ultimes ou prochaines qui sont ses propriétés.
§364) 2. - Applications analogiques. La théorie des causes dispositives concerne au sens propre le changement substantiel, préparé par un ensemble de changements accidentels: mouvement produisant le contact local indispensable à l'interaction des corps, altérations qualitatives pour introduire les dispositions, d'abord éloignées, puis prochaines. Mais on l'applique aussi par analogie d'attribution à certains changements accidentels plus importants, qui, sans constituer une nouvelle substance, aboutissent à un état vraiment nouveau. Tel est en particulier, dans l'ordre naturel, l'acquisition des habitudes qui sont, comme on dit, une «seconde nature»; et dans l'ordre surnaturel, la réception de la grâce sanctifiante, produite par Dieu dans l'essence même de l'âme comme une sorte de nature de surcroît par laquelle nous participons à la nature divine elle-même. Dans ces cas, les dispositions sont constituées par les activités correspondant à la perfection de la nouvelle forme produite.
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